dimanche 8 mai 2011

PSAUME 16.5-11


Autres lectures: Actes 2.14-33, 1 Pierre 1.17-21, Luc 24.13-35

5Le SEIGNEUR est mon partage et ma coupe ; c'est toi qui assures mon lot ;
6la part qui me revient est un lieu de délices ; c'est un patrimoine magnifique pour moi.
7Je bénis le SEIGNEUR qui me conseille ; même la nuit, les profondeurs de mon être m'instruisent.
8Je contemple le SEIGNEUR constamment devant moi, quand il est à ma droite, je ne vacille pas.
9Aussi mon cœur se réjouit, ma gloire est dans l'allégresse, ma chair même repose en sécurité.
10Car tu ne m'abandonneras pas au séjour des morts, tu ne permettras pas que ton fidèle voie la fosse.
11Tu me feras connaître le sentier de la vie ; il y a abondance de joies devant toi, des délices éternelles à ta droite.




Chers frères et soeurs,
chers amis,



Avez-vous déjà entendu parler de la Mer d'Aral? C'était une mer intérieure d'Asie Centrale. En 1960, encore alimentée par les puissants fleuves Amou-Daria et Syr-Daria, elle couvrait 68 000 km2 et était la quatrième surface d'eau salée intérieure du monde. Je dis bien « était ». En effet, les économistes soviétiques décidèrent, pour irriguer les cultures de coton, de détourner les deux fleuves qui se déversaient dans la Mer d'Aral. S'ensuivit une des plus grandes catastrophes écologiques de notre temps. En effet, le manque d'apport en eau douce a peu à peu fait baisser le niveau de la mer et augmenté sa salinité, détruisant l'écosystème. Aujourd'hui, la Mer d'Aral a perdu 75% de sa surface et 90% de son volume. Les 24 espèces qu'elle abritait ont toutes disparues. L'évaporation des insecticides qui y avaient été déposés depuis des décennies y a amené le plus fort taux de mortalité infantile du monde et nombre de cancers et d'anémies.
Le symbole le plus frappant de cette catastrophe se trouve dans ces photos très connues qui montrent les anciens bateaux de pêches soviétiques échoués au milieu de l'immense désert qu'est devenu la mer. On a l'impression de voir des chalutiers qui auraient été jetés depuis la Lune en plein coeur du Sahara. Ils sont là, rouillés et dévorés par le sel, écrasés de soleil, semblant attendre un déluge qui les remettraient à flot. Ils sont l'image de la bêtise humaine et de l'exploitation éhonté de la Création. Mais, plus profondément encore, je pense qu'ils sont aussi le symbole même de l'abandon.


Est-ce que vous vous êtes déjà senti comme un bateau seul en plein milieu d'un désert? Est-ce que vous vous êtes déjà senti abandonné, enfoncé dans les sables? Est-ce que vous vous êtes déjà senti abandonné dans un désert, sans aucun espoir de pouvoir faire les grandes choses que vous avez le pouvoir de faire? Est-ce que vous vous êtes déjà senti abandonné?


L'abandon, c'est ce sentiment que l'on peut ressentir tout petit quand Papa et maman vous laissent pour votre premier jour d'école. Il y a cette panique d'être perdu que l'on peut encore ressentir adulte, quand vous cherchez votre chemin sur une petit route de campagne en pleine nuit.
Mais au-delà de ça, il y a aussi l'abandon que nous ressentons quand l'être que nous aimons nous néglige; le sentiment de cet enfant dont le père et la mère se déchirent à grands cris, celui de l'ado devenu le souffre-douleur de tout le collège et qui ne peut en parler à personne, celui de l'adulte qui n' pas trouvé un compagnon ou une compagne. Le sentiment aussi de celui qui apprend que le chef du personnel veut le voir à midi ou dont le médecin appelle parce qu'il veut absolument parler du résultat des dernières analyses. Dans tous ces cas, comme dans bien d'autres, nous pouvons nous sentir comme des bateaux dans le désert. Abandonnés dans la fournaise.


Lorsqu'il a été crucifié, Jésus a crié « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné? » Pourquoi m'as tu laissé sur cette croix? Pourquoi m'as tu abandonné comme un bateau dans le désert? Pourquoi m'as tu abandonné comme un enfant malheureux, comme un malade? Pourquoi m'as tu abandonné de cette façon horrible?


