lundi 29 septembre 2008
Esaïe 5 :1-7
1 ¶ Laissez–moi, je vous prie, chanter pour mon ami le chant de mon bien–aimé pour sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile.
2 Il en travailla la terre, ôta les pierres et y planta un cépage de choix ; il bâtit une tour au milieu d’elle, il y creusa aussi une cuve. Il espérait qu’elle produirait des raisins, mais elle a produit des fruits puants !
3 Maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez juges, je vous prie, entre moi et ma vigne !
4 Qu’y avait–il encore à faire à ma vigne que je n’aie pas fait pour elle ? Pourquoi, quand j’espérais qu’elle produirait des raisins, a–t–elle produit des fruits puants ?
5 Maintenant laissez–moi, je vous prie, vous faire savoir ce que je ferai à ma vigne. J’en arracherai la haie, pour qu’elle soit dévorée ; j’ouvrirai des brèches dans sa clôture, pour qu’elle soit foulée aux pieds.
6 Je la réduirai en ruine : elle ne sera plus taillée, ni sarclée ; les ronces et les épines y croîtront. Je donnerai mes ordres aux nuages, afin qu’ils ne laissent plus tomber de pluie sur elle.
7 Or la vigne du SEIGNEUR (YHWH) des Armées, c’est la maison d’Israël, et les hommes de Juda, c’est le plant qu’il chérissait. Il espérait l’équité, et voici le crime ! –– la justice, et voici les cris des victimes !
Frères et sœurs, nous avons appris au catéchisme que l’un des attributs de Dieu est sa toute-puissance. Il est l’auteur du ciel et de la terre et ses oeuvres sont vraiment magnifiques. Rien ne lui résiste et tout s’organise selon sa volonté. Alors, on se demande parfois pourquoi le cœur de l’homme est la moins malléable de toutes ses créations ! Comment la créature peut-elle à ce point faire obstacle au créateur ? Paul, déjà, le constate : « Dès maintenant, le mystère de l’impiété est à l’œuvre » (2 Thess. 2, 7).
Et bien avant lui, Esaïe chante ce Cantique de la vigne, image de circonstance en cette période de vendange ! C’est l’histoire (pas drôle) d’un vigneron qui s’est choisi une bonne terre sur un coteau ensoleillé. L’exposition est idéale, le sol riche et fertile. Tout est réuni pour y faire pousser une belle vigne. L’homme travaille avec soin et se donne du mal : il laboure le sol ; il ramasse toutes les pierres qui risquent de gêner les ceps dans leur croissance… Un « cépage délicieux », dit notre texte. Du genre Riesling, Pinot Gris, Haut-Médoc ou Gigondas ! Tant pis pour la fatigue, les tours de reins et les mains blessées ! Il construit un muret pour empêcher les chèvres d’y brouter. Il bâtit une petite tour pour surveiller son vignoble et éloigner les rôdeurs. Et pendant que les jeunes plants grandissent, il creuse un pressoir pour transformer lui-même sa récolte.
C’est clair : cet homme aime sa vigne. Il ne s’épargne aucun effort. Il y consacre du temps. Tant pis aussi pour la fatigue. Quand on aime, on ne compte pas sa peine. Esaïe l’appelle pour cela l’ami, le bien-aimé. Alors le soir, quand une petite brise se lève et rafraîchit l’air, il peut sortir contempler sa vigne. Rien n’a été oublié. Tout est prêt.
Puis vient l’année de la première vendange. Les grappes sont là, nombreuses. On se réjouit d’avance… Mais que se passe-t-il ? Le vigneron goûte son raisin… et le recrache aussitôt ! Un jus acide lui a donné la chair de poule ! Pas possible, une chose pareille ! Après un travail soigné mené avec persévérance et amour, après la pluie et le soleil, alors que toutes les conditions étaient réunies pour une belle récolte, voilà la récompense ?
