dimanche 1 décembre 2013

Histoires de grâce dans la généalogie de Jésus (1. Tamar)

Tamar', vitrail de Diane-Blair Goodpasture
Chers frères et soeurs en Christ,
chers amis,

Nous commençons aujourd'hui notre parcours de l'Avent. Durant l'année qui s'ouvre, nous allons beaucoup entendre l'Evangile selon Matthieu. Nous avons quatre évangiles, et chacun d'entre eux présente un témoignage particulier, orienté d'une certaine façon, et c'est bien sûr l'Esprit Saint qui a créé cette diversité pour mieux saisir l'identité de Jésus et ce qu'il a accompli pour nous.
L'Evangile selon Matthieu commence par une généalogie. Des milliers de français se consacrent à des recherches généalogiques. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'en faisant ces recherches, on dévoile parfois des secrets de famille ou des choses qu'on a préféré oublier : l'arrière-grand-père né hors mariage, le grand oncle condamné au bagne, etc, etc...
Le thème de ces prédications de l'Avent sera « histoires de grâce dans la généalogie de Jésus » et dans ces histoires de grâce, je vais me concentrer sur des femmes qui sont nommées par Matthieu. C'est déjà assez important pour être noté, car on ne citait normalement pas les femmes dans la liste des ancêtres. Mais,de toute façon, on pourrait dire que compte-tenu de ce qui est arrivé à ces femmes, on ne se serait pas attendu à ce qu'elles soient mentionnées (même chose pour les hommes d'ailleurs !!)
Je vous préviens donc tout de suite, nous allons voir des histoires dures, des histoires parfois moches,des histoires glauques, des histoires choquantes. Des histoires qui ne font pas vraiment « esprit de Noël » selon la définition commune. Mais en fait, Noël c'est justement la Bonne Nouvelle qu'en son Fils Jésus, Dieu vient agir dans ce qu'il y a de dur, de moche, de glauque, de choquant dans notre humanité. Voilà pourquoi ces histoires sont des histoire de grâce, et j'espère qu'elles nous aideront à comprendre que la grâce de Dieu est encore active dans nos vies aujourd'hui, 2000 ans après la naissance de Jésus.

Je vous propose donc de commencer en lisant en Matthieu 1.3
De Thamar, Juda eut pour descendant Péretz et Zérah.
On a donc ici deux personnes : une femme Tamar, et un homme Juda. Ici, il nous faut revenir un peu en arrière.
2000 ans avant Jésus, Dieu s'est révélé à un homme nommé Abraham. Il l' fait car il avait décidé d'avoir une relation particulière avec Abraham et ses descendants, qu'on appelle les Israëlites, les Juifs. D'un poitn de vue spirituel, Abraham est aussi le père de tous les croyants en Jésus. Dieu a donc conclu avec les Israëlites une relation spéciale que l'on appelle une alliance. L'histoire continue. Abraham a un fils, Isaac. Puis Isaac a un fils, Jacob, dont Dieu change le nom pour en faire Israël. Jacob/Israël a 12 fils, qui seront chacun à l'origine d'une des 12 tribus d'Israël. C'est le début de la nation d'Israël. Et, parmi les 12 fils de Jacob, il y a le quatrième : Juda. Juda dont sera en fait issue la lignée des rois d'Israël. Donc un type bien sans doute, non ?
Non. Juda est un rebelle. Cela, nous le voyons dans l'histoire de son frère Joseph. Jospeh était le plus jeune des fils de Jacob. C'était aussi clairement son préféré. De plus, Joseph avait reçu de Dieu des visions annonçant qu'il dominerait sur ses frères. Ces derniers finirent par haïr leur cadet. Aussi un jour, alors qu'ils étaient tous loin de chez eux, ils cherchèrent à le tuer. Mais, finalement, ils préférèrent le vendre à des marchands d'esclaves. Et devinez qui eut cette brillante idée ? Juda.
26 Alors Juda dit à ses frères:---Quel intérêt avons-nous à tuer notre frère et à cacher sa mort?27 Vendons-le plutôt aux Ismaélites. Ne portons pas la main sur lui, car c'est notre frère, il est de même sang que nous. Ses frères furent d'accord 28 et, lorsque les marchands madianites passèrent, ils hissèrent Joseph hors de la citerne et le vendirent aux Ismaélites pour vingt pièces d'argent. Ceux-ci l'emmenèrent en Egypte.

