samedi 6 mars 2010

Luc 13.1-9


1 ¶ En ce même temps, quelques personnes qui se trouvaient là racontaient à Jésus ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang avec celui de leurs sacrifices.
2 Il leur répondit : Croyez–vous que ces Galiléens aient été de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu’ils ont souffert de la sorte ?
3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.
4 Ou bien, ces dix–huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu’elle a tuées, croyez–vous qu’elles aient été plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.
6 ¶ Il dit aussi cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint pour y chercher du fruit, et il n’en trouva point.
7 Alors il dit au vigneron : Voilà trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n’en trouve point. Coupe–le : pourquoi occupe–t–il la terre inutilement ?
8 Le vigneron lui répondit : Seigneur, laisse–le encore cette année ; je creuserai tout autour, et j’y mettrai du fumier.
9 Peut–être à l’avenir donnera–t–il du fruit ; sinon, tu le couperas.





Ecoutez la radio, regardez la télévision, lisez le journal et Internet et chaque semaine vous annoncera son lot de catastrophes. Seuls les lieux et les circonstances changent. Il y a à peine deux mois, c'était le tremblement de terre dans la lointaine Haïti. La semaine dernière, c'était la tempête qui a ravagé notre région et a laissé derrière elle une cinquantaine de morts et des dégâts matériels colossaux. Et puis il y a les catastrophes qui ne se remarquent pas. Mercredi dernier, 30000 enfants sont morts de faim. Tout comme lundi, mardi jeudi vendredi samedi et aujourd'hui, puisque c'est le nombre moyen d'enfants qui meurent de famine chaque jour. Et toutes ces tragédies laissent des gens dans la peine et le deuil, qui se demandent sans doute "pourquoi?". Haïti, pays déjà le plus pauvre de la planète frappé de façon terrible. Ce qui devait être le week-end tranquille de familles niortaises sans histoire qui se terminent par la mort si brutale… C'est tellement injuste.


A l'époque de Jésus, la question de la justice ne se posait même pas. La maladie, la souffrance et la mort étaient vues comme étant liées de façon directe au péché des humains. Si quelque malheur vous arrivait, c'était forcément pour vous punir de quelque chose. Et bien sûr, plus le malheur était grand, plus ce dont on pouvait vous soupçonner aussi…Cette mentalité n'a pas disparu. Lors du cyclone Katrina qui a ravagé le sud des Etats-Unis, on a bien trouvé de bonnes âmes chrétiennes pour dire que La Nouvelle-Orléans était quand même une ville connue pour ses mœurs légères et sa pratique du vaudou et que Katrina pouvait être vue comme un châtiment de Dieu. Bien sûr, on ne m'a pas expliqué pourquoi cette vengeance divine sur la ville de La Nouvelle-Orléans a aussi affecté une zone grande comme un pays européen. Sans doute une erreur de tir…

Mais même si nous nous éloignons de cette pseudo-théologie insignifiante, nous nous rendons compte que nous avons souvent tendance à voir l'épreuve comme une punition: "mais qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu pour mériter ça?". Comme l'a dit une psychanalyste "la calamité frappe et nous nous demandons ce que nous avons fait de mal". Nous nous mettons à examiner notre attitude, nos relations, nos croyances, dans le cas de certaines maladies même notre régime…Nous cherchons la cause qui a produit l'effet pour pouvoir arrêter ce qui va mal. Et ce n'était pas différent au temps de Jésus. Les gens cherchaient aussi à comprendre et à contrôler le malheur. Et ils sont venus poser à Jésus une question sur deux affaires qui faisaient grand bruit à l'époque: le massacre de Galiléens par le gouverneur romain Pilate et la chute d'une tour à Siloé.

Très honnêtement, la réponse de Jésus lui ferait perdre des points dans un exercice de théologie pastorale:
2 Il leur répondit : Croyez–vous que ces Galiléens aient été de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu’ils ont souffert de la sorte ?
3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.
4 Ou bien, ces dix–huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu’elle a tuées, croyez–vous qu’elles aient été plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ?
5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également.

