Tamar', vitrail de Diane-Blair Goodpasture |
chers
amis,
Nous
commençons aujourd'hui notre parcours de l'Avent. Durant l'année
qui s'ouvre, nous allons beaucoup entendre l'Evangile selon Matthieu.
Nous avons quatre évangiles, et chacun d'entre eux présente un
témoignage particulier, orienté d'une certaine façon, et c'est
bien sûr l'Esprit Saint qui a créé cette diversité pour mieux
saisir l'identité de Jésus et ce qu'il a accompli pour nous.
L'Evangile
selon Matthieu commence par une généalogie. Des milliers de
français se consacrent à des recherches généalogiques. Mais ce
qui est intéressant, c'est qu'en faisant ces recherches, on dévoile
parfois des secrets de famille ou des choses qu'on a préféré
oublier : l'arrière-grand-père né hors mariage, le grand
oncle condamné au bagne, etc, etc...
Le
thème de ces prédications de l'Avent sera « histoires de
grâce dans la généalogie de Jésus » et dans ces histoires
de grâce, je vais me concentrer sur des femmes qui sont nommées par
Matthieu. C'est déjà assez important pour être noté, car on ne
citait normalement pas les femmes dans la liste des ancêtres.
Mais,de toute façon, on pourrait dire que compte-tenu de ce qui est
arrivé à ces femmes, on ne se serait pas attendu à ce qu'elles
soient mentionnées (même chose pour les hommes d'ailleurs !!)
Je
vous préviens donc tout de suite, nous allons voir des histoires
dures, des histoires parfois moches,des histoires glauques, des
histoires choquantes. Des histoires qui ne font pas vraiment « esprit
de Noël » selon la définition commune. Mais en fait, Noël
c'est justement la Bonne Nouvelle qu'en son Fils Jésus, Dieu vient
agir dans ce qu'il y a de dur, de moche, de glauque, de choquant dans
notre humanité. Voilà pourquoi ces histoires sont des histoire de
grâce, et j'espère qu'elles nous aideront à comprendre que la
grâce de Dieu est encore active dans nos vies aujourd'hui, 2000 ans
après la naissance de Jésus.
Je
vous propose donc de commencer en lisant en Matthieu 1.3
On a donc ici deux
personnes : une femme Tamar, et un homme Juda. Ici, il nous faut
revenir un peu en arrière.
2000 ans avant Jésus,
Dieu s'est révélé à un homme nommé Abraham. Il l' fait car il
avait décidé d'avoir une relation particulière avec Abraham et ses
descendants, qu'on appelle les Israëlites, les Juifs. D'un poitn de
vue spirituel, Abraham est aussi le père de tous les croyants en
Jésus. Dieu a donc conclu avec les Israëlites une relation spéciale
que l'on appelle une alliance. L'histoire continue. Abraham a un
fils, Isaac. Puis Isaac a un fils, Jacob, dont Dieu change le nom
pour en faire Israël. Jacob/Israël a 12 fils, qui seront chacun à
l'origine d'une des 12 tribus d'Israël. C'est le début de la nation
d'Israël. Et, parmi les 12 fils de Jacob, il y a le quatrième :
Juda. Juda dont sera en fait issue la lignée des rois d'Israël.
Donc un type bien sans doute, non ?
Non. Juda est un rebelle.
Cela, nous le voyons dans l'histoire de son frère Joseph. Jospeh
était le plus jeune des fils de Jacob. C'était aussi clairement son
préféré. De plus, Joseph avait reçu de Dieu des visions annonçant
qu'il dominerait sur ses frères. Ces derniers finirent par haïr
leur cadet. Aussi un jour, alors qu'ils étaient tous loin de chez
eux, ils cherchèrent à le tuer. Mais, finalement, ils préférèrent
le vendre à des marchands d'esclaves. Et devinez qui eut cette
brillante idée ? Juda.
26 Alors Juda dit
à ses frères:---Quel intérêt avons-nous à tuer notre frère et à
cacher sa mort?27 Vendons-le plutôt aux Ismaélites. Ne portons
pas la main sur lui, car c'est notre frère, il est de même sang que
nous. Ses frères furent d'accord 28 et, lorsque les marchands
madianites passèrent, ils hissèrent Joseph hors de la citerne et le
vendirent aux Ismaélites pour vingt pièces d'argent. Ceux-ci
l'emmenèrent en Egypte.
