samedi 13 septembre 2008

MATTHIEU 20. 1-15

1 ¶ Voici en effet à quoi le règne des cieux est semblable : un maître de maison qui était sorti de bon matin embaucher des ouvriers pour sa vigne.
2 Il se mit d’accord avec les ouvriers pour un denier par jour et les envoya dans sa vigne.
3 Il sortit vers la troisième heure, en vit d’autres qui étaient sur la place sans rien faire
4 et leur dit : « Allez dans la vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste. »
5 Ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième, puis vers la neuvième heure, et il fit de même.
6 Vers la onzième heure il sortit encore, en trouva d’autres qui se tenaient là et leur dit : « Pourquoi êtes–vous restés ici toute la journée sans rien faire ? »
7 Ils lui répondirent : « C’est que personne ne nous a embauchés. –– Allez dans la vigne, vous aussi », leur dit–il.
8 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : « Appelle les ouvriers et paie–leur leur salaire, en allant des derniers aux premiers. »
9 Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier.
10 Les premiers vinrent ensuite, pensant recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier.
11 En le recevant, ils se mirent à maugréer contre le maître de maison
12 et dirent : « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur ! »
13 Il répondit à l’un d’eux : « Mon ami, je ne te fais pas de tort ; ne t’es–tu pas mis d’accord avec moi pour un denier ? »
14 Prends ce qui est à toi et va–t’en. Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu’à toi.
15 Ne m’est–il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou bien verrais–tu d’un mauvais œil que je sois bon ? »
16 C’est ainsi que les derniers seront premiers et les premiers derniers.

Chers frères et soeurs,

L’Evangile d’aujourd’hui nous donne une leçon sur la façon dont nous pensons et celle dont Dieu pense: une leçon de grâce. Dans cette parabole, nous voyons des gens qui pensent vraiment beaucoup pour nous. Mais Dieu, lui, ne pense pas du tout de la même manière. Et l’idée que notre texte veut déraciner en nous, c’est celle du mérite.

Jésus contraste la façon dont les juifs pensent et celle dont Dieu pense. Le judaïsme du temps de Jésus fait souvent naître chez ses membres l’idée qu’ils méritent un traitement spécial. Ils sont depuis des siècles le peuple de Dieu au milieu des païens. Ils ont enduré bien des épreuves à cause de leur relation avec l’Eternel. Une des grandes questions qui se pose au sujet de l’Holocauste, c’est de savoir où était Dieu pour son peuple ? Pourquoi les avait-il abandonnés ?
Ce n’était pas très différent à l’époque de Jésus, alors que les juifs vivaient ,de nouveau, sous occupation étrangère. L’attente du peuple était tellement grande qu’on a vu au moins une douzaine de « Messies » se lever, tous annonçant qu’ils allaient libérer le pays, et tous finissant par se faire massacrer. Le peuple juif poussait des lamentations à Dieu, confiant qu’il méritait ce qu’il y avait de mieux, que les autres n’étaient que des païens, qu’ils étaient le peuple élu, un peuple supérieur, qui pouvait se permettre ce que les autres ne pouvaient pas.

Cette attitude est choquante bien sûr. Et bien, je crois que beaucoup de chrétiens sont en fait sur la même ligne. Nous sommes fidèles au Seigneur: nous méritons bien quelque chose en plus! Souvent, quand les chrétiens parlent de leur vie de foi, on sent qu’elle n’est pas une joie, un don d’amour de Dieu, quelque chose qui vient du Saint Esprit, mais une corvée, des bonnes œuvres accomplies pour briller devant le Seigneur.
Vous avez peut-être été témoin de cette attitude, peut-être même l’avez-vous eue. On la retrouve quand on entend des gens dire qu’ils mériteraient bien ceci ou cela, parce qu’il vont au temple, qu’ils lisent leur Bible, qu’ils prient, qu’ils vont aux études bibliques ou qu’ils donnent à la paroisse.
Bien sûr, ce sont toutes de très bonnes choses. Elles sont même essentielles. Elles nous apportent toutes des bénédictions bien réelles. Mais certains croient que si ils les font (ou, du moins, certaines d’entre elles), ils méritent un traitement spécial de la part de Dieu, notamment quand ils traversent une période difficile. Cette attitude relève de ce que Luther appelait une théologie de la gloire (et, bien sûr, ce n’est pas de la gloire de Dieu dont il s’agit).

