lundi 30 mai 2011

Marc 5.25 à 34

Sermon du pasteur François Poillet, prononcé à Mulhouse le 29 mai 2011

Or il y avait là une femme atteinte d'une perte de sang depuis douze ans. 26Elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins, et elle avait dépensé tout ce qu'elle possédait sans en tirer aucun avantage ; au contraire, son état avait plutôt empiré. 27Ayant entendu parler de Jésus, elle vint dans la foule, par-derrière, et toucha son vêtement. 28Car elle disait : Si je touche ne serait-ce que ses vêtements, je serai sauvée ! 29Aussitôt sa perte de sang s'arrêta, et elle sut, dans son corps, qu'elle était guérie de son mal.
30Jésus sut aussitôt, en lui-même, qu'une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule et se mit à dire : Qui a touché mes vêtements ? 31Ses disciples lui disaient : Tu vois la foule qui te presse de toutes parts, et tu dis : « Qui m'a touché ? » 32Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. 33Sachant ce qui lui était arrivé, la femme, tremblant de peur, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. 34Mais il lui dit : Ma fille, ta foi t'a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal.
 

Frères et soeurs, dimanche dernier, nous avons suivi le Seigneur dans la maison de Jaïrus. Là, un miracle extraordinaire s’est produit : Jésus a ressuscité une petite fille. Je suis « la résurrection et la vie » dit-il ; c’est pourquoi, à trois reprises au cours de son ministère, il prouvera son autorité sur la mort. Cependant, nous avons appris qu’au moment où Jaïrus vient trouver le Seigneur, sa fille est encore vivante. Vivante, mais à l’agonie. Jésus prend aussitôt la route. Pourtant, en chemin, quelque chose ou quelqu’un le retarde, et la petite meurt entre temps. Que s’est-il passé ? Qui l’a retardé ? C’est ce que je vous propose de découvrir ce matin, dans « La guérison secrète du Seigneur ! » Découvrons ses circonstances ; méditons ses conséquences !
I
Jésus est chez Matthieu. L’apôtre est converti depuis peu, alors il invite ses amis. Quand on a de la joie au coeur, on a envie de la partager. Les Pharisiens condamnent ce repas. Pensez donc ! Le rabbi de Nazareth mange avec des « péagers », des gens de mauvaise vie, des pécheurs notoires… Matthieu, en effet, fait partie de ces gens qui travaillent pour l’occupant romain ; il prélève les impôts ! C’est dans ce milieu que le Seigneur choisit un apôtre !
Ce déjeuner n’a pas été de tout repos. Il y a les convives de Matthieu, les disciples de Jean qui ont pénétré dans la maison parce qu’ils avaient une question à poser, et sans doute une délégation du sanhédrin pour manifester sa réprobation ; ajoutez les inévitables curieux : bref, quand Jaïrus exprime sa détresse et que Jésus se lève, la foule se lève aussi, pour voir ce qui va se passer. C’est pourquoi, quand Jésus demandera plus tard : qui a touché mes vêtements ? Les disciples lui diront : comment ? Tu demandes « qui m’a touché » ? Mais enfin ! Tout le monde te touche ! Tu es entouré d’un tas de gens !
C’est dans ce contexte que survient un nouveau miracle. Au milieu de cette foule compacte se trouve une femme atteinte d’hémorragies depuis douze ans. On notera l’ironie de Marc : « Elle avait beaucoup souffert entre les mains de nombreux médecins. Elle avait dépensé tout ce qu’elle possédait, mais cela n’avait servi à rien ; au contraire, son état avait plutôt empiré ». Molière ou Jules Romains auraient aimé cette description du triomphe de la médecine ! Douze longues années de soins, en vain.
Sous couvert de la foule, raconte les évangiles, cette femme s’approche de Jésus, se glisse derrière lui et touche son manteau. Elle a entendu parler des miracles de Jésus ; l’histoire se passe en Galilée, la plus petite des provinces de Palestine. Peut-être a-t-elle vu Jésus accomplir un miracle, mais elle ne veut pas l’aborder. Elle ne veut pas raconter publiquement de quoi elle souffre. Ce sont des choses qu’on ne dit pas facilement… Elle craint sans doute que Jésus ne lui pose des questions. Elle espère une « guérison secrète ».
Les versets suivants présentent le raisonnement de cette femme. Elle se dit en effet : « Même si je ne touche que ses vêtements, je serai guérie. » Voyez sa détermination : elle est certaine d’échapper enfin à la maladie si elle parvient au minimum à toucher Jésus du bout de sa tunique.
Frères et soeurs, ces deux miracles sont d’autant plus frappants, étonnants, que - de part et d’autre - ils nous rapportent une situation désespérée : la fille de Jaïrus était mourante, nous dit le texte ; quant à la femme, cela faisait douze ans qu’elle souffrait et aucun médecin n’avait pu la guérir. On l’avait soulagée de ses économies, mais pas de sa maladie…