Jésus a connu l'abandon ultime. Il a été séparé de Dieu son Père parce qu'il portait le poids de notre péché à notre place. Et pourtant, au coeur même de cette terrible expérience d'abandon, Jésus a quand même fait confiance en disant « Père, entre tes mains je remets mon esprit »: « Père, je te donne mon esprit, je le laisse entre tes mains, j'ai confiance en toi pour que tu prennes soin de moi .» Il me semble que « je remets mon esprit entre tes mains » est déjà un écho d'une parole de notre psaume:
tu ne m'abandonneras pas au séjour des morts


Et c'est bien ce qui s'est produit. Dieu n'a pas laissé la mort vaincre Jésus mais il l'a ressuscité au matin de Pâques. Voilà pourquoi Pierre a pu utiliser le Psaume 16 dans son « sermon » du jour de la Pentecôte: parce que, poussé par l'Esprit qu'il venait de recevoir, il pouvait proclamer que les promesses de l'Ancien Testament s'étaient accomplies pour Jésus et en Jésus.


Jésus n'est pas resté comme un bateau abandonné en plein désert. Il n'est pas resté dans sa tombe mais le Père l'a relevé des morts.

Et pour nous, le psaume 16 veut dire que nous aussi, nous ne serons pas abandonnés. Si nous croyons en Jésus comme notre seul Sauveur, nous pouvons être sûrs que nous vivrons éternellement. Et même dans cette vie, nous pouvons avoir l'assurance que Dieu sera toujours avec nous. Car ce psaume décrit ce qui peut être l'expérience du croyant, il décrit en fait la vie que Dieu veut donner à chacun d'entre nous par la bonne nouvelle du salut gratuit en Christ.
Nous sommes dans la saison de Pâques, et nous parlons beaucoup de la joie de la Résurrection du Seigneur.
Mais avons-nous conscience que la vie du chrétien est toute entière une vie de joie? De façon très frappante, quand il écrit aux Galates, qui étaient des croyants qui s'éloignaient de la vérité de l'Evangile, Paul demande: « Où donc est votre bonheur ? » (Gal 4.15). L'Evangile est une question de bonheur. Au coeur de la relation que Dieu veut nouer avec chacun d'entre nous ne se trouve pas de grandes questions métaphysiques, mais notre bonheur.
Examinez bien le vocabulaire de notre psaume: lieu de délices, patrimoine magnifique, mon cœur se réjouit, ma gloire est dans l'allégresse, abondance de joies, délices éternelles.


Le message est clair, je pense. Ce psaume nous décrit la provision abondante de notre Dieu, tout ce qu'il veut donner à chacun de nous et qui seul pourra remplir le vide de nos coeurs.
Le drame de nos contemporains est qu'ils cherchent le plus souvent le bonheur là où ils ne peuvent le trouver: dans le matérialisme, dans les fausses sagesses de certaines philosophies fumeuses ou d'un ésotérisme de bazar, dans la « réalisation d'eux-mêmes ». Tout cela est vain.
Il n'y a de « délices éternelles » qu'à la droite de Dieu, là où Jésus lui-même se trouve (1 Pierre 3.22, Actes 2.33).
L'enjeu pour nous est de comprendre que Dieu ne nous a pas abandonnés, qu'il ne nous abandonnera jamais. Même si nous sommes comme les bateaux de la Mer d'Aral, pitoyablement échoués dans le sable, Dieu va faire couler sur nous les courants d'eau vive qui viennent de Jésus pour nous remettre à flot. 

 
Pensez à ces deux disciples sur la chemin d' Emmaüs dont nous avons lu le récit ce matin. Eux aussi se sentaient abandonnés, défaits, après la mort de Jésus. Un étranger se met à marcher avec eux. C'est le Seigneur, mais, nous dit la Bible, « étaient empêchés (litt. retenus) de le reconnaître »
Empêchés pas quoi? Ils y voyaient pourtant clair, eux qui marchaient droit sur une chemin caillouteux! Non, ici, c'était un problème de vision spirituelle. C'était leur chagrin, leur peur, leur sentiment d'abandon qui les empêchait de reconnaître Jésus, qui était pourtant tout près d'eux.
Je crois que cela peut encore nous arriver: ne pas arriver à reconnaître la présence de Christ à nos cotés alors qu'il est tout près de nous. Mais le Seigneur ne veut pas nous laisser dans l'aveuglement. Il veut que nous puissions le voir, que nous puissions voir les bénédictions qu'il donne à ses fidèles et dont le Psaume 16 nous a parlées.


Comme il l'a fait pour ses disciples à Emmaüs, Jésus veut nous ouvrir le sens des Ecritures, qui sont notre seul guide sûr, la lumière véritable sur notre sentier.
Nous pouvons lui faire confiance, comme le dit le dernier verset de notre psaume, il nous fera « connaître le chemin de la vie » et, ce qui est encore plus précieux, il nous accompagnera toujours sur ce chemin. Il est ressuscité. Il ne nous abandonnera jamais.


Amen.

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