Dans
une époque où la famille et les liens du sang étaient sacrés,
Juda est plus que prêt à vendre son propre frère comme esclave. Il
ne le tue pas, mais il le vend pour un maigre prix.
Les
11 frères reviennent chez eux et disent à leur père que Joseph a
été dévoré par une bête sauvage. C'est une nouvelle terrible
pour Jacob, qui sombre dans un deuil profond. il
déchira ses vêtements et mit un tissu de sac sur ses reins. Il
porta longtemps le deuil de son fils. 35 Tous ses fils et
toutes ses filles vinrent pour le consoler; mais il refusa toute
consolation et dit:---Non! c'est dans le deuil que je rejoindrai mon
fils au séjour des morts! Et il continua à pleurer Joseph.
C'est
alors que commence le chapitre 38 qui nous intéresse ce matin.
Le premier verset dit : « A la même époque, Juda se
sépara de ses frères et alla vivre chez un habitant d'Adoullam
nommé Hira. 2 Il y fit la connaissance de la fille d'un
Cananéen nommé Choua, il l'épousa et s'unit à elle. ». A
la même époque, c'est donc celle où son père est écrasé par le
chagrin et où ses frères portent leur lourd secret. Et Juda, lui,
choisit de partir. Il refuse ses responsabilités. Il s'en va, et
qui plus est, il s'en va chez les Cananéens, un peuple païen et
moralement corrompu avec lequel les descendants d'Abraham ne devaient
pas avoir de relations. Juda abandonne donc son père, sa famille,
mais aussi son Dieu. Il va jusqu'à épouser une Cananéenne.
De cette union, naissent
trois fils : Er, Onan et Chela. Vous voyez, Juda se trouve à un
moment particulier de sa vie : il a vendu son frère, il a trahi
son clan et son Dieu...et ça ne se passe pas trop mal pour lui !
Il est installé, il a une femme, trois fils : une certaine idée
du bonheur et du succès. Mais comme tout cela est basé sur une
révolte contre Dieu, ça ne va pas durer.
Les années passent et
Juda arrange un mariage entre Er et une cananéenne nommée Tamar. Er
est encore plus corrompu que son père et l'Eternel met fin à ses
jours avant qu'il ait pu donner des enfants à sa femme. Alors,
suivant une coutume qui sera plus tard intégrée dans la Loi de
Moïse (Deut 25.5-10) ; Juda demande à Onan d'épouser Tamar :
« Tu
connais ton devoir de proche parent du défunt: épouse ta belle-sœur
pour donner une descendance à ton frère ». Et c'est là que
Tamar, qui aurait dû être protégée, devient victime. Car
Onân
sait
« que les enfants qui naîtraient ne seraient pas pour lui ».
Alors, tout en ayant des rapports sexuels avec Tamar, il fait tout ce
qu'il faut pour éviter qu'elle tombe enceinte. Tout le plaisir, et
pas de responsabilité !! Et cette attitude est tellement en
horreur à Dieu qu'il fait mourir Onân à son tour (précision :
ce passage n'indique en rien que Dieu est opposé à une juste
pratique de la contraception).
Tamar
se retrouve donc veuve une deuxième fois et toujours sans enfant.
Alors Juda dit à
Tamar, sa belle-fille:---Reste veuve dans la maison de ton père
jusqu'à ce que mon fils Chéla soit devenu adulte.Car il se
disait:---Il ne faut pas que celui-ci meure aussi comme ses frères.
Tamar retourna donc dans la maison de son père et y resta.
C'est
la deuxième étape de la victimisation de Tamar. Juda lui promet d'
épouser son troisième fils...mais plus tard ! En attendant,
qu'elle rentre donc chez ses parents, ce sera mieux pour tout le
monde.
Peut-être
que Juda craint pour la vie de son dernier fils (comme si Tamar était
responsable de la mort des deux premiers) et il invente donc un
stratagème. De nouveau, il se dérobe à ses responsabilité, non
plus en jouant sur la distance, mais sur le temps : « bientôt,
bientôt »
La vérité, c'est que
Juda est un échec pathétique en tant que frère, que fils et que
père qui condamne sa belle-fille à une vie de veuve sans espoir.
