samedi 14 juillet 2007

Juges 7, 9-22

Frères et sœurs, ouvrons ce matin le livre des Juges. Il concerne la période troublée qui va de l’installation des Israélites en Canaan jusqu’à l’établissement de la royauté. Les juges sont des hommes dont l’autorité vient de Dieu ; ils sont chargés soit de gouverner le peuple, soit de délivrer une ou plusieurs tribus en difficulté. Un principe domine le récit : l’échec et le malheur résulte de l’abandon de Dieu et de son alliance. Mais Dieu répond favorablement à ceux qui reconnaissent leurs torts et qui reviennent à lui. C’est dans ce contexte que je vous invite à vous souvenir de la surprenante victoire de Gédéon.
Victoire remportée : - 1. Par la puissance de Dieu et - 2. Par la foi
I
Nous sommes environ en 1700 avant Jésus-Christ. Les Madianites, les Amalécites et les fils de l’Orient envahissent Canaan comme un vol de sauterelles. Comparez cela à la tragédie du Darfour. Les Madianites, ce sont les djandjawids, ces milices arabes qui nettoient la région à coup de massacres, d’assassinats, de viols et de tortures. Au bout de sept ans, l’Eternel a pitié de son peuple repentant et lui donne un libérateur, Gédéon. Il écrase les oppresseurs dans la plaine de Jizreel. Israël semblait s’être enfin trouvé un grand héros. Mais quand nous auront rappelé les détails de l'opération, vous comprendrez que c'est Dieu qui, dans sa grâce, leur a permis de vaincre.
Qui est Gédéon ? Un grand stratège, un général, un prophète ? Pas du tout ! C'est un illustre inconnu qui ne dispose d’aucun réseau ; et quand Dieu lui demande de se lever, il fait de la résistance : « Ma famille est la plus pauvre de Manassé, dit-il, et je suis le plus petit dans la maison de mon père ! » (6,15). Mais Dieu répond : je serai avec toi, et tu battras les Madianites. Ainsi, de ce personnage craintif que rien ne prédestine à une telle mission, Dieu fait son instrument pour libérer le peuple.
De quelle armée Gédéon dispose-t-il ? 32 000 hommes, principalement issus de sa tribu. Pas mal, direz-vous ! Le problème, c’est que du côté Madianite, on en compte 135 000, et pas des enfants de chœur ! Alors que fait Dieu ? Eh bien, il explique à Gédéon que sa troupe est bien trop nombreuse ! « Que ceux qui sont craintifs et qui ont peur s'en retournent chez eux et s'éloignent de la montagne de Galaad ! » Résultat : 22 000 (donc plus de la moitié) reprennent leur paquetage et rentre au foyer. Il en reste donc 10 000. Gédéon devait avoir des crampes d’estomac.
Mais pour Dieu, c'est encore beaucoup trop : « Le peuple est encore trop nombreux, dit-il. Fais-les descendre vers l'eau, et là je t'en ferai le tri. » Alors, ces 10 000 descendent au bord d'une rivière. C'est là qu'a lieu la sélection : ceux qui se mettent à genoux pour boire sont renvoyés ; ceux qui restent debout et prennent l'eau dans la main pour la laper avec la langue sont déclarés bons pour le service : ces derniers sont au nombre de … trois cents. Voici donc l'armée de Gédéon ! Passons maintenant en revue l'armement : Gédéon distribua des trompettes, des cruches (vides) et des flambeaux... Pour résumer : nous avons un général qui n’est pas du métier ; une armée réduite comme une peau de chagrin et une panoplie ridicule.
Ayant divisé sa troupe en trois groupes, Gédéon expose sa stratégie : « Vous me regarderez et vous ferez comme moi. Dès que j'aborderai le camp [ennemi], vous ferez ce que je ferai ; et quand je sonnerai de la trompette, vous en sonnerez aussi tout autour du camp, et vous direz : Pour l'Eternel et pour Gédéon ! »Et voici maintenant le récit de la bataille : Gédéon et sa poignée de kamikazes – que l’on pourrait appeler aussi têtes brûlées - arrivent en vue du camp adverse peu après minuit, juste après la relève de la garde. Ils sonnent de la trompette et fracassent leurs cruches… Tous tout les Madianites se mettent à courir, à pousser des cris et prennent la fuite… Dans la panique, ils s’entretuent ; les Hébreux n’ont plus qu’à terminer le travail. Voilà comment Gédéon et ses trois cents compagnons emportèrent une brillante victoire, pratiquement sans bouger, en sonnant de la trompette, en cassant de la vaisselle, en criant comme des allumés et en agitant des flambeaux !
