Ce passage bien connu de la Genèse relate des événements somme toute assez banals : il est question de naissances, d'une mort, d'un culte. Mais ce qui est moins banal, c'est qu'il s'agit à chaque fois d'une 'première'. Avec Caïn et Abel, nous sommes au tout début de l'humanité, du temps d'Adam et d'Eve : ceux-ci découvrent avec émerveillement la naissance d'un enfant. Mais ils découvrent aussi avec effroi la mort, d'autant plus terrible qu'elle se double ici d'un crime, perpétré au moment où les deux frères rendaient un culte à Dieu en lui présentant leurs offrandes. Parlons donc de ces trois événements inédits :
· La première naissance, · Le premier culte, · La première mort
1. La naissance du premier enfant
Adam connut Eve, sa femme ; elle conçut et enfanta Caïn, et elle dit : J'ai formé un homme avec l'aide de l'Eternel. Elle enfanta encore son frère Abel. Abel fut berger, et Caïn fut laboureur. Le mot " connut " décrit ici les relations sexuelles : Eve devint enceinte et mit au monde un enfant qu'elle appela Caïn.
Quoi de plus banal que la naissance d'un enfant ! Pourtant, cette naissance-là ne l'est pas, car c'est une première dans l'histoire de l'humanité : il s'agit de la naissance du tout premier enfant ! Adam et Eve avaient été créés par Dieu à l'état adulte, mais Caïn naît de sa mère comme enfant. C'est ce qui explique l'émerveillement d'Eve : J'ai formé un homme avec l'aide de l'Eternel ! Dommage que nous ne puissions pas entendre Eve prononcer elle-même ces paroles, car ce devait être l'expression d'une immense joie : non seulement la joie qu'éprouve toute mère en découvrant son nouveau-né, mais aussi l'émerveillement devant quelque-chose qu'elle n'avait encore jamais vu : un nourrisson, un petit être humain, un bébé, une miniature humaine ; … un véritable petit chef-d’œuvre !
Avant l'accouchement, Adam et Eve s'étaient certainement posé plein de question : combien de temps l'enfant resterait-il dans le ventre de sa mère ? A quoi ressemblerait le petit être humain ? Comment se passerait la naissance ? Evidemment, Eve savait que l'accouchement serait douloureux, car Dieu le lui avait annoncé comme l'une des conséquences du péché. J'ai formé un homme avec l'aide de l'Eternel !
Joie de la maternité, mais joie aussi d'avoir donné la vie ! Eve sait que cet enfant résulte d'un acte créateur de Dieu, mais c'est tout de même elle qui a porté l'enfant ; c'est dans son ventre qu'il a grandi. Adam a eu raison d'appeler sa femme EVE, ce qui signifie la 'vie'. Elle donne la vie ; elle la transmet. L'enfant recevra le nom de Caïn, un nom dérivé de 'j'ai formé'. La joie qu'expriment ces paroles d'Eve : J'ai formé un homme avec l'aide de l'Eternel ! vient peut-être aussi - ou même surtout - de ce que c'est là la preuve qu'effectivement, le processus de la rédemption du monde est enclenché. Dieu n'avait-il pas dit que 'la postérité de la femme' - c'est-à-dire un enfant né d'une femme - écraserait la tête du serpent, délivrant ainsi l'humanité de l'esclavage du diable ? Grâce à la femme, la vie va donc se transmettre de génération en génération jusqu'au jour où naîtra l'enfant Sauveur. La naissance de cet enfant, c'est donc aussi la promesse du Sauveur qui commence à se réaliser. D'ailleurs, selon Luther, quand Eve a dit : J'ai formé un homme avec l'aide de l'Eternel ! (Luther traduit par : 'J'ai formé L'homme'), elle croyait que c'était lui, Caïn, qui serait le Sauveur promis. Non, ce ne sera pas lui ; Caïn sera malheureusement le premier meurtrier de l'histoire de l'humanité. On est loin du Sauveur ! Mais si Eve s'est trompée sur la personne, elle ne s'est par contre pas trompée sur le sens de la promesse de Dieu : au bout de la énième génération naîtra effectivement l'enfant Sauveur qui écrasera la tête du serpent. On peut même préciser que, d'après la généalogie de Luc, Jésus sera environ le 80 e maillon de la chaîne qui commence avec Adam et Eve et conduit jusqu'au Christ.
