lundi 20 octobre 2008

Amos 7, 10 à 17 (Eph. 1, 3 à 14 ; Marc 6, 7 à 13)

10 ¶ Amassia, le prêtre de Béthel, fit parvenir ce message à Jéroboam, roi d’Israël : Amos cherche à renverser ton pouvoir dans le royaume d’Israël. Le pays ne peut tolérer davantage ses discours.
11 Voici en effet ce que déclare Amos : Jéroboam mourra de mort violente, et la population d’Israël sera déportée loin de sa patrie.
12 Amassia dit alors à Amos : Visionnaire, décampe d’ici et rentre au pays de Juda. Là–bas tu pourras gagner ton pain en faisant le prophète.
13 Mais cesse de jouer au prophète ici, à Béthel, car c’est un sanctuaire royal, un temple officiel.
14 Amos répondit à Amassia : Je ne suis ni prophète de métier ni membre d’une confrérie prophétique. Je gagne habituellement ma vie en élevant du bétail et en incisant les fruits du sycomore.
15 Seulement le Seigneur m’a pris derrière mon troupeau, et il m’a dit d’aller parler de sa part à Israël, son peuple.
16 Or toi, Amassia, tu m’interdis d’apporter le message de Dieu au sujet d’Israël, de débiter mes discours, comme tu dis, contre les descendants d’Isaac. Eh bien, écoute donc ce message du Seigneur :
17 Voici ce qu’il déclare : Ta femme sera réduite à se prostituer dans la ville, tes fils et tes filles seront massacrés. Ta propriété sera partagée au cordeau. Toi–même tu mourras en pays païen, et la population d’Israël sera déportée loin de sa patrie.



Frères et sœurs, avec Amos, nous voici au milieu du 8e siècle avant Jésus-Christ. Rappelons qu’à la mort de Salomon, le royaume s’était coupé en deux : Israël au Nord, et Juda, au sud. Les tribus du Nord, ce sont un peu les libéraux de l’époque. Dans une sorte de consensus général, les dirigeants politiques et religieux encouragent l’œcuménisme : l’Eternel n’a plus la côte ; on lui ajoute les divinités païennes des peuples environnants.
Une bonne opération qui a fait exploser le commerce et enrichi tout le monde ! Israël est prospère comme au temps de Salomon, son économie est florissante ! Et pour couronner le tout, Damas est soumise, l’empire assyrien est malade et n’a donc plus les moyens d’inquiéter ses voisins.
Pour un peu, ils se mettraient presque à chanter : « tout va très bien, Madame le Marquise » ! Mais si vous connaissez la chanson, vous savez que la situation, réelle était loin d’être brillante ! C’était la même chose en Israël.
Les dix tribus du Nord sont comme une corbeille de beaux fruits, dit le Seigneur (Amos 8, 1), mais ces fruits sont véreux et pourris. Les inégalités sociales sont criantes. Le culte n’est que formalisme et, comme nous l’avons dit, souillé par des pratiques idolâtres.
C’est pourquoi Dieu va réagir.
Ce n’est pas ici la semaine des 35 heures, ni des congés payés, ni de week-ends prolongés… Il s’agit d’un homme, Amos qui a deux métiers plutôt qu’un. C’est un travailleur de la campagne, un travailleur agricole dirons-nous, qui vit de l’élevage du petit bétail, un propriétaire de troupeau. En plus de cette activité principale, il en a une autre, complémentaire : il cultive des sycomores. Il s’agit d’un arbre, fréquent à l’époque en Palestine, une sorte de figuier sauvage dont il fallait inciser le fruit avant sa maturité et qui servait à nourrir le bétail. Tout son temps est pris par ces deux métiers, par cette activité d’élevage d’un troupeau. Il n’a aucun temps de libre ; il est pris tout entier par son travail.
Et voilà qu’un jour, sans qu’il ne sache apparemment ni comment, ni pourquoi, Dieu l’arrache à ses occupations habituelles. Il l’empoigne derrière le troupeau, il lui adresse une vocation précise. Amos est l’objet d’une élection de Dieu, alors que rien ne semblait le préparer à cela ; il n’est pas prophète de profession. Ce n’est pas son métier. Mais Dieu l’appelle et il l’appelle à une tâche précise. Il sera son témoin. Au début du chapitre 7, nous lisons que le Seigneur lui envoie des visions terrifiantes sur l’avenir de son peuple, Israël : invasion de sauterelles, incendie. Et à chaque fois, un peu comme Abraham à propos de Sodome et de Gomorrhe, Amos parvient à fléchir le jugement de Dieu. Alors cet homme « ordinaire » dans le royaume de Juda, est appelé par Dieu à prophétiser dans le royaume du Nord, en Israël.
Comprenons la difficulté d’une telle intervention ! C’est un peu comme si un Irakien chiite voulait intervenir dans les affaires de la communauté sunnite !
Et pour rendre la mission encore plus périlleuse, Dieu n’envoie pas Amos avec un message de paix : c’est au contraire une prédication terrible que le prophète doit apporter dans le royaume d’Israël : l’imminence du châtiment divin.
Amos doit critiquer violemment le luxe sans vergogne qui règne à Samarie, la capitale. Ce faisant, il critique et condamne tout à la fois le roi et le clergé de ce royaume. Car là bas, c’est le roi qui désigne les prêtres. C’est, avant la lettre – par rapport à ce qui s’est passé dans l’Eglise au Moyen Âge – l’union du sabre et du goupillon ! Amos dénonce cette déviance avec courage, probablement au péril de sa vie, de sorte que « Amatsia, sacrificateur de Béthel, envoya dire à Jéroboam, roi d’Israël : Amos conspire contre toi au milieu de la maison d’Israël ; le pays ne peut supporter toutes ses paroles »…
Amos est un homme de combat, du combat de la foi. Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Comme le lui fait remarquer Amatsia : « Visionnaire, va t’en d’ici ! Retourne dans le pays de Judas ; manges-y ton pain, et là tu prophétiseras ! Mais ne continue pas à prophétiser à Béthel, car c’est un sanctuaire du roi, et c’est une maison royale».
Mais Amos ne part pas. C’est Dieu qui l’a choisi. Il fonde en Dieu seul l’autorité du message qu’il délivre. Tant pis s’il n’est pas au goût du jour, s’il n’est pas « politiquement correct ». S’il fait rétrograde ! N’en déplaise aux autorités en place, il a été envoyé en Israël car pour Dieu, Israël est aussi son peuple, comme Juda. Dieu ne désespère jamais de l’homme, frères et sœurs ; son Esprit est à l’œuvre jusqu’à l’extrême limite de son endurcissement. Personne donc, ni Amatsia le prêtre corrompu, ni le roi Jéroboam ne peuvent contester son activité car ce serait contester les droits absolus de Dieu sur son peuple. C’est pourtant ce qui va se produire, et la prophétie d’Amos sur Israël trouvera, hélas, son accomplissement : « ta terre sera partagée au cordeau, dit le prophète ; toi, Amatsia, tu mourras sur une terre impure, et Israël sera déporté loin de sa terre » (Effectivement, Samarie sera détruite 40 ans plus tard) !