Dans une époque où la famille et les liens du sang étaient sacrés, Juda est plus que prêt à vendre son propre frère comme esclave. Il ne le tue pas, mais il le vend pour un maigre prix.
Les 11 frères reviennent chez eux et disent à leur père que Joseph a été dévoré par une bête sauvage. C'est une nouvelle terrible pour Jacob, qui sombre dans un deuil profond. il déchira ses vêtements et mit un tissu de sac sur ses reins. Il porta longtemps le deuil de son fils. 35 Tous ses fils et toutes ses filles vinrent pour le consoler; mais il refusa toute consolation et dit:---Non! c'est dans le deuil que je rejoindrai mon fils au séjour des morts! Et il continua à pleurer Joseph.
C'est alors que commence le chapitre 38 qui nous intéresse ce matin. Le premier verset dit : « A la même époque, Juda se sépara de ses frères et alla vivre chez un habitant d'Adoullam nommé Hira. 2 Il y fit la connaissance de la fille d'un Cananéen nommé Choua, il l'épousa et s'unit à elle. ». A la même époque, c'est donc celle où son père est écrasé par le chagrin et où ses frères portent leur lourd secret. Et Juda, lui, choisit de partir. Il refuse ses responsabilités. Il s'en va, et qui plus est, il s'en va chez les Cananéens, un peuple païen et moralement corrompu avec lequel les descendants d'Abraham ne devaient pas avoir de relations. Juda abandonne donc son père, sa famille, mais aussi son Dieu. Il va jusqu'à épouser une Cananéenne.
De cette union, naissent trois fils : Er, Onan et Chela. Vous voyez, Juda se trouve à un moment particulier de sa vie : il a vendu son frère, il a trahi son clan et son Dieu...et ça ne se passe pas trop mal pour lui ! Il est installé, il a une femme, trois fils : une certaine idée du bonheur et du succès. Mais comme tout cela est basé sur une révolte contre Dieu, ça ne va pas durer.
Les années passent et Juda arrange un mariage entre Er et une cananéenne nommée Tamar. Er est encore plus corrompu que son père et l'Eternel met fin à ses jours avant qu'il ait pu donner des enfants à sa femme. Alors, suivant une coutume qui sera plus tard intégrée dans la Loi de Moïse (Deut 25.5-10) ; Juda demande à Onan d'épouser Tamar :
 « Tu connais ton devoir de proche parent du défunt: épouse ta belle-sœur pour donner une descendance à ton frère ». Et c'est là que Tamar, qui aurait dû être protégée, devient victime. Car Onân sait « que les enfants qui naîtraient ne seraient pas pour lui ». Alors, tout en ayant des rapports sexuels avec Tamar, il fait tout ce qu'il faut pour éviter qu'elle tombe enceinte. Tout le plaisir, et pas de responsabilité !! Et cette attitude est tellement en horreur à Dieu qu'il fait mourir Onân à son tour (précision : ce passage n'indique en rien que Dieu est opposé à une juste pratique de la contraception).
Tamar se retrouve donc veuve une deuxième fois et toujours sans enfant.
Alors Juda dit à Tamar, sa belle-fille:---Reste veuve dans la maison de ton père jusqu'à ce que mon fils Chéla soit devenu adulte.Car il se disait:---Il ne faut pas que celui-ci meure aussi comme ses frères. Tamar retourna donc dans la maison de son père et y resta.
C'est la deuxième étape de la victimisation de Tamar. Juda lui promet d' épouser son troisième fils...mais plus tard ! En attendant, qu'elle rentre donc chez ses parents, ce sera mieux pour tout le monde. Peut-être que Juda craint pour la vie de son dernier fils (comme si Tamar était responsable de la mort des deux premiers) et il invente donc un stratagème. De nouveau, il se dérobe à ses responsabilité, non plus en jouant sur la distance, mais sur le temps : « bientôt, bientôt »
La vérité, c'est que Juda est un échec pathétique en tant que frère, que fils et que père qui condamne sa belle-fille à une vie de veuve sans espoir. Car Juda se lave les mains de ce qu'il va pouvoir arriver à Tamar (dont la famille n'est pas tenue de l'aider). Il la renvoie de chez lui et poursuit sa petite vie, mais Tamar, elle, est bloquée dans sa vie. Elle est « fiancée » à Chéla et ne peut pas épouser un autre homme sans commettre l'adultère.
Les années passent, Chéla est devenu adulte et il n'est bien sûr pas devenu l'époux de Tamar. Tamar est coincée. Coincée dans une relation où on ne veut pas d'elle. Sans mari. Sans enfant. Sans espoir.
Alors Tamar va prendre les choses en main, et, dans son désespoir, elle va chercher à sortir de ses difficultés par ses propres moyens (ce qui, pour nous chrétiens, nous rappelle qu'il vaut toujours mieux s'attendre à Dieu).
Tamar apprend que son beau-père part en voyage. Elle a donc recours à un stratagème. Elle se voile le visage, revêt les habits provocants d'une prostituée et attend sur le chemin que doit prendre Juda. 
Notez au passage que si Tamar a eu recours à cette ruse, c'est bien parce qu'elle savait que son beau-père était le genre d'homme à fréquenter un certain type de femme. Elle a d'ailleurs raison : quand Juda passe, il se laisse aguicher sans problème. C'est d'autant plus grave que le texte nous dit qu'il pense que Tamar (qu'il ne reconnaît pas) est une « prostituée sacrée » (v.21, Bible du Semeur) c'est-à-dire qu'elle est liée au culte de dieux de fertilité cananéens. L'acte de Juda relève non seulement de l'immoralité sexuelle mais il est aussi aggravé par une infidélité envers le seul vrai Dieu.
Juda et « la femme » discutent du prix : un chevreau. Tamar exige de Juda qu'il lui laisse en gage « Ton cachet, le cordon qui le tient et le bâton que tu as en main. Il les lui remit et s'unit à elle, et elle devint enceinte. »
En clair, Juda laisse à la femme sa carte d'identité, son permis de conduire et sa carte de crédit.