Après Caïn naît Abel : nouveau miracle de la vie ! La joie n'est pas moins grande, mais ce n'est plus la même surprise. Les deux enfants grandissent et chacun a son métier : l'un est berger, l'autre cultivateur. Ils ont sans doute repris, en se spécialisant les activités de leur père. Chers amis ! Chaque femme peut légitimement être fière d'avoir reçu de Dieu cet extraordinaire pouvoir de donner la vie. A chaque seconde se produit une naissance quelque part dans le monde. Quoi de plus banal qu'une naissance ? Et pourtant, ce n'en est pas moins à chaque fois un admirable miracle pour lequel il faut remercier Dieu et le louer. Depuis que l'on sait que la petite cellule initiale contient déjà les milliards d'informations qui lui permettront, en se multipliant, de devenir un bébé, puis un homme adulte, on n'en est que plus époustouflé devant la beauté et la grandeur de cet acte créateur !
Eve croyait peut-être que son fils premier-né serait le Sauveur de l'humanité. Ce n'était pas le cas. Mais maintenant, le Sauveur est venu et nous savons qu'il est né à Bethlehem et qu'il s'appelle Jésus : il est le Fils de Dieu devenu homme pour effectuer le salut de l'humanité ; il a écrasé la tête du serpent en mourant sur la croix et a ainsi libéré l'humanité de pouvoir de Satan. C'est donc tout particulièrement de la naissance et de la venue du fils 1er né de la vierge Marie, arrière-arrière-arrière petit fils d'Eve que nous devons nous émerveiller !
2. Le premier culte
Les deux enfants ont grandi. Ils travaillent ; l'un cultive la terre, l'autre élève des troupeaux : Au bout de quelque temps, Caïn fit à l'Eternel une offrande des fruits de la terre ; et Abel de son côté en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L'Eternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande ; mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. On peut parler là d'un culte rendu à Dieu. Ce n'était certainement pas le premier culte au sens absolu, car Adam et Eve ont aussi dû adorer Dieu et apprendre à leurs enfants à le respecter. Ils ont dû leur parler du péché et de la nécessité de croire au Sauveur que Dieu avait promis. Mais le sacrifice d'Abel et de Caïn est tout de même la première mention de la Bible d'un culte à Dieu.
Malheureusement, cet événement est aussi en relation avec un drame, c'est-à-dire du meurtre commis par Caïn. Le culte en question est très différent de celui que nous sommes en train de célébrer. Chez eux, il s'agissait surtout d'apporter une offrande à Dieu. Bien que l'on puisse penser que cette offrande était certainement accompagnée de paroles de prières, de louanges et de reconnaissance à Dieu ; - chacun offrant à Dieu une part du fruit de son travail, l'un de son troupeau, l'autre des produits des champs. Leur offrande se voulait être un acte d'adoration et l'expression de leur foi, de leur amour et de leur reconnaissance ; également une prière à Dieu pour qu'il continue de bénir leur travail. Car n'oublions pas que le sol a été maudit à cause du péché et que c'est à la sueur de ton visage que tu mangeras ton pain … Il était donc nécessaire de prier Dieu de bénir le travail de leurs mains et de continuer à leur accorder nourriture, vêtements et autres biens matériels. Premier culte donc, mais déjà l'expression de deux adorations différentes ; je dirais même : de deux religions différentes.
Car il y a là une adoration sincère, mais aussi une adoration hypocrite : c'est ainsi que j'explique le fait que Dieu agrée l'offrande de l'un et non de l'autre. Les images, dans les Livres d'Histoire Sainte de mon enfance, représentaient la scène ainsi : la fumée du sacrifice d'Abel s'élève droit vers le ciel (= Dieu accepte son sacrifice), tandis que celle du sacrifice de Caïn est rabattue vers le sol (= Dieu n'agrée pas son offrande). Mais cela est uniquement dû à l'imagination de l'artiste qui a fait de son mieux pour illustrer ce texte ...
Pourquoi Dieu a-t-il aimé le sacrifice d'Abel et rejeté celui de Caïn ? Certains pensent qu'on peut déjà noter une différence dans la qualité des offrandes : * Caïn fit une offrande des fruits de la terre ; un point, c'est tout. * Abel, par contre, fit une offrande des premiers-nés de son troupeau et leur graisse ; la graisse était autrefois considérée comme ce qu'il y avait de meilleur dans l'animal. Ceci traduirait la foi et l'amour d'Abel, absents du cœur de Caïn. Le sacrifice qui est agréable à Dieu, c'est celui qui vient du cœur, de la foi et de l'amour. Un sacrifice offert uniquement par routine, par obligation, ou même à contre cœur - autrement dit, sans foi ni amour -, Dieu le rejette. Caïn offre un sacrifice à Dieu, mais son cœur n'y est pas. Il y a de l'hypocrisie dans son acte.