Quel enseignement tirer de ce récit ? A aucun prix la victoire ne doit apparaître comme le résultat naturel du rapport des forces en présence. C’est Dieu qui donne la victoire. C'est pour cela que dès le début, Dieu avait dit à Gédéon : « Le peuple que tu as avec toi est trop nombreux… Il pourrait en tirer gloire contre moi et dire : c'est ma main qui m'a délivrée ! ». Dieu réduira donc les troupes de Gédéon à une poignée de combattants déterminés et choisis par lui-même. Une fois encore, le Seigneur livre les ennemis pour sauver son peuple.L'exemple de Gédéon n'est pas unique : Dieu est coutumier de ce procédé qui consiste à choisir ce qui est faible pour le rendre victorieux : Dieu avait besoin d’un père pour son peuple. Il choisit un vieillard, alors Abraham se leva. Il avait besoin d’un porte-parole devant Pharaon. Il choisit un timide qui bégayait, alors Moïse se leva. Il avait besoin d’un chef pour braver Goliath et conduire son peuple. Il choisit le plus petit, le plus jeune, alors David se leva. Frères et sœurs, tous ces récits sont destinés à nous rappeler que Dieu est puissant et secourable. Et il l'est encore de nos jours : tous ceux qui marchent avec lui et qui écoutent sa Parole remportent de grandes victoires. C'est ce qui nous est arrivé à nous aussi.N'avons-nous pas été délivrés de terribles ennemis qui nous opprimaient, nous maltraitaient et payaient bien mal notre service, puisque Paul dit que le salaire du péché, c'est la mort ? Dans sa grâce, Dieu est venu combattre avec nous. Pour nous, devrais-je dire, puisqu'en réalité, c'est lui qui a tout fait ! Que pouvions-nous espérer face à un Ennemi bien trop puissant ? Avec quelles armes aurions-nous pu le combattre ? Alors Dieu a mené le combat à notre place en la personne de son Fils. Jésus - dont Gédéon est une des préfigurations – paraissait, lui aussi, bien faible dans son état d'abaissement. Mais revêtu du Saint Esprit - Esprit de sagesse et de force -, il a mené un combat victorieux, résistant à toutes les tentations du diable, ne commettant jamais aucun péché, faisant preuve d'un amour et d'une obéissance sans faille jusqu'à la mort sur la croix. C'est ainsi qu'il a terrassé le redoutable Adversaire. Cette victoire, il nous l'a offerte et communiquée par l'Evangile. Par la foi en Jésus, nous avons obtenu le pardon des péchés. Nous avons été rachetés et déclarés saints ; ce qui se remarque à notre nouvelle façon de vivre. A présent, nous faisons le bien et fuyons le mal ; c'est la preuve de la libération que Jésus nous a offerte ! Donc, la victoire nous appartient, mais c'est à Dieu que nous la devons ! Nous sommes vainqueurs, mais c'est en Christ que nous le sommes. A lui soit la gloire ! Victorieux, nous le sommes aussi dans la vie de tous les jours : constamment nous sommes agressés par des épreuves, la maladie et d'autres ennemis encore. « Mais dans toutes ces choses – dit l’apôtre Paul - nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. » (Rm 8, 37)
Frères et sœurs, retenons donc bien l'exemple de Gédéon et souvenons-nous de sa petite armée, de ses petits moyens, de son armement dérisoire et de la grande victoire qu'il a remportée grâce à Dieu !
II
Si Gédéon a remporté la victoire face au géant Madianite, c'est parce qu'il a fait confiance à Dieu et lui a obéi les yeux fermés ; c'est ce qui s'appelle marcher par la foi ! Nous avons évoqué ses doutes –légitimes- face aux demandes extravagantes de Dieu et sa stratégie d'opérette ! On a vu des commandos réussir des opérations audacieuses, mais que pouvait espérer Gédéon ? Sans expérience et avec si peu de moyens ? Imaginez le combat intérieur de cet homme : pouvait-on se fier aux promesses de Dieu ? N'allaient-ils pas tous se faire massacrer ?
En réalité, si vous connaissez votre histoire sainte, vous savez comment Gédéon fut préparé à sa mission. Tout d’abord, c’est un ange qui vient le trouver. Déjà, ça en jette ! Ensuite, pour preuve de sa vocation divine, il reçoit l’ordre de prendre son bâton et de toucher une offrande déposée sur un autel : l'offrande s'enflamme et se consume. Des trucs comme ça, n’importe quel pasteur en redemande. Ça regonfle bien la foi !
