Ci-dessus : l’église néo-gothique de Gesté – crédit : DR |
Depuis quelques semaines, la polémique entourant l'église de Gesté est devenue emblématique du débat autour du devenir de certains lieux de culte. L'église actuelle de ce village du Maine-et-Loire a été construite au 19ème siècle et est bien représentative d'un certain style de l'époque, voir même de plusieurs tant l'ensemble est composite. Comme beaucoup d'édifices cultuels construits lors de cette période (sur fonds publics d'ailleurs), le bâtiment est en mauvais état, à tel point que 3 millions d'Euros seraient nécessaires pour une restauration. La somme est bien sûr trop lourde à porter pour une commune de 2400 habitants. Le Conseil Municipal a donc orienté sa réflexion vers la destruction de l'église et la construction d'un nouveau lieu de culte, solution qui a d'ailleurs reçu l'approbation du clergé local.
Malgré cela, ce projet a provoqué l'émoi et la mobilisation d'adversaires déterminés, choqués que l'on puisse arriver à ce qu'ils considèrent être une extrémité regrettable et un bradage de patrimoine. La presse s'est largement fait écho des arguments des uns et des autres, et nous n'y reviendrons donc pas.
Néanmoins, dans la mesure où des histoires comparables se sont produites et se produiront encore (notamment chez nous en Poitou), on peut quand même se faire quelques réflexions sur la question:
- il faudra cesser de considérer tous les élus amenés à prendre de telles décisions comme de farouches anticléricaux. Des sentiments antichrétiens peuvent peut-être motiver certaines actions ou manque d'action, mais il serait illusoire de croire qu'ils expliquent tout, à moins de tomber dans un délire paranoïaque. Quiconque a dû faire face à la gestion d'un budget communal sait le poids de cette charge, notamment dans le très difficile contexte actuel. Est-on notamment sûr que les amoureux des belles pierres soient prêts à accepter une hausse substantielle de leurs impôts locaux pour des décennies? Il y a parfois loin de la coupe aux lèvres...
- il faut aussi avoir l'honnêteté de se poser la question: vaut-il vraiment la peine de consacrer des sommes très importantes à l'entretien de lieux de cultes souvent désertés, alors même que cet argent pourrait être bien plus utiles ailleurs (action culturelle, solidarité, sport...). Personne ne nie l'absolue nécessité d'une politique de sauvegarde de nos authentiques joyaux, mais des bâtiment beaucoup plus récents et communs et qui, il faut le dire même si cela doit heurter quelques sensibilités locales, ne représentent aucun intérêt particulier méritent-ils de telles dépenses? Que la moindre bicoque datant de 1880 soit dénommée "historical landmark" aux USA ou en Australie est normal, mais notre rapport à "l'ancien" (et au beau) peut et doit être différent.
- La question interpelle aussi, bien entendu, les communautés chrétiennes. Celles-ci peuvent souvent s'estimer heureuses de s'être vu déchargées de lourds frais d'entretien par la loi de 1905 qui a fait des communes le propriétaires des lieux de cultes anciennement concordataires. Ce que nous savons tous, c'est que bien des églises, bien des temples, ne correspondent plus à la réalité des communautés qui les occupent. Ne voit-on pas des messes ou des cultes se dérouler dans les sacristies? On connaît aussi des exemples de paroisses qui se sont épuisées sur la question de l'entretien d'un lieu de culte devenu trop grand. Ayons l'honnêteté de reconnaître que des salles plus petites et modernes seraient dans bien des cas préférables à des lieux de culte souvent trop grands et malcommodes par rapport aux normes actuelles. Ayons le courage de dire qu'il faudrait, selon les circonstances locales, envisager d'autres solutions: l'église de maison, la location d'une salle municipale si du moins un certain laïcisme ne s'y oppose pas. J'ai conscience que dire cela, c'est admettre la disparation programmée d'un certain type de christianisme, et donc de fonctionnement des églises locales. C'est, en l'occurrence, simplement faire face à la réalité; sans tomber dans la crainte qui paralyse et empêche de vivre le présent et de préparer l'avenir.
- Nos ancêtres huguenots ont célébré le culte dans les forêts en plein air durant plus d'un siècle. Ce n'est pas ça qui a mis la foi à bas en France. De ce point de vue là, le bon français nous aide, en nous rappelant qu'un lieu de culte protestant, c'est un "temple". Le terme "église" ne peut proprement désigner quant à lui qu'une communauté chrétienne. Peu importe le lieu où celle-ci se réunit, du moment que la Parole est fidèlement prêchée et les sacrements droitement administrés. Rappelons nous des avertissements de Jacques Ellul, qui a bien souligné à quel point la notion même de "lieu sacré" est en contradiction flagrante avec la foi biblique.
Beaucoup voient dans la destruction d'églises dont la restauration ou l'entretien sont devenus de trop lourds fardeaux pour les collectivités locales un symbole de la décadence morale et spirituelle de notre pays. Disons qu'elle souligne certainement la fin d'une certaine religiosité...Mais la foi n'a pas grand-chose à voir là-dedans, et nos préoccupations de chrétiens devraient se porter ailleurs que dans ces questions, à moins que nous ne voulions vraiment privilégier l'accessoire aux dépens de l'essentiel...
Pascal Montabert
La rubrique "Billet" est un espace de libre expression dont le contenu n'engage que les auteurs et pas notre paroisse ou notre Synode.
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