A l’instant même, écrit Marc, ses pertes de sang s’arrêtent et elle ressent qu’elle est délivrée de son mal. Jésus aussi s’aperçoit immédiatement que quelqu’un a fait appel à sa puissance de guérison. Cela ne s’est pas passé à son insu.
Il se retourne et dit aux gens qui l’entourent : « Qui a touché mes vêtements ? » Et il promène son regard autour de lui pour découvrir qui a fait cela… Jésus s’arrête… alors que la fille de Jaïrus est mourante ! C’était une affaire de minutes, de secondes peut-être ! Ce pauvre père aurait certainement voulu accélérer le pas. Pourtant, Jésus prend le temps d’interpeller cette femme.
Il ne se laisse pas gagner par l’angoisse de Jaïrus. Pourquoi ? Parce qu’il sait qu’il n’a pas à s’inquiéter pour la fillette. Un peu plus tard, il ne se précipitera pas non plus pour guérir Lazare ; il s’attardera même trois
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jours en chemin… Notre sauveur a souvent dû mettre les nerfs de ses amis à rude épreuve ! Mais pour lui, il n’y a pas de différence entre un malade et un mort : il peut agir dans les deux cas.
Marc témoigne d’une guérison à la fois immédiate… et totale puisque cette femme se rend compte aussitôt qu’elle est guérie : « A l’instant même, son hémorragie s’arrêta, et elle sentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal »… Elle portait le fardeau de son infirmité depuis des années… et Jésus la guérit en un clin d’oeil. Ou plutôt : elle obtient sa guérison en un clin d’oeil, car cette guérison, d’une certaine façon, se fait « au corps défendant » de Jésus. Comme nous le disions dimanche dernier, le miracle lui a été « arraché ».
Jésus aurait pu la laisser repartir incognito, heureuse d’avoir trouvée la guérison. Eh bien non ! Il veut que cette femme comprenne que ce miracle n’a pas eu lieu sans sa volonté !
II
La guérison secrète de Jésus. Méditons à présent ses conséquences !
Il est bon de se souvenir ici que c’est une femme qui prend l’initiative et qui agit. Secrètement, sans doute, car son statut lui interdisait d’accoster un homme en public. Et sa maladie le lui interdisait doublement. Tout l’enseignement des rabbins se résumait à la cloîtrer chez elle, à la réduire à l’inactivité, à la passivité. Eh bien non ! Elle surmonte ce handicap et passe à l’action. Elle a compris que Jésus offre son aide et son salut sans distinction. Et que les femmes n’ont pas besoin de passer par les hommes pour avoir part au salut ! Dans le temple de Jérusalem, il y avait un parvis qui leur était réservé : elles pouvaient aller jusque-là et pas plus loin ! Dans les synagogues, il y avait – et de nos jours encore – un treillis séparant les femmes des hommes. L’instruction religieuse – et l’instruction tout court – était réservée aux hommes. Donc il y avait des barrières érigées entre les deux sexes et ces barrières, ce n’est pas Dieu qui les avait dressées.
Cette femme comprend que ces barrières n’existent pas pour le Christ. Elle est impure depuis douze ans ; l’accès au temple lui est interdit, ainsi que les relations conjugales. Peut-être – c’est une hypothèse vraisemblable – a-t-elle été répudiée pour cela par son mari. Dans ce cas-là, la loi exigeait qu’il lui restitue sa dot, ce qui expliquerait qu’elle ait disposé d’argent pour se faire soigner. En bravant la foule, elle avait fait quelque chose que toutes les règles et coutumes interdisaient.
Cette femme touche Jésus dans un but bien précis : retrouver la santé. C’est un acte de foi. Et Jésus a répondu à ce geste par la guérison. Ne croyons surtout pas que les vêtements de Jésus étaient des vêtements magiques, dotés d’un pouvoir miraculeux. Ce serait de la superstition. Les vêtements de Jésus, en temps normal, n’avaient pas plus de pouvoir que ceux de n’importe qui. Mais voilà qu’une femme le touche pour avoir la guérison et Dieu la lui accorde. Le contact n’était pas obligatoire ; Jésus aurait pu la guérir autrement. Dans son omniscience, il connaissait sa maladie incurable. Il aurait pu la guérir même à distance, comme il l’a fait en d’autres circonstances. Non, Jésus veut que cette guérison devienne un signe. Et pour cela, il faut qu’elle devienne visible, qu’elle soit connue.
Jésus entame donc un dialogue. Il veut rendre le miracle public. C’est pourquoi il demande : qui a touché mes vêtements ? Avec la surprise des disciples, que l’on connaît. Alors, raconte Marc, sachant ce qui s’est passé en elle, la femme se met à trembler de peur. Elle vient se jeter aux pieds de Jésus et lui avoue toute la vérité.
