dimanche 25 septembre 2011

PHILIPPIENS 3.10-16

10 Ainsi je connaîtrai Christ, la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances en devenant conforme à lui dans sa mort
11 pour parvenir, d'une manière ou d'une autre, à la résurrection des morts.
12 Ce n'est pas que j'aie déjà remporté le prix ou que j'aie déjà atteint la perfection, mais je cours pour tâcher de m'en emparer, puisque de moi aussi, Jésus-Christ s'est emparé.
13 Frères et soeurs, je n'estime pas m'en être moi-même déjà emparé, mais je fais une chose: oubliant ce qui est derrière et me portant vers ce qui est devant,
14 je cours vers le but pour remporter le prix de l'appel céleste de Dieu en Jésus-Christ.
15 Nous tous donc qui sommes mûrs, adoptons cette attitude et, si vous êtes d'un autre avis sur un point, Dieu vous éclairera aussi là-dessus.
16 Seulement, là où nous en sommes, marchons dans la même direction [et vivons en plein accord].



Chers frères et soeurs en Christ,
chers amis,

Vous le savez sans doute, un événement d'une grande importance est en train de se dérouler; un événement auquel j'espère que vous accordez toute l'importance qu'il mérite: la coupe du monde de rugby.
 
A titre personnel, je trouve que le rugby est un beau sport, qui véhicule des valeurs nobles. C'est aussi un sport exigeant, souvent rude, qui demande des corps et des esprits éprouvés. Nous sommes des centaines de milliers à suivre cette compétition si intense.

Dans l'Antiquité aussi, les jeux du stade étaient très prisés et les athlètes étaient montrés en exemple. Cette image a été même à bien des reprises utilisée par les premiers chrétiens pour évoquer la vie de foi. La vie chrétienne est alors comparée à une course dans un stade et le chrétien devient l'athlète de Dieu qui se bat pour recevoir le prix promis. Paul en effet affirme que la vie chrétienne est une vie en tension vers un but qui est toujours au-delà de nous ; ce n'est pas une vie installée, une vie pépère et bourgeoise où l'on se croirait déjà arrivé au but, mais c'est une vie dynamique ouverte sur le futur: nous sommes comme au milieu d'une course :" mon seul souci: oubliant le chemin parcouru et tout tendu en avant, je m'élance vers le but, en vue du prix attaché à l'appel d'en haut que Dieu nous adresse en Jésus-Christ".  

J'aimerais ce matin, que nous tirions quelques conséquences pour nous, pour notre Eglise, de ces images si actuelles des jeux du stade, mais nous verrons aussi que si les premiers chrétiens reprennent à leur compte la bravoure des athlètes, leur référence à Jésus-Christ va transformer en profondeur le sens de l'image: le but n'est pas simplement d'aller au bout de soi-même, au bout de ses performances, pour une récompense individuelle et dans un esprit de compétition, car on serait bien éloigné alors de l'esprit de l'évangile...mais l'idée est de s'entraîner, de s'exercer, de persévérer comme les athlètes le font dans leur domaine, pour permettre au Christ de rayonner dans notre vie et pour nous ouvrir toujours plus à l'amour en luttant contre l'égoïsme handicapant. Il faut donc faire attention à ne pas trop prendre l'image à la lettre, mais à l'interpréter en nous référant toujours à ce modèle de vie chrétienne qu'est Jésus-Christ. 

D'abord l'athlète, positivement, est un modèle d'entraînement pour pouvoir réussir dans sa discipline et dans son art. Parfois, on évoque la première sélection d'une jeune rugbyman en équipe nationale. Mais derrière cette nouvelle assez anodine pour nous, imagine t'on les centaines, les milliers d'heures qui ont été nécessaires pour arriver à ce niveau? Imagine t'on les sacrifices que ces jeunes gens ont dû s'imposer alors que leurs camarades du même âge profitaient de l'adolescence? Réalisons-nous l'abnégation qu'il a fallu pour en arriver au but envisagé? Et cela, Paul, l'apôtre infatigable, savait l'admirer chez les athlètes ; il écrit en effet aux Corinthiens, qui avaient la tradition des Jeux Isthmiques:24 Ne savez-vous pas que, sur un stade, tous les concurrents courent pour gagner et, cependant, un seul remporte le prix? Courez comme lui, de manière à gagner.25 Tous les athlètes s'imposent une discipline sévèredans tous les domaines pour recevoir une couronne, qui pourtant sera bien vite fanée, alors que nous, nous aspirons à une couronne qui ne se flétrira jamais.26 C'est pourquoi, si je cours, ce n'est pas à l'aveuglette, et si je m'exerce à la boxe, ce n'est pas en donnant des coups en l'air.27 Je traite durement mon corps, je le maîtrise sévèrement, de peur qu'après avoir proclamé la Bonne Nouvelle aux autres, je ne me trouve moi-même disqualifié.(I Corinthiens 9. 24-25, Bible du Semeur)  
La discipline, voilà le modèle ! Et voilà un mot qui n'est plus du tout compris de nos jours et qu'on a tendance à trouver incompréhensible et absurde pour notre foi. « Discipline » c'est presqu'un gros mot pour une société dont l'immédiateté et le moindre effort sont devenus les catéchismes. Pourtant, même si le mot nous paraît désagréable par la limitation de liberté qu'il semble impliquer, nous devons comprendre que quand nous parlons de « discipline chrétienne », c'est pour évoquer l'idée d'exercer, de pratiquer;  et cela indique l'application méthodique, l'exercice répété, l'effort pour acquérir une aptitude et une compétence spécifique. On est venu me voir après le très beau concert qu'Elsa, Stuart, Charlott et Dawn nous ont offert pour les 40 ans de la paroisse, en disant « quel talent ils ont!! ». Oui, il y a du talent mais encore une fois, que d'heures passées pour domestiquer la voix, pour trouver le doigté sur la flûte ou le bon coup d'archet. Il est tout à fait pssoible d'avoir du talent, et de la gâcher en De même un athlète s'exerce pour améliorer toujours plus sa performance; un médecin, un ingénieur ou un ébéniste doit se former et s'exercer pour pratiquer son métier avec compétence. Pourquoi en irait-il différemment dans la vie spirituelle?  

