Certains
vous diront qu'à l'origine, l'Evangile de Marc s'arrêtait
probablement au verset 8. Les versets 9-20 ne seraient qu' un ajout
tardif, une sorte de résumé de ce que les autres évangiles, et le
livre des Actes, disent des apparitions et des paroles du Ressuscité.
Je ne suis pas du tout convaincu par cette thèse mais il est vrai
que les huit premiers versets nous donnent un éclairage particulier sur le premier matin de Pâques.
1
Après que le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère
de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates pour venir embaumer
le corps.2 Et elles vinrent au sépulcre de grand matin,
le premier jour de la semaine, comme le soleil venait de se lever.3
Et elles disaient entre elles: Qui nous ôtera la pierre de
l'entrée du sépulcre?4 Et ayant regardé, elles virent que
la pierre avait été ôtée; or, elle était fort grande.5 Puis,
étant entrées dans le sépulcre, elles virent un jeune homme assis
du côté droit, vêtu d'une robe blanche; et elles furent
épouvantées.6 Mais il leur dit: Ne vous effrayez point; vous
cherchez Jésus de Nazareth qui a été crucifié; il est ressuscité,
il n'est point ici; voici le lieu où on l'avait mis.7 Mais
allez, dites à ses disciples et à Pierre qu'il vous devance en
Galilée; vous le verrez là, comme il vous l'a dit.8 Elles
sortirent aussitôt et elles s'enfuirent du sépulcre; car elles
étaient saisies de crainte et d'étonnement. Et elles ne dirent rien
à personne, car elles étaient effrayées.
elles
étaient effrayées.
Quand
on pense à Pâques dans l'église, on pense joie, fête, assurance,
victoire...Jésus est ressuscité !! Oui, mais dans l'évangile
de Marc, en ce premier matin, c'est d'abord la peur qui domine
Pâques.
En
effet, dans ces versets, la peur est partout présente. Peur des
femmes quand elles trouvent le tombeau vide, avec un jeune homme vêtu
de blanc. Peur encore quand elles sortent du tombeau : si elles
courent, ce n'est pas pour annoncer la bonne nouvelle : elles
s'enfuient parce qu'elles sont terrifiées !! Et puis il y a la
peur paralysante qui les empêche de raconter aux autres ce qui s'est
passé.
Comment
peut-on avoir peur le jour de Pâques ? Pour essayer de comprendre,
regardons à ces trois peurs.
Peur devant le tombeau vide
Là,
c'est presque normal : imaginez vous arriver à la sépulture
d'un être cher et la trouver violée... Mais la première peur
explicitement mentionnée est en entrant dans le tombeau : le corps
de Jésus n'est plus là : le cerveau doit alors travailler à
cent à l'heure « il n'est plus là, qu'est-ce qui s'est passé
mon Dieu! » En plus, il y a quelqu'un d'autre : un homme
vêtu de blanc qui leur adresse la parole.
Ici,
c'est la peur devant le premier choc de la surprise, devant quelque
chose d'imprévisible... Les femmes ne s'attendaient pas à
trouver le tombeau vide : elles s'interrogeaient même sur qui allait
bien pouvoir leur rouler la pierre !
Notons
que le Christ est absent des récits de Pâques. L'ange annonce qu'il
est ressuscité... Mais nul n'est témoin de l'événement de la
résurrection. Et personne même, dans ces quelques versets de Marc,
ne voit le Christ ressuscité... « Il n'est pas ici... ». Le
tombeau est vide.
Notre
foi en la résurrection s'appuie sur un tombeau vide. Le Christ
ressuscité apparaîtra, plus tard, à plusieurs de ses disciples.
Mais pour nous comme pour les femmes, notre foi en la résurrection
repose sur le tombeau vide.
Qui
parmi vous a vu le Christ ressuscité ? Personne ! Et pourtant, qui
croit que le Christ est ressuscité ?
«
Heureux ceux qui croient sans avoir vu » dira Jésus à Thomas...
Il
y a une peur à surmonter que de l'affirmer... Et encore, ici,
un dimanche matin dans une Église, c'est plus facile que dans notre
quotidien, au milieu de gens qui n'en ont rien à faire !
