dimanche 23 février 2014

LUC 17.1-10

The Mustard Seed, Dorothy Woodward
Jésus dit à ses disciples: «Il est inévitable qu'il y ait des pièges, mais malheur à celui qui en est responsable!2 Il vaudrait mieux pour lui qu'on attache à son cou une meule de moulin et qu'on le jette à la mer, plutôt qu'il ne fasse trébucher un seul de ces petits.3 Faites bien attention à vous-mêmes. Si ton frère a péché [contre toi], reprends-le et, s'il reconnaît ses torts, pardonne-lui.
4 S'il a péché contre toi 7 fois dans une journée et que 7 fois [dans la journée] il revienne [vers toi] et dise: 'J'ai eu tort', tu lui pardonneras.»
5 Les apôtres dirent au Seigneur: «Augmente notre foi.» 6 Le Seigneur dit: «Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore: 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait.
7 »Si l'un de vous a un esclave qui laboure ou garde les troupeaux, lui dira-t-il, à son retour des champs: 'Viens tout de suite te mettre à table'?
8 Ne lui dira-t-il pas au contraire: 'Prépare-moi à souper, ajuste ta tenue pour me servir jusqu'à ce que j'aie mangé et bu; après cela, toi, tu mangeras et tu boiras'? 9 A-t-il de la reconnaissance envers cet esclave parce qu'il a fait ce qui lui était ordonné? [Je ne pense pas.]10 Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné, dites: 'Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.'»


Chers frères et sœurs,
chers amis

Donne-nous plus de foi. La demande des apôtres est pressante. On dirait presque que la foi leur apparaît presque aussi nécessaire que l'oxygène. Il faut dire que Jésus vient de leur asséner un vrai coup dans la figure.

Juste avant, Jésus prononce en effet des paroles très dures, tranchantes par leur exigence: « Malheur à celui qui entraîne les autres à pécher; il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache au cou une grosse pierre et qu'on le jette dans la mer » (Luc 17.1-2) ou encore « Si ton frère se rend coupable à ton égard sept fois en un jour et que chaque fois il revienne te dire : “Je le regrette”, tu lui pardonneras. » (et Matthieu précise que Jésus demande même qu'on pardonne 77x7 fois!!).
Avertissement solennel contre ceux qui font chuter leurs frères et sœurs, obligation d'une attitude de pardon complet et radical: les apôtres sentent sur leurs épaules tout le poids des exigences exorbitantes de Jésus. Alors, conscients de leur faiblesse et de leur incapacité à obéir à ces commandements, ils se tournent vers Christ et implorent son aide. Cette attitude est saine, mais elle manque quand même la cible.

Elle est saine parce que la Loi a fait son œuvre dans le cœur des apôtres. La Loi, c'est en fait tout ce que Dieu exige de nous et qui peut se résumer ainsi: « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même ». Paroles magnifiques, mais aussi terribles, parce qu'il nous suffit de regarder dans nos actions, nos paroles et nos pensées pour nous rendre compte à quel point nous manquons d'amour. Nous sommes bien loin du but! Nous n'y arrivons pas, malgré tous nos efforts! La Loi fait son œuvre: elle montre nos manquements et nous incite à regarder ailleurs qu'en nous-mêmes, vers Dieu lui-même.
C'est ce que font les apôtres, mais c'est aussi là qu'ils manquent la cible:
« donne nous plus de foi ». Les apôtres ont l'air de considérer la foi comme une sorte de puissance, une énergie, un peu comme s'ils étaient les gaulois du village d'Astérix qui demandent la potion magique au druide quand les Romains attaquent! On dirait que pour les apôtres, la foi peut être comptée, pesée.
C'est le problème qui se pose à chaque que l'on peut entendre la « pieuse » parole : « nous n'avons pas prié avec assez de foi pour obtenir ceci ou cela ». S'il est vrai que nos prières peuvent être parfois mécaniques et formelles, ce type de remarque ne peut que nous faire plier sous le poids de la culpabilité. Mais les choses ne se passent pas comme ça. Ce n'est pas comme si nous avions besoin d'un gramme de foi pour une journée ordinaire, de 10 grammes pour passer le Bac et de 10 kg pour affronter victorieusement un cancer! Si nous pensons que Dieu n'a pas répondu comme nous le voulions à une de nos prières, ce n'est pas nécessairement parce que nous n'avons pas eu « assez » de foi, ou parce que notre foi est déficiente ! Avec Dieu tout est possible, mais cela ne veut pas dire que ce « tout » s'intègre dans le plan de Dieu.

Les apôtres se sont placés sur le plan de la quantité. Il leur faut « plus » de foi. Leur problème, c'est qu'il ne comprennent justement pas ce qu'est la foi, et comment elle « fonctionne ». C'est ce que Jésus va leur expliquer.