Trois mois passent. Tamar est enceinte, et la rumeur va bon train : qui est donc le père ? La nouvelle arrive aux oreilles de Juda qui est indigné :
« Qu'on la fasse sortir et qu'elle soit brûlée vive ! Comme on la jetait dehors, elle envoya un message à son beau-père : c’est de l'homme à qui appartiennent ces objets que je suis enceinte. Reconnais, je te prie, à qui sont ce cachet, ces cordons et ce bâton. »
Ah, Juda, qui joue les pères la morale tout en fréquentant les femmes de mauvaise vie. Juda qui se retrouve pris au piège quand sa belle-fille lui montre les objets qui lui appartiennent, relevant pleinement ce qui s'est réellement passé.

Alors Juda n'a d'autre choix que de dire :
« Elle est plus juste que moi ; elle a fait cela parce que je ne l'ai pas donnée pour femme à mon fils Chéla. Il ne s'unit plus jamais à elle. »
Finalement, deux enfants naissent, deux jumeaux : Perèts et Zerah.

Que faire de cette triste histoire de Tamar ? Tamar, c'est une victime qui a recours à des moyens extrêmes pour se tirer d'affaire. La prostitution, la tromperie...une femme qui est sans doute restée toute sa vie connue comme celle qui avait trompé son beau-père et qui avait eu de lui deux enfants illégitimes.
Tamar c'est une femme qui pourt sortir du désespoir a recours à des mesures désespérées. Cela existe encore aujourd'hui. Une jeune femme n'arrive pas à trouver la stabilité dans sa vie sentimentale et elle se met en ménage successivement avec des types qui n'en valent pas la peine. Un père de famille n'arrive plus à joindre les deux bouts et il commence à voler dans la caisse de son entreprise. Le couple d'un homme connaît une crises latente et il va voir ailleurs. Souvent, quand on est pasteur, on est confronté à ce genre de situations : des actions condamnables (et stupides) qui naissent d'un sentiment de désespoir, de l'idée qu'on n'a plus d'autre issue.

