On connaissait les adaptations cinématographiques d'oeuvres écrites. Dans son nouvel album, Jacques Terpant s'attaque à un nouveau type de travail: mettre en bandes dessinées un livre, en l'occurence un des meilleurs ouvrages de Jean Raspail: Sept Cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée (paru en 1993).
Dans ce qui semble être un royaume imaginaire d'un coin d'Europe à la fin du 19ème siècle, la vie semble s'en être allée. La Ville, qui a connu ses heures de gloire, a presque été abandonnée par sa population. Un mal inconnu ronge le pays, parcouru par des bandes qui y sèment leur violence et leur désespoir. Il n'y a plus de train, plus de bateaux, plus de télégraphe: la Ville est coupée du monde. Son Altesse le Margrave héréditaire (auquel Teprant a donné les traits de Jean Raspail) ne règne plus que sur un chateau vide. Il décide de confier une ultime mission à une poignée de fidèles. Sept cavaliers sont désignés pour retrouver la fille du Margrave et, avec elle, la vie perdue.
Tous ceux qui ont aimé le livre seront sans doute charmés par la qualité de ce premier tome (la série en comptera trois). Les autres découvriront une magnifique histoire, servie par la qualité du trait d'un Terpant qui passe là à une nouvelle étape de son oeuvre. Le dessinateur a fait le choix d'un grande fidélité au roman de Raspail et cite souvent directement le roman, sans jamais être servile. Je me suis demandé, à le première lecture, pourquoi Terpant avait consacré presque tout son premier tome à l'avant-départ. En fait, ce choix s'imposait. L'album fait bien entrer le lecteur dans l'atmosphère sombre de ce qui paraît bien être la fin d'un monde.
C'est bien cette atmosphère qui pose une des des grandes questions de cet album et du livre qui l'a inspiré.
Où est l'espérance dans un monde qui s'écroule, et qui, derrière ses beaux uniformes, ses blasons et ses anciennes coutumes, ressemble étrangement au nôtre? Raspail (et, avec lui, Terpant) semble avoir un problème avec la petite fille espérance chère à Péguy. Même si on sait que c'est faux pour certains d'entre eux, on a l'impression que les cavaliers sont restés fidèles plus par principe ou souci de style que parce qu'ils croient vraiment en un avenir.
C'est ce qui ressort dans le livre d'un dialogue entre le chef du petit groupe, le colonel-major Silve de Pikkendorf et son ami l'évêque Osmond Van Beck:
"-Mais vous, Osmond, n'espérez-vous rien?
Mgr Van Beck hésita
-Si, Dieu. Peut-être le trouverons-nous au bout du chemin. Mais je n'en dirai pas plus, imaginez qu'il nous fasse faux bond"
Van Beck a au moins l'honnêteté de reconnaître que Dieu peut se cacher, que sa présence, notamment au coeur des troubles des sociétés humaines est parfois plus que difficile à percevoir. On peut néanmoins se demander quelle est cette théologie douteuse qui, par "réalisme", sépare l'espérance et la foi.
En tout cas, en chevauchant avec les sept hommes du Margrave, on pourra se demlander "et moi, en quoi est-ce que je place mon espérance?"
"Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule, par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée. Tête haute, sans se cacher, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d'imaginer. Ainsi étaient-ils armés, le coeur et l'âme désencombrés scintillant froidement comme du cristal, pour le voyage qui les attendaient"
Sept Cavaliers T.1, Robert Laffont, 2008, 12,95€
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