Si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : « Déracine-toi et plante-toi dans la mer », et il vous obéirait

La graine de moutarde est une des plus petites qui existent. Ce n'est donc clairement pas une question de quantité dit Jésus. Une mesure presque infime de foi est suffisante pour accomplir quelque chose d'extraordinaire, comme envoyer un sycomore (un grand arbre avec des racines très étendues et profondes) dans la mer. Or, dans le texte original, Jésus emploie un conditionnel qui devrait être traduit ainsi « si vous aviez de la foi comme une graine de moutarde, et vous l'avez... »

C'est un peu comme une femme qui attend un enfant. On ne peut pas dire qu'elle est très enceinte ou un peu enceinte. Une femme est enceinte ou ne l'est pas, et peu importe que l'ovule vienne juste d'être fécondé ou qu'on soit à la fin du neuvième mois! De la même façon, la question n'est pas d'avoir beaucoup de foi ou peu de foi. La question est de savoir si on a la foi ou non. Jésus invite donc les apôtres à entrer dans une nouvelle dimension, à réaliser le potentiel que la foi a placé en eux.

La foi ne se mesure donc pas à la louche. Ce qui compte, ce n'est pas son poids ou sa grandeur, mais sa réalité. Qu'est-ce que la foi? Nous avons déjà vu ce qu'elle n'est pas: une sorte de puissance magique, de talisman mental. La foi n'est pas non plus une supériorité intellectuelle qui nous permettrait de sonder tous les mystères de l'univers et de nos existences en ayant toujours les bonnes réponses, même si elle éclaire bien sûr nos vies.

Notre moi « foi » vient du latin « fides » qui voulait dire « confiance ». La foi, c'est simplement la confiance. Nous avons tous foi en quelque chose. Certains mettent leur confiance dans leur compte en banque, d'autres dans leur famille, les chrétiens sont ceux qui placent leur confiance en Dieu. Les chrétiens sont ceux qui se confient en Christ, en son message, en ce qu'il a fait pour le monde.
Avoir foi en Jésus, cela veut se reposer sur lui, lui faire confiance pour nous donner ce nouveau regard qui va nous permettre de voir différemment notre vie et le monde qui nous entoure. Et si nous plaçons notre confiance en Jésus, malgré les doutes, les questionnements qui nous assaillirons certainement et qui ne sont parfois pas mauvais, alors de grandes choses pourront s'accomplir.

L'autre élément de la foi, c'est la loyauté, la fidélité. Le chrétien est fidèle envers son Dieu, dont il a tant reçu. C'est ce que Jésus cherche à faire comprendre dans la seconde partie de notre texte, quand il raconte l'histoire de cet esclave qui n'est pas remercié après avoir accompli toute ses tâches. Ce n'est pas ici que Jésus approuve l'esclavage, il utilise juste une image courante de son époque pour faire passer une vérité d'ordre spirituel.
Pourquoi les apôtres demandent-ils à avoir plus de foi? Dans le contexte, c'est très clairement pour avoir la force d'obéir aux commandements de Jésus. Pourquoi toutes les religions du monde disent-elle aux humains d'obéir à Dieu? Pour gagner ses faveurs!

En utilisant cette image abrupte, Jésus veut nous faire comprendre que Dieu ne nous devra jamais rien. Nos œuvres ne nous permettront jamais d'acquérir un statut auprès de lui. Quand bien même nous réussirions à aimer Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes, nous n'aurions rien fait d'extraordinaire, mais seulement accompli ce qui est exigé de nous. Nous en sommes loin!!

Notre fidélité envers Dieu n'est donc pas mue par le désir de gagner des points auprès du Seigneur, de se faire bien voir d'on ne sait qui. Un homme n'est pas (normalement) fidèle à son épouse par respect des convenances sociales ou parce qu'il en attend une récompense. Il lui est fidèle parce qu'il l'aime, et c'est bien l'amour qui doit être au cœur de notre relation avec Dieu, un amour qui est venu de Dieu en premier.

Jésus n'aura jamais à nous dire « merci de me faire confiance, merci de m'être fidèle ». Ce sera plutôt à nous de lui dire « merci Jésus parce que je peux te faire confiance, merci Jésus parce que tu es fidèle ».

Voilà aussi ce qu'apporte la foi: l'assurance que Jésus nous a déjà donné ce dont nous avions besoin pour être sauvés, restaurés, et que nous n'avons plus à être sous l'esclavage de la Loi.
Jésus nous a parlé aujourd'hui de ce sycomore envoyé dans la mer. Envoyé? Pas tout à fait. Car le texte dit bien « planté ». Planté, c'est-à-dire enraciné, capable de porter du fruit et de grandir. Et bien, c'est bien cela que la foi permet. Le sycomore, ce grand arbre, c'est le symbole de la vie dans toute sa force. La mer, pour les Hébreux, c'est le symbole de la mort.

Par cette image, Jésus nous fait comprendre que La foi, c'est la main vide et tendue qui permet à Dieu de planter dans toutes nos morts (espoirs déçus, relations brisées...) toute la puissance d'une nouvelle vie. C'est ce que le Seigneur veut faire pour chacun de nous, car il est précisément le Dieu de la vie, parce que son Fils a vaincu la mort. Alors, ouvrons nos cœurs à cette nouvelle vie, à cet amour qui vient du Père. Faisons lui confiance pour tenir toutes les promesses qu'il nous fait dans sa Parole. Il est fidèle et il nous le montrera.

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