Par la suite, Gédéon mit carrément Dieu à l’épreuve : « Si tu veux délivrer Israël par ma main, comme tu l'as dit, voici, je vais étendre une toison de laine à l’endroit où l’on bat le blé. Si, durant la nuit, la rosée se dépose seulement sur la toison et que le sol, tout autour, reste sec, je serai convaincu que tu délivreras Israël par ma main, comme tu l'as dit. Et il arriva ainsi : au petit matin, le tissu était humide, et en l'essorant, Gédéon en a extrait une pleine coupe d'eau. » Encore plus fort : Gédéon voulut avoir une autre preuve ; l’inverse du phénomène précédent : que tout soit humide autour du tissu, mais que le tissu lui-même reste sec. Et le miracle se produisit (6, 36-40). Enfin, juste avant l'attaque, Dieu lui donna encore un signe : c’est le passage que nous avons entendu, au moment où les soldats se racontent leur rêve. Une miche de pain roulant à travers le camp et renversant leur tente. Selon eux, c'était l'annonce de la défaite. En somme, Gédéon sut, par la bouche même de l'ennemi, que Dieu lui accorderait la victoire. Il put se rendre compte que le moral de l’adversaire était au plus bas et qu'il soufflait un vent de défaite sur le camp adverse. Voyez donc que dans le même temps où Dieu demande des choses difficiles à croire, il fait aussi le nécessaire pour nourrir la confiance et le courage. Les signes accordés à Gédéon montrent la sollicitude de Dieu qui répond patiemment aux demandes les plus inattendues. Il accompagne son interlocuteur, dans le doute ou dans la foi.Chers amis ! Ce passage du Livre des Juges est une nouvelle démonstration de la toute puissance du Seigneur ! L’histoire de Gédéon doit nous encourager à faire confiance à Dieu en toutes circonstances. Sa foi lui a permis de délivrer Israël des Madianites. Pour nous, la foi nous délivre d'ennemis bien pires que ceux-là : du péché, de Satan et de la mort. Pour obtenir la victoire sur ces ennemis, il nous suffit de suivre la Parole à la lettre, dans ses avertissements et ses promesses. La suivre, d’autant plus que notre vieil homme s’insurge et fait des bonds ! « Que dit-elle donc? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. Or, c'est la parole de la foi, que nous prêchons. Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Car c'est en croyant du cœur qu'on parvient à la justice, et c'est en confessant de la bouche qu'on parvient au salut, selon ce que dit l'Écriture : Quiconque croit en lui ne sera point confus. » (Rm 10, 8-11).
Paul, que nous venons de citer, témoigne que cette justice offerte en Christ est bien plus une pierre d’achoppement pour le monde, un rocher de scandale.
L’Eglise de Jésus-Christ doit gérer ses propres doutes. On a dit que Gédéon pensait aller au casse-pipe avec ses trois-cents combattants. Mais que penser de notre paroisse avec ses trente cotisants ! Et encore, trente, je ne suis même pas certain qu’ils y soient… Comment envisager l’avenir sereinement quand on mesure (avec tristesse) la difficulté de l’engagement et du don, la faiblesse de nos moyens, la dispersion de nos priorités.
Frères et sœurs, il ne faut pas avoir honte quand ces pensées nous assaillent. Elles sont humaines. Même Gédéon a dit : ton plan pour la victoire Seigneur, à vue humaine, il ne vaut pas un clou (enfin, je paraphrase…)
A la question de Gédéon : si Dieu est avec nous, pourquoi tout cela ? aucune explication ou justification n’est opposée. La seule réponse sera : « Avec la force que tu as, va… » (6, 14). Ainsi, Dieu ouvre la perspective d’un avenir meilleur, garanti par la force de sa promesse : « Je serais avec toi ! »
La question de Gédéon est aussi la nôtre. Et la réponse est présente à presque toutes les pages de la Bible : l’infidélité du peuple de Dieu, sa tiédeur à mettre en pratique la Parole en sont la cause. Mais le Seigneur n’est pas un juge implacable : dans sa tendresse pour ses enfants, il propose des solutions et suscite des sauveurs pour les accomplir. Prions Dieu de continuer de fortifier notre foi, dans nos cœurs et dans cette communauté où il nous a placés. Jusqu'au jour où nous serons parvenus auprès de Lui dans l'éternité bienheureuse. En ce jour-là, il n'y aura plus de luttes ni de combats, mais une paix et un bonheur sans fin. Amen !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Sans basse flatterie: Excellent sermon, tant au plan dogmatique que rhétorique: équilibré, christique et vivant!

Un bémol: nous fuyons le péché... Comme nous aimerions en être toujours exempt!