Peur en sortant du tombeau
On
n'a pas volé le corps de Jésus, il n'a pas disparu... Il est
ressuscité ! Et il attend ses disciples en Galilée !
Ces
paroles de l'homme en blanc n'ont pas apaisé les femmes... «
Ne vous effrayez point », ce n'ayez pas peur tellement typique de
Jésus... ne sert à rien : les femmes sortent en courant
de la tombe, effrayées !
Nous
l'avons déjà dit ; cette sortie du tombeau des femmes est en
fait une fuite ! Une fuite devant une réalité nouvelle
qu'elles n'arrivent pas à assimiler. Jésus est ressuscité ! Quelle
révélation ! C'est incroyable ; il y a là quelque chose de
tellement grand et nouveau que leurs cerveaux ne peuvent l'assimiler.
Inconnu = danger potentiel = fuite
Les
autres évangiles insistent sur l'incrédulité des disciples. Chez
Marc, c'est donc la peur. Dans tous les cas, La peur des femmes ici
est l'équivalent de l'incrédulité manifestée par les disciples
dans les autres évangiles. On n'arrive pas à croire que Jésus
est ressuscité !
Cela
nous rappelle que la nouvelle de la résurrection du Christ n'est
pas passée comme une lettre à la poste ! Ici la peur. Là
l'incrédulité... Si les témoins oculaires ont eu du mal à
croire, on comprend que ce ne soit pas facile pour nous aujourd'hui !
Pourtant
le message de Pâques retentit pour nous encore : « Jésus-Christ
est ressuscité ! » Comment répondons-nous à ce message ?
Dans la fuite ? Dans l'incrédulité ? Ou dans la foi ?
Peur de parler
Cette
interpellation est encore accentuée par le dernier verset de notre
passage. «elles ne dirent rien à personne, car elles étaient
effrayées. »
Quelle
peur les empêche de parler ? La peur d'avoir été victimes
d'une hallucination ? Celle de passer pour des folles ?
Cela
nous rappelle que pour parler, il faut être convaincu, il faut avoir
le courage de ces convictions, et l’Église d'aujourd'hui a bien
besoin de ce courage là. Mais les femmes, et les autres disciples,
ont finalement témoigné de ce qu'ils avaient vu et entendu,
notamment après la Pentecôte où Jésus a envoyé sur eux la
puissance de l'Esprit Saint.
Alors,
le silence des femmes nous interpelle... Allons-nous nous taire ?
OU bien allons-nous demander à Jésus de nous revêtir de puissance
pour que nous puissions témoigner de la vérité dans un monde qui
se perd ? Allons-nous proclamer que Jésus est ressuscité ?
au delà de la peur, vers Jésus...
Mais
on ne va pas terminer sur la peur... Parce que les paroles de l'ange
nous donnent la clé pour vaincre cette peur. « Ne vous
effrayez point... il vous devance en Galilée »
La
Galilée, c'est-à-dire là où tout a commencé. A Pâques, Jésus
invite à un nouveau départ, une nouvelle rencontre, un
recommencement. C'est là, un peu à l'écart, que Jésus veut
retrouver ses disciples pour les enseigner et les préparer à se
lancer dans la mission depuis Jérusalem.
Le
grand philosophe Pascal voyait la foi comme un pari. Un pari basé,
entre autres, sur le tombeau vide. Mais la foi est, avant tout, une
rencontre avec le Christ ressuscité. La foi, c'est avant tout croire
certaines choses, mais cela va aussi naturellement rejaillir dans ma
vie.
Oui,
il y a le « pari » de la foi : faire confiance aux premiers témoins
du tombeau vide et à ceux, plus tard, qui ont vu le Christ
ressuscité. Mais une fois ce « pari » fait, il faut bien
rencontrer le Christ vivant.
Ce
n'est pas en Galilée que Jésus nous donne rendez-vous aujourd'hui
mais dans notre quotidien, dans la prière, dans sa Parole, dans la
vie communautaire de l'église... En ce matin de Pâques, nous
sommes tous appelés à bannir la peur et à aller à la rencontre du
Ressuscité.
Amen.
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