Je peux affirmer cela parce qu'il est écrit dans l'Epître aux Hébreux (11, 4) : C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn ; c'est par elle qu'il fut déclaré juste, Dieu approuvant ses offrandes.
Ainsi, Abel avait la foi, et Caïn ne l'avait pas ; d'où le rejet de son sacrifice. Notez bien un point très important : le culte des deux frères est en apparence le même, et il ne semble pas y avoir de différence notable entre les deux sacrifices. Pourtant, l'un rend à Dieu un vrai culte ; l'autre, un culte en apparence.
Chers amis ! Aujourd'hui, les offrandes des croyants consistent surtout en offrandes d'argent pour l'Eglise, la mission, les pauvres. Mais la vie nouvelle que mènent les croyants - une vie riche en bonnes œuvres - est aussi une offrande à Dieu. Ces offrandes font partie de notre culte à Dieu ; culte qui consiste donc en prières, en louanges, en chants et dans l'écoute attentive de sa Parole, mais s'accompagne aussi d'offrandes de toutes natures. Mais de deux personnes qui apportent leurs offrandes, qui prient, qui vont à l'Eglise, il peut arriver aujourd'hui encore que l'une soit sincère et l'autre pas ; que chez l'une, il y ait la foi véritable et chez l'autre un culte en apparence seulement ; chez l'une, un amour sincère envers Dieu, et chez l'autre seulement de pieuses paroles.
Mais si l'on peut tromper les hommes, on ne peut pas abuser Dieu qui voit le cœur. Voilà une leçon très importante : la vraie religion ne consiste pas dans l'accomplissement purement formel de certains rites religieux ou dans la pratique extérieure d'actes d'adoration, ou dans l'accomplissement formaliste d'un certain nombre d'œuvres. La religion et la pratique doivent d'abord être l'expression d'une foi vivante et d'un amour sincère envers le Dieu sauveur et miséricordieux.
3. La première mort
Caïn adressa la parole à son frère Abel ; comme ils étaient dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua.
Voilà la relation de la première mort et du premier meurtre de l'histoire de l'humanité. Adam et Eve ont donc découvert très vite - et de façon effrayante - ce qu'est … la mort. Dieu avait dit au paradis : Le jour où tu en mangeras, tu mourras. Et encore : Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. La mort est maintenant dans le monde, et elle peut frapper d'une manière ou d'une autre, pas seulement au terme du vieillissement, mais aussi accidentellement ou par suite de coups portés comme c'est le cas ici. La mort a touché l'un des enfants d'Adam et d'Eve ; elle a résulté d'un acte de violence, de haine et de jalousie, qui sont des conséquences du péché ; de ce péché qu'Adam et Eve ont commis et transmis à leurs enfants ...
Le péché a transformé l'un en criminel, l'autre en cadavre. Pourquoi ce crime ? A cause de la jalousie et de la haine de Caïn envers son frère qui ne lui avait pourtant rien fait. Quand Caïn vit que Dieu n'agréait pas son sacrifice, il fut très irrité, et son visage (fut) abattu. Il est en colère contre Dieu, et la reporte sur son frère, parce que celui-ci a la faveur de Dieu. C'est certainement Dieu qu'il aurait aimé frapper. En fin de compte, c'est donc pour un motif religieux que Caïn a tué son frère, si bien qu'il ne s'agit pas seulement d'un crime, mais d'une véritable persécution religieuse (une guerre de religion). Pourtant, Dieu l'avait mis en garde : Certainement, tu relèveras ton visage, et si tu agis mal, le péché se couche à ta porte, et ses désirs se portent vers toi ; mais toi, domine sur lui. Dieu lui avait parlé avec bonté, l'exhortant à ne pas laisser cette bête sauvage qu'est le péché s'emparer de son cœur. Mais Caïn, qui avait sans doute l'habitude de ne pas écouter la Parole de Dieu (ce qui expliquerait son manque de foi), cette fois non plus n'écouta pas … et tua son frère.
Un geste gravissime non seulement envers son frère, mais aussi envers l'humanité. Car comment allait maintenant pouvoir se réaliser la promesse de Dieu relative à la postérité de la femme qui devait écraser la tête du serpent ? C'est par Caïn, le premier-né, que devait se prolonger la lignée des descendants conduisant au Sauveur. Mais Caïn est un criminel, et Dieu n'en veut plus comme ancêtre du Christ ; quant à son frère, Abel, il est mort.