On a pu dire que les chrétiens ressemblaient à des crocodiles, parce que come ces animaux, ils n'arrêtaient jamais de grandir. Dans cette maturation de notre foi, la discipline, l'exercice a toute sa place pour permettre notre croissance spirituelle. Voilà qui est mal vu aujourd'hui dans notre société qui privilégie la spontanéité et l'improvisation à la discipline, et malheureusement cette mentalité entre bien souvent dans nos Eglises ; alors que dans tant de domaines, nous acceptons de prendre du temps pour nous perfectionner, nous restons souvent en ce qui concerne notre vie de foi au stade de notre enfance! Le résultat? Des chrétiens qui, après des années de foi en sont encore à une immaturité spirituelle désolante. Quel gâchis!
Oui, cela nécessite quelques efforts et de l'organisation pour avoir chaque jour un temps de culte personnel ou familial, pour se nourrir spirituellement de la Bible, en lisant les textes du plan de lecture de la Fédération Protestante de France ou Notre Culte Quotidien, pour décourvri la richesse de la tradition chrétienne, le sens des symboles et des rites, pour nourrir une réflexion théologique un peu plus poussée en lisant certains ouvrages... mais vraiment, cela en vaut la peine. C'est la tendance des adolescents de rejeter le travail, la discipline au nom de la spontanéité et de l'authenticité!
Nous sommes souvent dans le domaine de la foi des adolescents: nous aimerions par exemple que l'Eglise s'adapte plus aux modes, qu'elle se modèle à nos humeurs, au lieu de nous laisser modeler par ce qui a été vécu par tant de générations avant nous, et de faire l'effort d'entrer dans ce trésor de notre héritage qui est à portée de notre main... Oui, la vie spirituelle, la vie chrétienne, nécessite des exercices, une discipline pour grandir, pour prendre sa pleine stature...

Comme les athlètes du stade, nous sommes donc invités à nous exercer pour progresser dans notre vie spirituelle; mais attention, car l'image a ses limites. En effet, le but de notre discipline n'est pas de nous « améliorer », ni d'atteindre une perfection morale...En terme plus moderne, on pourrait dire que le but n'est pas de "développer nos performances'' afin d'écraser les autres, d'être le premier sur le podium!! Le but de l'exercice spirituel, c'est de pouvoir ôter tout ce qui fait obstacle à l'Amour, à la Vie du Christ en nous et non de devenir des super-spirituels ! Comme l'a dit le penseur orthodoxe James Kushiner, « la discipline ne nous rapprochera pas de Dieu. Seul Dieu peut nous rapprocher de lui-même. Ce que le discipline permet, c'est de mettre notre moi, notre ego hors du chemin afin que nous puissions nous ouvrir à cette grâce divine »
C'est ce qu'affirme Paul quand il utilise cette image de la course:
Paul dit qu'il oublie tout ce qui est en arrière pour ne tendre que vers le but... Et quand on lit cela dans le contexte de cett épître que nous lisons depuis deux semaines, on voit qu'il vient de faire allusion à toutes les réussites de sa vie avant sa rencontre avec le Christ: réussites sociales, religieuses, performances spirituelles, tout cela n'est que balayures, depuis qu'il s'est laissé saisir par le Christ. Il peut donc oublier aussi bien ses réussites que ses échecs , pour toujours être tendu en avant, vers l'Avenir ouvert par le Christ... On pourrait donc dire en suivant Paul, que l'exercice principal de la foi, c'est d'accepter d'être soi-même dans le regard d'Amour de Dieu, de consentir à ce que notre identité ne soit fondée que dans cette relation à cet Autre qui nous la donne. C'est renoncer à se construire par soi-même et accepter cette dépendance de Dieu.  

Il n'y a donc dans une telle idée de mise en concurrence avec autrui comme notre société aime tellement en provoquer, mais la seule lutte est contre le péché, qui nous dit l'épître aux Hébreux, est un fardeau qui handicape notre course (Hébreux 12.1). Le péché, c'est justement tout ce qui ce qui coupe la relation avec Dieu et avec les autres.... Tous nos "exercices" spirituels sont là pour nous aider à nous détacher de nous-mêmes, à ne plus nous prendre pour le nombril du monde et le centre de perspective de la réalité, afin de laisser en nous toujours plus de place au Christ dans notre vie.  

Juste un point important pour terminer: dans cette lutte, nous ne sommes pas seuls, nous "sommes entourés d'une nuée de témoins" qui peuvent nous aider à courir cette course de la vie chrétienne avec persévérance. " En attendant, au point où nous sommes arrivés, marchons dans la même direction" vers le Christ qui nous a saisis, qui nous donne la force de nous relever et de persévérer afin qu'il puisse toujours mieux régner en nous. Amen



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