Car Juda se lave les mains de ce qu'il va pouvoir arriver à Tamar
(dont la famille n'est pas tenue de l'aider). Il la renvoie de chez
lui et poursuit sa petite vie, mais Tamar, elle, est bloquée dans sa
vie. Elle est « fiancée » à Chéla et ne peut pas
épouser un autre homme sans commettre l'adultère.
Les années passent,
Chéla est devenu adulte et il n'est bien sûr pas devenu l'époux de
Tamar. Tamar est coincée. Coincée dans une relation où on ne veut
pas d'elle. Sans mari. Sans enfant. Sans espoir.
Alors Tamar va prendre
les choses en main, et, dans son désespoir, elle va chercher à
sortir de ses difficultés par ses propres moyens (ce qui, pour nous
chrétiens, nous rappelle qu'il vaut toujours mieux s'attendre à
Dieu).
Tamar apprend que son
beau-père part en voyage. Elle a donc recours à un stratagème.
Elle se voile le visage, revêt les habits provocants d'une
prostituée et attend sur le chemin que doit prendre Juda.
Notez au passage que si
Tamar a eu recours à cette ruse, c'est bien parce qu'elle savait que
son beau-père était le genre d'homme à fréquenter un certain type
de femme. Elle a d'ailleurs raison : quand Juda passe, il se
laisse aguicher sans problème. C'est d'autant plus grave que le
texte nous dit qu'il pense que Tamar (qu'il ne reconnaît pas) est
une « prostituée sacrée » (v.21, Bible du
Semeur) c'est-à-dire qu'elle est liée au culte de dieux de
fertilité cananéens. L'acte de Juda relève non seulement de
l'immoralité sexuelle mais il est aussi aggravé par une infidélité
envers le seul vrai Dieu.
Juda
et « la femme » discutent du prix : un chevreau.
Tamar exige de Juda qu'il lui laisse en gage « Ton
cachet, le cordon qui le tient et le bâton que tu as en main. Il les
lui remit et s'unit à elle, et elle devint enceinte. »
En
clair, Juda laisse à la femme sa carte d'identité, son permis de
conduire et sa carte de crédit.
Trois mois passent. Tamar
est enceinte, et la rumeur va bon train : qui est donc le père ?
La nouvelle arrive aux oreilles de Juda qui est indigné :
« Qu'on
la fasse sortir et qu'elle soit brûlée vive ! Comme on la jetait
dehors, elle envoya un message à son beau-père : c’est de l'homme
à qui appartiennent ces objets que je suis enceinte. Reconnais, je
te prie, à qui sont ce cachet, ces cordons et ce bâton. »
Ah, Juda, qui joue les
pères la morale tout en fréquentant les femmes de mauvaise vie.
Juda qui se retrouve pris au piège quand sa belle-fille lui montre
les objets qui lui appartiennent, relevant pleinement ce qui s'est
réellement passé.
Alors Juda n'a d'autre
choix que de dire :
« Elle
est plus juste que moi ; elle a fait cela parce que je ne l'ai pas
donnée pour femme à mon fils Chéla. Il ne s'unit plus jamais à
elle. »
Finalement, deux enfants
naissent, deux jumeaux : Perèts et Zerah.
Que faire de cette triste
histoire de Tamar ? Tamar, c'est une victime qui a recours
à des moyens extrêmes pour se tirer d'affaire. La prostitution, la
tromperie...une femme qui est sans doute restée toute sa vie connue
comme celle qui avait trompé son beau-père et qui avait eu de lui
deux enfants illégitimes.
Tamar c'est une femme qui
pourt sortir du désespoir a recours à des mesures désespérées.
Cela existe encore aujourd'hui. Une jeune femme n'arrive pas à
trouver la stabilité dans sa vie sentimentale et elle se met en
ménage successivement avec des types qui n'en valent pas la peine.
Un père de famille n'arrive plus à joindre les deux bouts et il
commence à voler dans la caisse de son entreprise. Le couple d'un
homme connaît une crises latente et il va voir ailleurs. Souvent,
quand on est pasteur, on est confronté à ce genre de situations :
des actions condamnables (et stupides) qui naissent d'un sentiment de
désespoir, de l'idée qu'on n'a plus d'autre issue.