Le Seigneur ne veut pas culpabiliser cette femme ; il ne lui en veut pas de l’avoir touché ! Mais il veut la délivrer d’une interprétation superstitieuse de sa guérison. Il veut surtout lui faire confesser sa foi, et manifestement lui montrer aussi que sa maladie n’avait rien de honteux… Elle aurait sans doute voulu garder l’anonymat. Devoir avouer publiquement qu’elle souffrait d’hémorragie et qu’elle était sortie de chez elle, qu’elle avait évolué au milieu d’une foule et qu’elle avait touché le vêtement de Jésus, cela n’allait pas de soi. Et pourtant, la discussion que Jésus entame avec elle et la confession à laquelle il la contraint vont se révéler bienfaisantes pour sa foi. Elle lui avoue toute la vérité et Jésus lui dit : ma fille, ta foi t’a sauvée ; pars tranquille et sois libérée de ton mal !
Aucun reproche dans les paroles de Jésus. Il aurait pu lui dire : tu n’as pas le droit de faire ça ! Tu m’as
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souillé ! Imaginez ce qu’aurait été la réaction des Pharisiens et des scribes… Vous savez que la parabole du bon Samaritain dénonçait déjà ce ritualisme : c’est pour ne pas être souillés par le sang du blessé que les prêtres et les religieux ne lui prêtent aucune assistance…
Eh bien, il n’y a rien de cela chez le Christ. Chez lui, il n’y a que des paroles consolantes.
Les évangiles n’ont pas retenu le nom de la miraculée, mais Jésus l’appelle « ma fille ». Il y a beaucoup d’affection dans ce mot. Et puis cette affirmation : ta foi t’a sauvée – et non les franges de mon manteau, ni même l’argent que tu as dépensé auprès des médecins.
« Ta foi t’a sauvée », c’est-à-dire que ta foi a été l’instrument de ta guérison.
En fait, c’est mon pouvoir sur la maladie et la mort qui t’a donné la guérison ; et cette puissance t’a été communiquée parce que tu as cru en moi.
« Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira ». Il y avait dans le geste de cette femme une intense demande. Une demande peut-être maladroite, mais respectueuse, humble et faite de foi. Elle a obtenu ce qu’elle demandait.
Bien plus : une guérison du corps est présentée aussi comme guérison de l’âme. Jésus ne dit pas : ta foi t’a guérie, mais : ta foi t’a sauvée. Il emploie un mot extrêmement fort, qui nous rappelle que la guérison fait partie du salut qu’il est venu nous apporter. Là où il y a péché, il y a maladie. La maladie est l’une des conséquences du péché originel. Elle ne faisait pas partie du plan de Dieu pour nous. Etre guéri d’une maladie signifie être délivré de l’une des conséquences du péché. En attendant la guérison parfaite, bien sûr, qui aura lieu au dernier jour, à la résurrection des morts. Notre corps est lui aussi pris dans l’engrenage du péché et de la mort. Et notre corps est appelé, lui aussi, à participer à la délivrance finale, à la rédemption.
Jésus console cette femme. Elle a droit au salut en lequel elle croit. L’amour du Christ lui était plus grand que les entraves dressées par les hommes.
Frères et soeurs, cette histoire annonce aussi ce que Jésus a fait pour chacun d’entre nous ! Jésus se laisse « souiller » et atteindre par nos offenses pour nous offrir le salut. Il se charge de nos impuretés pour nous offrir sa guérison. Il prend sur lui nos péchés pour nous accorder son pardon. Voilà la grandiose vérité qui transparaît, en filigranes, dans notre texte. Et un miracle était nécessaire pour authentifier cette vérité. Le miracle devient le signe tangible de cette vérité.
« Pars dans la paix », lui dit Jésus. La paix est très importante dans l’enseignement de la Bible ; elle est le fruit de la foi. C’est ce qui m’est offert, ce que je ressens, ce que j’expérimente quand je reconnais en Jésus mon sauveur.
Il lui dit enfin : « Sois guérie de ton mal » ! En fait, elle était déjà guérie ; elle l’avait senti dans son corps. Mais Jésus scelle, en quelque sorte, la guérison accordée, en prononçant ces paroles. Il affirme clairement qu’il voulait cette guérison et qu’elle était son oeuvre !
Marc ne nous dit pas ce que cette femme ressentit, mais il est facile de l’imaginer. Son coeur devait être rempli de joie et de gratitude. L’amour renverse tous les obstacles. Et cet amour apporte la délivrance et la joie.
Que l’exemple de cette femme anonyme, qui « arracha » un miracle au Seigneur vous encourage à prier avec foi ! Que sa joie en ce jour, soit aussi la vôtre ! Amen !

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