Chers amis, dimanche prochain, nous fêterons la Réformation. Cette marche du prophète Amos au devant de Béthel m’en rappelle une autre, tout aussi héroïque pour la foi et l’Evangile : celle de Martin Luther au devant de Worms. Je vous rappelle qu’au tout début de l’année 1521, le jeune empereur Charles-Quint, qui avait 20 ans, convoqua tous les dignitaires de l’empire à Worms, une ville des bords du Rhin. Les différentes affaires politiques et religieuses devaient y être débattues, parmi lesquelles, en particulier, le problème grandissant que commençait à poser un jeune professeur de théologie, du nom de Martin Luther. Son cas était jugé d’avance, notamment par les représentants du pape qui tenaient déjà sa lettre d’excommunication. Les débats qui suivirent, consignés dans les biographies du réformateur, montre à quel point le parti romain, mais aussi les humanistes, haïssaient Luther et sa doctrine.
Ses amis craignaient pour sa vie. A Melanchthon qui voulait l’accompagner, Luther répondit : « Cher frère, si je ne reviens pas, si mes ennemis me mettent à mort, tu continueras à enseigner et tu maintiendras ferme la vérité ; si tu vis, peu importe ma mort. » Sur le chemin de Worms, les princes et les Seigneurs allemands étaient tout disposés à lui offrir un refuge, mais le réformateur ne voulut pas interrompre son voyage ; Dieu le poussait en avant. Spalatin, le secrétaire de l’Electeur Frédéric, lui adressait de constants avertissements. C’est là que Luther lui envoya cette réponse demeurée célèbre : « J’irai à Worms, y aurait-il dans cette ville autant de diables que de tuiles sur les toits ! » Il parlait comme ça, Luther…
Mais revenons au prophète Amos. Par son ministère, le prophète préfigure l’appel des premiers apôtres ; ce message qui sera la réaffirmation primordiale de la Réforme : le sacerdoce universel, tous prêtres, tous prophètes ! « Vous, dit l’apôtre Pierre dans sa première lettre, vous qui écoutez ce matin dans cette Eglise du Christ à Mulhouse, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis afin que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ; vous qui autrefois n’étiez pas un peuple et qui maintenant êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde et qui à présent avez obtenu miséricorde ! »
Comme le Dieu de l’ancienne Alliance a appelé et envoyé Amos, comme Jésus envoie ses disciples deux par deux, comme Martin Luther au devant de Charles Quint, il nous envoie aujourd’hui. Amos n’était pas payé par le roi de Juda pour transmettre un message de propagande. Jésus ne paie pas ses disciples pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume en toute sécurité ! Au contraire ! Il les prend dans leur travail, au milieu de leurs occupations professionnelles et les envoie dans le plus grand dénuement. Aujourd’hui encore, le Christ ressuscité nous envoie bénévolement pour répandre l’Evangile de salut, de pardon et d’amour ; pour annoncer sans rétribution le salut gratuit qui découle de la croix du Christ et de sa résurrection.
Dans ces trois cas (Amos, les douze disciples, Luther), il ne s’agit pas d’un choix personnel, d’une décision mûrement réfléchie. Et quel que soit le serviteur appelé, il s’agit d’une intention, d’une décision du Père de notre Seigneur Jésus-Christ. C’est Dieu qui appelle ; c’est Dieu qui choisit ; c’est Dieu qui envoie. Son choix peut nous étonner, nous surprendre, nous choquer peut-être mais c’est ainsi : le point de départ, c’est lui. Notre autorité vient de lui et de lui seul quels que soient nos incapacités ou nos insuffisances, nos manquements ou nos dévouements : n’oublions jamais que c’est le Christ qui a pris la décision de nous envoyer. Et c’est lui qui nous indique la mission à accomplir. L’Evangile de Marc, par sa concision, présente quelques difficultés à percevoir la réalité de cette mission. Seul l’essentiel est indiqué : « ils prêchèrent la repentance » (Marc 6). C’est la première offensive de la Parole, le premier coup salutaire porté à l’orgueil et à la suffisance. Appeler à la repentance, c’est-à-dire à un retour à Dieu, sans cesse abandonné et toujours persévérant dans sa fidélité. Le reste : les démons chassés, l’onction d’huile, les malades guéris ne sont là que pour attester, confirmer leur autorité, cette autorité qui leur vient du Seigneur.
C’était déjà le message d’Amos : en annonçant la mort du roi et la déportation du peuple, il affirme que la miséricorde de Dieu a atteint ses limites, et que sans un retour vers lui, tout est perdu. Car on ne se moque pas éternellement de Dieu.
Repentance et changement de vie, c’est le leitmotiv du message d’Amos. « Malgré cela, vous n’êtes pas revenus à moi, dit le Seigneur… »
C’est encore notre tâche, notre mission aujourd’hui. Nous sommes au mois d’octobre, dans la huitième année du 21ème siècle. Ce monde est allé de progrès en progrès dans de très nombreux domaines, mais aucune révolution, sociale, économique ou scientifique n’a pu changer le cœur de l’homme…