Vous voyez, je vous avais
prévenu, l'histoire de Tamar n'a vraiment rien d'un conte de fées :
ce n'est pas une « belle histoire » mais le récit d'une
vie dure. Et pourtant... pourtant, Tamar est dans la généalogie de
Christ, tout comme Juda. Et cela nous permet de discerner un rayon
d'espoir au milieu de la noirceur de cette histoire : nous
aussi, malgré notre péché, nos erreurs, nous pouvons être membres
de la famille de Dieu. Et cela se peut parce que la grâce de Dieu
agit même au coeur des situations les plus difficiles.
On le voit bien dans
toute cette histoire. Joseph a été vendu par ses frères à
l'instigation de Juda mais ile st finalement devenu ministre en
Egypte et il y a accueilli toute sa famille lors d'une grande famine.
Juda quitte son clan,
mais il ne peut pas se cacher loin de Dieu et le Seigneur va se
servir de l'histoire de Tamar pour briser son coeur et l'amener à
une vraie repentance. Quand Jacob son père est sur le point de
mourir, c'est lui et sa descendance qui reçoivent la prééminence
(Gen 49)
« Le
sceptre ne s'écartera pas de Juda, et l'insigne de chef ne sera pas
ôté d'entre ses pieds jusqu'à la venue de celui auquel ils
appartiennent et à qui tous les peuples rendront obéissance. ».
C'est de Juda que seront issus tous les rois d'Israël et,
ultimement, Jésus. Dans l'Apocalypse 5, Jean a cette vision
glorieuse de Jésus « il
a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de
la racine de David »
Et Tamar va donc créer
la lignée du Messie, et de son impureté naîtra la pureté du
Royaume de Dieu que Jésus est venu établir.
Nous voyons donc que Dieu
est plus grand que notre péché, sa grandeur et son amour agissent
malgré notre péché. Dieu est toujours à l'oeuvre, par grâce.
Dieu transforme toujours, par grâce. Bien sûr, la grâce n'est pas
une excuse pour pécher (l'électricité n'est pas une excuse pour
vous électrocuter) : pensons à Er et à Onân que Dieu a
frappés dans sa juste colère.
Et c'est par ce qu'il y a
cette grâce de Dieu plus forte que tout que Juda et Tamar peuvent
apparaître dans la généalogie de Jésus (alors que si vous
découvriez une telle histoire familiale, vous ne la mettriez pas en
avant!!). Jésus est précisément venu pour sauver des pécheurs
comme Juda et Tamar.
Il y a plus. Dieu s'était
choisi un peuple, le peuple d'Israël, le peuple juif. Tamar, elle,
est une cananéenne, une païenne, elle n'est pas dans l'alliance de
Dieu. Elle était exclue. Exclue aussi sans doute aux yeux de la
société après ce qu'elle avait fait (se comporter comme une
prostituée, concevoir deux enfants hors mariage...).
Mais là encore, ça ne
marche pas comme ça dans la famille de Jésus. Jésus est venu pour
les exclus, pour ceux dont personne ne veut. Il a versé son sang
pour que même les péchés qui choquent le plus, ceux qui font peser
un lourd poids de condamnation sur leurs auteurs, soient pardonnés.
Et pour accomplir cela, Jésus a été prêt à passer aux yeux de
certains pour un enfant illégitime, lui le Fils de Dieu venu du
Père !!
Tout cela parce qu'il
veut que nous sachions que, quelque soit le poids que nous devons
porter, il nous dit « venez à moi vous qui êtes fatigués et
chargés, et je vous donnerai le repos ».
Est-ce
que nous pouvons nous aussi faire partie de la famille de Dieu,
malgré tout ce qui est arrivé ? Si nous avons été comme
Juda, englué dans notre rébellion ? Comme Tamar, victime de
nos mauvais choix dictés par le désespoir ? Oui. « Mais
à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle
a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jean 1:12)
Pour devenir enfant de Dieu, pour entrer dans la famille, il suffit de croire en Christ et d'être adopté par le Père. Cela aussi, c'est une histoire de grâce.
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