Fraichement reçu par le public américain, le dernier film de Ridley Scott Exodus: Gods and Kings a en revanche marqué le box-office français de la fin 2014. Ce succès d'un film basé sur l'histoire de Moïse dans un pays largement dépourvu de culture biblique ne manque pas d'étonner à première vue. C'est peut-être que, en l'occurrence, Exodus, au-delà de ses qualités, n'est jamais qu'un film dont le scénario est inspiré du récit biblique, dont il s'éloigne de façon importante à de nombreuses reprises.
Cela pose t'il problème? De nombreux commentateurs chrétiens se sont lamentés en constatant les libertés que Ridley Scott avait prises avec le texte de l'Exode. Cela peut sembler injuste. Scott, en effet, n'a jamais (et c'est heureux!!) prétendu réaliser un film fidèle au texte biblique. Son rapport au texte dont il a tiré son inspiration est clairement un rapport d'incroyance, mais il faudrait que l'on arrête dans certains milieux de demander à des non-chrétiens d'agir et de penser comme des chrétiens. Vienne le temps où émergeront de nos églises de jeunes cinéastes, peintres, auteurs, musiciens, qui sauront pratiquer leurs disciplines sous l'autorité de Christ, afin de rendre gloire à Dieu. En attendant, cessons de geindre sur tous les domaines de la pensée humaine que l'Eglise a abandonné à la pensée humaniste et laïque.
A titre personnel, je pense qu'en s'inspirant des grands récits bibliques, Hollywood rend d'une certaine façon un hommage (involontaire?) au rôle fondamental des Ecritures dans notre culture occidentale. C'est déjà beaucoup et les chrétiens devraient s'engouffrer dans cette porte entrouverte.
Le film repose sur assez beau jeu d'acteurs, mais Christian Bale, bien que rempli de biscotos, n'a pas la carrure d'un Moïse. Les moyens techniques sont dans la norme actuelle mais judicieusement utilisés. Scott n'hésite pas à saupoudrer un peu d'humour, surprenant ici, mais qui ne choque pas. On est face à une super-production à la réalisation assez léchée, au budget manifestement gros et qui parvient à faire oublier (et ce n'est pas un mince mérite) qu'elle dure 2h30.
C'est donc un film que j'ai vu avec un certain plaisir, mais plaisir toujours mêlé d'agacement
devant le nombre de raccourcis ou d'erreurs par rapport au récit
original. Il est naturel que les personnes ne connaissant pas la Bible
n'auront pas eu ce problème, mais ils auraient tort de penser, en
sortant des salles, qu'ils connaissent l'histoire de Moïse.
C'est que Scott s'éloigne tant du texte biblique qu'on ne retrouve parfois plus celui-ci.
Les 10 plaies d'Egypte sont présentées dans une approche assez lourdement rationaliste, de même d'ailleurs que la traversée de la Mer des Joncs... Le film ne nie pourtant pas que Dieu soit à l'origine des fléaux et de la libération du peuple, restant dans un entre-deux assez pénible. L'introduction dans le récit de thématiques purement contemporaines (agnosticisme, questionnements psychologiques...) fait parfois s'enliser le film dans des développements qui ne l'enrichissent pas. On se rassure en constatant que l'épisode capital de la première Pâque est présent, Pâque qui pointe vers Jésus, nouveau chef du Peuple de Dieu et agneau qui ôte le péché du monde.
Le point le plus problématique du film est l'humanisation de Dieu, représenté sous la forme de ce qu'il faut bien appeler une sorte de sale gamin assez capricieux. Tout l'épisode de l'appel de Moïse et la révélation de Dieu qui l'entoure est ainsi complètement aplatie dans le texte. Scott s'est fait un Dieu de son invention, ce que la Bible appelle une idole. Que cela nous rappelle sobrement que c'est uniquement dans la Bible que nous pourrons découvrir que Dieu est vraiment.
En résumé, Ridley Scott poursuit dans la lignée peplum débutée par Gladiator, il le fait assez bien mais gageons qu'Exodus: Gods and Kings ne tiendra jamais la comparaison avec Les 10 Commandements dans la catégorie "épopée biblique". C'est que le film, sans être mauvais en tant que tel, passe à côté de la véritable profondeur du personnage principal et des thèmes traités...on a parfois le souffle coupé, mais en y réfléchissant bien, on se dit que Scott est passé à côté de son sujet et aurait pu faire mieux.
Vous l'aurez compris, j'aurai tendance à mettre un honnête 13/20 en termes de qualités artistiques et 3/20 (et c'est généreux) pour la fidélité à la Bible, mais encore une fois, ce n'était pas le souci de l'auteur. Ce film, malgré ses lacunes, permettra au moins aux chrétiens qui auront été le voir avec des amis
incroyants d'introduire les thèmes de la délivrance, de l'identité, de l'action de Dieu dans l'histoire humaine... bref, du grain à moudre!
T.Constantini
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