Le monde d’aujourd’hui ne ressemble-t-il pas à ce royaume d’Israël où le luxe insatiable des femmes riches, en particulier, faisait qu’Amos les comparait à des génisses ? La Jet Set d’aujourd’hui ne ressemble-t-elle pas à cette société du 15ème siècle que le grand prédicateur de la repentance Savonarole comparait à une écurie de porcs et de chevaux ?
Un monde où des jeunes mamans vendent leur bébé 5000 euros pour sortir de la misère, parce qu’elles ont eu la mauvaise idée de quitter leurs pays pour échouer dans un squat de Seine Saint-Denis.
Un monde dont les banquiers croyaient que moins l’on régule, plus on atteint le bonheur universel. Ils passaient leur temps à anticiper sans voir les réalités du futur qui se rapprochaient dangereusement. Il ne fallait pas leur parler de normes, de garde-fous, de limites : seul le marché financier savait, seul le marché financier marchait. Quant il y avait alerte, on parlait d’erreur individuelle regrettable, comme dans la fameuse affaire Kerviel.
Désormais, dans ce monde construit sur des logiciels ultrasophistiqués mais totalement irrationnel, les cours dégringolent, la défiance se propage, la panique l’emporte sur la raison. Les gourous de la finance voient leur religion chuter comme une vieille idole païenne qu’ils voulaient nous forcer à adorer.


Certes, notre témoignage n’aura pas la portée de celui d’un Amos. Nous ne sommes pas appelés à être médiatisés pour parler au monde entier, ni même à un pays. Pour cela, il faudrait s’appeler Riberry ou Paris Hilton ; il faudrait avoir le nom d’un chanteur de la Star’AC ou d’un écrivain à succès !
Mais plus modestement, à notre niveau, au niveau de votre famille, de vos voisins de palier, de vos camarades de travail ou de loisirs, au niveau de notre quartier : nous pouvons être des témoins de l’amour et du pardon de Dieu.
Nous pouvons appeler ceux qui nous entourent à revenir à Dieu. Il ne s’agit pas de condamner aveuglément, mais d’annoncer, modestement, à notre niveau, le message de repentance pour le pardon des péchés. C’est une tâche délicate, fragile et limitée car nous restons des hommes pécheurs, même si nous sommes des croyants pardonnés par Jésus-Christ et sanctifiés par l’Esprit Saint.
Avec humilité et avec lucidité, sachons saisir les occasions que Dieu place sur notre route pour faire entendre à nos contemporains et à ceux qui nous sont le plus proches, le message éternel et inaltérable de l’Evangile : Repentez-vous, revenez à Dieu. Il est prêt au pardon. Il veut changer et sauver votre vie et vous aider à vivre en nouveauté de vie.
Soyez des témoins de son pardon, de son amour et de sa sainteté. Amen !

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