Chers amis, deux mille cinq cents ans plus tard, je crois encore voir le prophète secouer la tête. Pourquoi ces raisins aigres et misérables ? Ce qui veut dire : Pourquoi Israël porte-t-il de si mauvais fruits ? C’est là, en effet, le sens caché de ce cantique. Pourquoi le veau d’or ? Pourquoi ce mécontentement et ces murmures durant la traversée du désert ? Pourquoi cette attirance pour les dieux païens, alors que le Seigneur prenait si grand soin de son peuple ? Pourquoi cet endurcissement, quand les prophètes l’appelaient à se repentir ? Pourquoi Israël a-t-il rejeté son Messie ? Et pourquoi ce refus obstiné de revenir à Dieu ? Il n’y a pas d’explication à cela. Esaïe en tout cas n’en donne pas. C’est un mystère, disait Paul, une énigme insoluble. On ne comprend pas que Dieu puisse se donner tant de mal pour rien. Lui le tout-puissant, il se retrouve devant des fruits décevants, inconsommables, la honte du vigneron !
Alors ? Où est-ce que ça n’a pas marché ? Dieu a-t-il négligé son peuple ?
Certainement pas ! Il l’a délivré de l’esclavage en Egypte ; il lui a fait traverser le désert et offert le beau pays de Canaan où coule le lait et le miel. Il s’est révélé par Moïse et tous les prophètes, il avait conclu avec eux une alliance de grâce scellée par la circoncision. Il lui a donné ses Commandements, mais aussi la promesse d’un Sauveur à venir.
Esaïe raconte : « Il espéra que la vigne produirait des raisins, mais elle a produit des fruits infects (ce qui veut dire) Il avait espéré de la droiture, et voici du sang versé ! De la justice, et voici des cris de détresse ». Incroyable ! Comment un peuple qui a tant reçu du Seigneur peut-il à ce point être ingrat ? Esaïe pleure avec son Dieu sur l’infidélité d’Israël, sur son manque de repentance et de foi ! Mais l’Occident chrétien n’est pas en reste ! Que de pages sombres dans son histoire ! Que de « sang versé » et de « cris de détresse », pour reprendre les expressions de notre texte. Comprenez-vous que l’Eglise chrétienne - le peuple sauvé par grâce - ait prêché les croisades ? Comprenez-vous que des princes chrétiens aient pillé Constantinople avec plus de sauvagerie que les Turcs de l’époque ? Tout cela au nom de Dieu ? Comprenez-vous que l’Eglise se soit fait un devoir de torturer les Juifs pendant l’Inquisition, de persécuter les protestants, de les envoyer aux galères, de prendre leurs enfants pour les enfermer dans des couvents ? Comprenez-vous que Calvin ait estimé devoir faire brûler Michel Servet sur la place publique de Genève, sous prétexte d’hérésie ? Comprenez-vous que l’Eglise qui porte le nom du Christ ait forcé les Indiens d’Amérique à se convertir sous peine d’être découpés en morceaux ou de périr sur le bûcher ?
Mais ne restons pas dans le passé. Il est toujours facile de s’indigner devant les fautes commises autrefois ou de pousser de grands cris en apprenant ce que d’autres ont fait. Il est certainement plus difficile de se regarder soi-même dans un miroir, et sans complaisance. Esaïe a composé le « Cantique de la vigne » pour le peuple d’Israël, mais il a aussi quelque chose à nous dire, et c’est pour cela qu’il est dans la Bible. Quel est son message ?
Tout d’abord, le Seigneur est aussi bon et attentif pour nous qu’il l’a été pour Israël. Que de bienfaits n’a-t-il pas déversés sur l’Europe ingrate et rebelle ! Qui oserait dire que la France est meilleure que l’Israël ancien ?