Heureusement que Dieu, dans sa grâce, a aussi réparé ce mal, car Adam connut encore sa femme ; elle enfanta un fils, et l'appela du nom de Seth, car dit-elle, Dieu m'a donné un autre fils à la place d'Abel, que Caïn a tué. La lignée qui mène au Christ passera donc par Seth. Chers amis ! Avec le meurtre d'Abel a commencé une série infinie de meurtres, de violences et d'horreurs de toutes sortes : disputes dans les familles, mais aussi entre les nations, conduisant à des guerres dévastatrices et des calamités épouvantables, comme l'actualité n'arrête pas de nous fournir des illustrations. Le frère massacre son frère par haine, jalousie, envie ; pour pouvoir voler ses biens et s'enrichir ; parfois par simple plaisir de nuire ou par cruauté.
Et puis, il y a aussi les persécutions religieuses, plus ou moins virulentes selon le pays ou l'époque. Qu'est-ce qu'une persécution religieuse ? C'est une manifestation violente de haine que l'incroyant porte au croyant sincère qui adore et confesse Dieu, ou qui refuse de participer à l'adoration d'idoles. Les faux croyants pratiquent souvent un culte qui a l'apparence d'un vrai culte à Dieu, mais qui est surtout destiné à masquer l'impénitence et la méchanceté du cœur derrière des apparences de piété. Alors le culte des croyants sincères les dérange. Jésus, quant à lui, a aussi été tué par ses frères. Il était innocent, saint et d'une obéissance parfaite à Dieu. Pourtant ils l'ont haï, rejeté et cloué sur une croix. Il avait dénoncé l'hypocrisie de leur culte et l'impénitence de leur cœur. Ils ont versé un sang innocent.
Mais tandis que le sang d'Abel appelait le châtiment de Dieu - Dieu avait dit à Caïn : Le sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi pour appeler vengeance) -, au contraire, le sang de Jésus a la vertu de purifier tout pécheur qui se repent et de le soustraire à la colère de Dieu, comme il est dit dans l'Epître aux Hébreux (12,24) : Jésus est le médiateur d'une nouvelle alliance et du sang de l'aspersion qui parle mieux que le sang d'Abel. Le sang d'Abel crie vengeance ; celui de Jésus offre le pardon, car par sa mort et son sacrifice innocents, Jésus a expié les péchés du monde.
Chers amis ! Des enfants naissent ; des hommes meurent ; ici ou là coule le sang : ainsi va le monde depuis le péché d'Adam et d'Eve.
Dieu merci : la promesse d'un Sauveur s'est accomplie en Jésus. Jean a dit : Le sang de Jésus, le Fils de Dieu, nous purifie de tout péché (1/1,7).
A ce Dieu d'amour et de grâce, rendons un culte sincère ! Qu'il reçoive l'offrande de nos vies, de nos dons et de nos lèvres comme l'expression véritable de notre amour et de notre gratitude ! Amen
Pasteur F. Bohy
5 commentaires:
Il n'est peut-être sans doute pas nécessaire de préciser que le Christ eut été le 80e maillon de la chaîne depuis Adam:qu'en savons-nous?
Bonjour à vous,
Le pasteur Bohy se réfère à la généalogie de Jésus que l'on trouve dans l'évangile de Luc (Lc 4.23-38). Celle-ci indique bien 76 "générations" entre Adam et Jésus.
On trouve une autre généalogie de Jésus en Matthieu (Mt 1.2-6). Cette dernière va d'Abraham à Joseph. Cela s'explique par le fait que Matthieu s'adresse plus à un public juif ou judéo-chrétien. Luc, est quant à lui plutôt orienté vers des non-juifs et remonte donc Adam.
J'estime que la généalogie de Luc, la seule authentique, en vertu de Luc.1/1-4, Mt.1/1, 2Cor.13/1 etc..., doit être saisie comme manifestation de la double nature du Christ, à la fois Fils d'Adam et Fils de Dieu,un seul et même J-C. Aussi, pourquoi ne pas admettre que cette généalogie est téléscopée et non pas littéralement étiologique?
Qu'entendez-vous par "seule authentique"?
Effectivement, les généalogies du NT ont un but bien plus important que de nous permettre de retracer "l'arbre généalogique" de Jésus. Elles ont une fonction théologique.
Parce que la Bible elle-même, sous la couche des intentions théologiques, nous permet de retrouver le Jésus de l'histoire, d'après Luc1/1-4, Mt.1/1, Mc.1/1, Jn.20/30-31, 21/25, 2Cor.13/1, Ac.1/1-3 etc...
Donc, à mon avis, les épisodes de la version lucanienne, confortés par les même épisodes relatés par au moins un des trois autres évangiles, nous donnent la vraie histoire, cohérente et non contradictoire, de J-C.
Scriptura sui interpres!
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