Alors quand la maladie, la peine, les épreuves arrivent, ces gens là ne comprennent pas et en général, ils le font savoir très clairement à Dieu. « Seigneur, qu’est-ce qu’il se passe ? Après avoir fait ça et ça et puis ça, comment est-ce que tu peux me laisser tomber? Est-ce que tous mes sacrifices ne me valent pas une place particulière à tes yeux ? ».
Jésus nous parle de ces hommes, engagés le matin et qui ont travaillé dur toute la sainte journée. Quand ceux qui les ont rejoints plus tard reçoivent le même salaire que ce qui leur avait été promis, ils s’attendent à recevoir plus. Les juifs pensaient que leur longue histoire de peuple de Dieu leur donnait droit à plus qu’au reste de l’humanité. Et les chrétiens peuvent eux aussi croire que, parce qu’ils ont reçu la grâce de Dieu, ils vont pouvoir passer à travers les gouttes dans les tempêtes de la vie.
Mais Jésus nous enseigne différemment. Dieu donne par grâce, pas par nos mérites, mais pour ses propres raisons. Jésus est mort pour nous, parce que nos fautes nous condamnaient à mort. Il est mort à notre place sur la Croix pour que nous puissions vivre éternellement. C’est cela le salut, et nous le recevons par la grâce au moyen de la foi, c'est-à-dire de la confiance simple et pure que nous avons envers Dieu.

Paul, en Romains, reprend justement le thème du salaire pour montrer à quel point il est étranger à la façon dont Dieu nous offre le salut:

2 Si en effet Abraham a été justifié en vertu des œuvres, il a de quoi être fier. Mais devant Dieu il n’en est pas ainsi ;3 en effet, que dit l’Ecriture ? Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice.4 Or, à celui qui fait œuvre, le salaire est compté non comme une grâce, mais comme un dû.5 Quant à celui qui ne fait pas œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est comptée comme justice.

Mais une fois que nous avons reçu cette promesse, il nous est parfois difficile de vivre à sa lumière. Particulièrement difficile aussi à admettre est le fait que Jésus nous dit tout aussi clairement que nous souffrirons dans ce monde, tout simplement parce que la souffrance en fait partie. Il nous dit aussi que le monde pourra nous haïr à cause de notre foi. Il nous dit que nous serons comme Lui. Et Jésus n’a pas été épargné par la souffrance. Pourquoi voudriez-vous que notre fidélité à la Vérité nous amène à vivre une petite vie peinarde, allongés sur une chaise longue, un cocktail dans une main et un cigare dans l’autre ? Ca n’a pas marché comme ça pour Jésus.
Etre chrétien, c’est être différent et libre. Les gens n’aiment pas ceux qui sont différents et libres. Si le monde nous déteste, Jésus nous dit que c’est normal, parce que le monde a déjà haï le Seigneur. Savoir que Jésus sera avec nous dans les difficultés qui sont les nôtres, c’est ce que Luther appelait la théologie de la croix., parce que c'est à la Croix que Dieu nous montre qu'il est avec nous.

Ce que l’Evangile nous promet, ce n’est pas le confort, la richesse, la santé, la popularité. C’est la libération, le pardon des péchés, la victoire sur la mort et la vie éternelle, là où toutes nos larmes seront séchées.
Le piège redoutable de la « religion », c’est qu’elle est basée sur le mérite. Or, la Bible nous dit que face à Dieu, nous ne “méritons” que la condamnation et la mort. Aucun d’entre nous n’est le débiteur de Dieu. Dieu ne nous doit rien, il n’est pas notre obligé parce que nous lui avons rendu deux ou trois services dans le passé. La Bonne Nouvelle renverse toutes ces idées fausses, et nous fait comprendre que ce que Dieu nous donne gratuitement, c’est la vie, l’assurance que Dieu va donner un sens profond à notre existence et qu’il sera toujours avec nous.
Le but de cette parabole, c’est de souligner la bonté souveraine de Dieu. Soyons heureux que notre vie n’est pas réglée sur ce que nous mériterions, mais sur la bonté, l’amour et la grâce de Dieu. Remercions Dieu de ce que nous ne recevons pas ce que nous méritons. Au lieu de ça, il nous donne la vie éternelle !

Amen

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