Bien plus, que de grâces Dieu n’a-t-il pas offertes à chacun de nous depuis notre Baptême ? A partir de ce jour, il nous accompagne avec plus d’attention que n’auraient su le faire nos parents ! Année après année, dimanche après dimanche, il nous dévoile son grand amour dans l’Evangile et nous scelle son pardon dans la Sainte Cène. La fête des récoltes, dimanche prochain, nous rappellera que chaque jour, ses bénédictions sont disponibles pour nous réconforter.
Les fruits que nous portons sont-ils à la hauteur du mal qu’il se donne ?
Certains le sont, sans aucun doute, mais que de progrès à accomplir encore ! Nous portons aussi des fruits acides qui font mal aux dents du saint Esprit. En écrivant ces lignes, il me revient en mémoire les vœux que nous avons prononcés le jour de notre confirmation. Le pasteur nous a demandé :
- « Voulez‑vous persévérer dans la profession de foi de votre Eglise et êtes‑vous prêts à tout souffrir, même la mort, plutôt que de la renier » ?
Et nous avons répondu : « Oui, avec l'aide de Dieu » ! A cette autre question : - « Voulez‑vous conformer votre vie entière à la Parole de Dieu, et lui rester fidèles jusqu'à la fin » ? Nous avons répondu : « Oui, avec la grâce de Dieu » ! Aujourd’hui, Dieu nous regarde avec le même amour qu’aux jours de nos quatorze ans. Il nous demande : Alors ? Le serment tient-il toujours ? Tu vois bien, je ne te demande pas une foi héroïque, mais que « souffrirais-tu » aujourd’hui pour moi ?
Un autre exemple : qu’en est-il de notre souci de justice, d’honnêteté, de vérité et de bonté ? Jusqu’à quel point supportons-nous le frère qui nous agace parce qu’il est différent ? Combien de fois sommes-nous capables de pardonner à celui qui nous fait du mal, d’être accueillants, hospitaliers, doux et patients ? Frères et sœurs, je ne suis pas prophète. Je n’ai pas l’autorité ni la clairvoyance d’un homme comme Esaïe. Je ne peux donc pas répondre à ces questions et me garderai de le faire, d’autant que j’ai moi-même, dans tous ces domaines, une ardoise assez chargée... A chacun de s’examiner à la lumière des commandements divins. Comme pasteur, je ne peux que vous transmettre la question de notre texte : les fruits que le Seigneur découvre chez nous sont-ils les raisins de la reconnaissance ou de la colère ? Notre récolte sera-t-elle un grand cru… ou une piquette ? Il y a là, pour chacun de nous, matière à réflexion, de quoi nous remettre en question, de quoi demander pardon à Dieu et peut-être aussi à telle ou telle personne dans notre famille, dans notre Eglise ou notre entourage.
Voyez-vous, chaque péché qu’il nous pardonne est comme une pierre que le vigneron déterre du sol pour que sa vigne soit plus belle. Pour cela, ce ne sont pas quelques blessures aux mains qu’il a supportées, mais le sang de son propre Fils. Depuis ce sacrifice, il nous taille et nous émonde. Il travaille dans nos cœurs et dans nos vies, en espérant que nous porterons beaucoup de fruits, de bons fruits à la gloire de son nom.
Revenons à notre texte. Le vigneron dont il est question ici fait un constat d’échec. Il a fait tout son possible pour que sa vigne porte des fruits. En vain ! Que pouvait-il faire de plus ? Frapper, punir ? Croyez-vous que les raisins deviennent meilleurs quand on se jette sur les plants de vigne pour les secouer ? Frères et sœurs, j’ose à peine le dire, mais Dieu opte pour une autre solution : il laisse tomber.