Vous voyez, je vous avais prévenu, l'histoire de Tamar n'a vraiment rien d'un conte de fées : ce n'est pas une « belle histoire » mais le récit d'une vie dure. Et pourtant... pourtant, Tamar est dans la généalogie de Christ, tout comme Juda. Et cela nous permet de discerner un rayon d'espoir au milieu de la noirceur de cette histoire : nous aussi, malgré notre péché, nos erreurs, nous pouvons être membres de la famille de Dieu. Et cela se peut parce que la grâce de Dieu agit même au coeur des situations les plus difficiles.
On le voit bien dans toute cette histoire. Joseph a été vendu par ses frères à l'instigation de Juda mais ile st finalement devenu ministre en Egypte et il y a accueilli toute sa famille lors d'une grande famine.
Juda quitte son clan, mais il ne peut pas se cacher loin de Dieu et le Seigneur va se servir de l'histoire de Tamar pour briser son coeur et l'amener à une vraie repentance. Quand Jacob son père est sur le point de mourir, c'est lui et sa descendance qui reçoivent la prééminence (Gen 49)
« Le sceptre ne s'écartera pas de Juda, et l'insigne de chef ne sera pas ôté d'entre ses pieds jusqu'à la venue de celui auquel ils appartiennent et à qui tous les peuples rendront obéissance. ». C'est de Juda que seront issus tous les rois d'Israël et, ultimement, Jésus. Dans l'Apocalypse 5, Jean a cette vision glorieuse de Jésus « il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de la racine de David »
Et Tamar va donc créer la lignée du Messie, et de son impureté naîtra la pureté du Royaume de Dieu que Jésus est venu établir.

Nous voyons donc que Dieu est plus grand que notre péché, sa grandeur et son amour agissent malgré notre péché. Dieu est toujours à l'oeuvre, par grâce. Dieu transforme toujours, par grâce. Bien sûr, la grâce n'est pas une excuse pour pécher (l'électricité n'est pas une excuse pour vous électrocuter) : pensons à Er et à Onân que Dieu a frappés dans sa juste colère.

Et c'est par ce qu'il y a cette grâce de Dieu plus forte que tout que Juda et Tamar peuvent apparaître dans la généalogie de Jésus (alors que si vous découvriez une telle histoire familiale, vous ne la mettriez pas en avant!!). Jésus est précisément venu pour sauver des pécheurs comme Juda et Tamar.

Il y a plus. Dieu s'était choisi un peuple, le peuple d'Israël, le peuple juif. Tamar, elle, est une cananéenne, une païenne, elle n'est pas dans l'alliance de Dieu. Elle était exclue. Exclue aussi sans doute aux yeux de la société après ce qu'elle avait fait (se comporter comme une prostituée, concevoir deux enfants hors mariage...).
Mais là encore, ça ne marche pas comme ça dans la famille de Jésus. Jésus est venu pour les exclus, pour ceux dont personne ne veut. Il a versé son sang pour que même les péchés qui choquent le plus, ceux qui font peser un lourd poids de condamnation sur leurs auteurs, soient pardonnés. Et pour accomplir cela, Jésus a été prêt à passer aux yeux de certains pour un enfant illégitime, lui le Fils de Dieu venu du Père !!
Tout cela parce qu'il veut que nous sachions que, quelque soit le poids que nous devons porter, il nous dit « venez à moi vous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos ».

Est-ce que nous pouvons nous aussi faire partie de la famille de Dieu, malgré tout ce qui est arrivé ? Si nous avons été comme Juda, englué dans notre rébellion ? Comme Tamar, victime de nos mauvais choix dictés par le désespoir ? Oui. « Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jean 1:12)

Pour devenir enfant de Dieu, pour entrer dans la famille, il suffit de croire en Christ et d'être adopté par le Père. Cela aussi, c'est une histoire de grâce.

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