- « Je vous dirai maintenant ce que je vais faire à ma vigne – écrit le prophète. J’en arracherai la haie, pour qu’elle soit broutée. J’en abattrai la clôture, pour qu’elle soit foulée aux pieds. Je la réduirai en friche ; elle ne sera plus taillée ni cultivée. Les ronces et les épines y pousseront, et je donnerai mes ordres aux nuées pour qu’elles ne laissent plus tomber la pluie sur elle ». On connaît le résultat de cette décision divine : l’exil à Babylone. Pour un peu, Israël aurait entièrement disparu, comme ont fini par disparaître les vignes laissées à l’abandon dans nos petits villages de France.
Cependant, Dieu s’est en quelque sorte repenti de son découragement. A cause de son alliance, des promesses faites à Abraham, Isaac et Jacob, il a sauvé un petit reste. Quelques pages avant notre texte, on peut lire : « La fille de Sion est restée comme une cabane dans une vigne, comme une hutte dans un champ de concombres, comme une ville épargnée. Si l’Eternel ne nous avait conservé un faible reste, nous serions comme Sodome, nous ressemblerions à Gomorrhe » (Es 1 :8.9).
Il s’en est fallu de peu. Oh, ce n’est pas que Dieu ait totalement changé de programme. Simplement, il s’est arrangé pour que son plan d’amour ne soit pas anéanti. Il a recommencé à zéro, et Israël finit par porter du fruit. Un fruit en particulier, un fruit merveilleux. Un cep a poussé dans la vigne délaissée. Il s’appelle Jésus. Vous connaissez tous ses paroles : « Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron… Je suis le cep, vous êtes les sarments ». Dieu a laissé Israël en vie parce qu’il voulait donner un Sauveur aux hommes. Jésus a effectivement porté les beaux fruits de justice, de sainteté et d’amour qui procurent le salut au monde. Pour toi et pour moi. Il a porté aussi le mauvais fruit de nos péchés et s’est livré en rançon pour nous en délivrer. Mais la mort n’a pu le retenir ; trois jours plus tard, c’est en Prince de la vie qu’il a proclamé sa victoire au monde. Cela aussi, Dieu l’avait annoncé, en particulier dans le psaume 16, verset 10, où il est dit : « Tu ne permettras pas que ton bien-aimé voit la corruption » !
L’amour de Dieu veut avoir le dernier mot. Le Cantique de la vigne avait entrevu la pire des issues. Il nous dit que si Dieu est incroyablement patient, sa patience a aussi des limites. Cette patience est pour nous source de réconfort, mais il ne faut pas trop jouer avec elle. Le Cantique de la vigne nous dit aussi qu’un retour à Dieu est toujours possible quand il est inspiré par la repentance et la foi. C’est là notre espérance, frères et sœurs, quand nous constatons avec tristesse que nous ne portons pas tous les beaux fruits de l’Esprit. C’est aussi notre consolation quand des êtres que nous aimons, ont fermé leur cœur au Seigneur et à son Evangile. S’ils reviennent à lui, il les accueillera et leur pardonnera leurs années d’errance.
Esaïe ne pouvait annoncer qu’un jugement inéluctable. Jésus, lui, nous a obtenu un sursis. Il est notre avocat, dit saint Jean, il bataille pour que nous portions de bons fruits. Lui-même porte ses fruits en nous.
Rappelez-vous l’engagement du Seigneur : « Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s’il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez pas non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jean 15 :4.5). Alors, que faire pour que ma foi soit plus forte et plus vivante ? Que faire pour être un chrétien plus engagé et plus fervent, une pierre plus vivante dans l’Eglise, un croyant plus paisible et plus serein ? Que faire pour prier avec plus de conviction, de confiance et de joie ?
A toutes ces questions, frères et sœurs, il n’est qu’une réponse. Demander au Seigneur un cœur humble qui reconnaisse ses fautes et lui en demande pardon. Qu’il aide aussi chacun de nous à demeurer en Christ, son Sauveur, par une piété qui suive vraiment sa volonté. C’est en lui que nous trouverons alors la force et la volonté de porter davantage de fruits, pour notre vie présente, et celle d’après. Ainsi son nom sera glorifié. Amen !
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