Jésus refuse d'enter dans l'équation si populaire en son temps du péché et de la mort. Ce qu'il insiste pour dire, c'est que la mort n'est jamais bien loin, qu'elle n'est pas contrôlable ou explicable. La mort est là. Elle peut vous toucher alors que vous êtes en train de prier et que les soldats romains viennent vous rafler comme ils l'ont fait avec les Galiléens. Elle peut vous toucher alors que vous marchez tranquillement dans la rue et qu'un bâtiment s'écroule sur vous comme à Siloé. Jésus rejette la spéculation malsaine des gens et leur dit de façon très franche "mais qu'est-ce que vous avez à vous occuper de ça? à vous croire meilleurs que ces gens qui sont morts? Vous savez, vous aussi vous allez mourir, un jour ou l'autre, d'une façon ou d'une autre, alors ne perdez pas de temps à sonder ce qui arrive aux autres mais repentez-vous dès aujourd'hui".
Oui, ces paroles de Jésus ne sont pas très réconfortantes. Mais c'est bien ce qu'il veut: non pas apporter un réconfort facile à ceux qui l'écoutent, mais les bousculer, les amener à un profond questionnement, à la repentance.

Repentance, voilà un mot qui évoque la pénitence, un sentiment de honte et de regret pour le mal commis. C'est un mot auquel une certaine spiritualité a imposé un sens qui n'était pas le sien. Le mot grec traduit par "repentance" signifie "changer d'avis, d'opinion". Rien de plus, rien de moins. La repentance, ce n'est pas se flageller parce qu'on est conscient d'avoir fait le mal. La repentance c'est un changement radical de perspective, et c'est à cela que Jésus nous appelle. Luther a dit un jour que la repentance était un changement du cœur qui s'opérait par le moyen de la grâce de Dieu. Se repentir, c'est nous détourner de notre chemin pour rejoindre la route que Jésus nous trace. C'est croire que seul Jésus peut nous offrir les portes de la maison du Père parce qu'il est mort pour nos fautes et que la grâce de Dieu nous accueille en lui.

Et, pour bien appuyer, Jésus raconte une parabole. Elle non plus n'est pas très douce. C'est une parabole qui parle du jugement de Dieu et du besoin de repentance. C'est l'histoire d'un figuier qui ne produit pas de fruit et dont le propriétaire devient impatient. Il veut couper l'arbre, mais le jardinier lui obtient un sursis: "laisse-moi y travailler encore un an, et après s'il ne donne pas de fruit, nous le couperons". Cette histoire, c'est celle d'une conversation entre le jugement de Dieu et sa grâce.
La grâce de Dieu, sa patience, son amour, on les voit dans le don d'une année supplémentaire. On voit là une différence entre Jean-Baptiste et Jésus. Jean-Baptiste disait "Déjà même la cognée est mise à la racine des arbres : tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu" (Luc 3.9). Dans la parabole de Jésus, par contre le jardinier demande et obtient une année supplémentaire, cette "année de grâce du Seigneur" que Jésus a dit être venu annoncer, un temps de pardon, de restauration, un temps pour les secondes chances.
Et nous comprenons bien que le jardinier, c'est Jésus. La vigne dans laquelle est plantée le figuier, c'est peut-être le monde entier, peut-être l'église, peut-être nos propres vies. En fait, Jésus ne désespère de personne: de vous, de l'église, du monde entier. Dans cette parabole il y a de l'espoir: "ne coupe pas l'arbre", mais il y a aussi une urgence "plus qu'un an".

Et pour nous, qu'allons-nous faire de cette année, de ce temps que Dieu nous laisse? Il ya une méthode d'évangélisation qui concerne à demander "où iriez-vous si vous mouriez ce soir?". Il n'est peut-être pas mauvais de poser cette question, mais il faut le faire en n'oubliant pas que dans la parabole, la promesse est plus forte que la menace. "Je vais faire tout ce que je peux pour que cet arbre vive et porte du fruit, je veux agir sur ce sol desséché" dit Jésus. Alors que nous nous demandons pourquoi certains sont morts entre les mains de Pilate ou écrasés par une tour, Jésus travaille nos cœurs. Il se sert de ces histoires véritablement tragiques qui avaient touchées ceux qui l'écoutaient pour leur rappeler que leur propre vie était marquée par la finitude, qu'il y a des choses qu'on ne peut pas remettre tout le temps au lendemain.
Mais Jésus ne veut pas nous pousser au désespoir "on va tous mourir de toute façon". Le jardinier s'avance, pour donner encore une chance au figuier, pour qu'il vive. Jésus veut que nous ayons la vie, tout de suite et il nous dit "n'attendez pas!". Cette parabole est dure en ce qu'elle nous fait nous poser des questions dures: est-ce que je me suis ouvert à l'amour de Dieu? Est-ce que je marche dans l'amour? Est-ce que les choses de la vie ne m'empêchent pas de vivre? Comme la parabole, ces questions nous amènent à une véritable repentance.
Sommes-nous prêts à entrer dans cette démarche? A entrer dans l'année que Dieu nous donne, dans le temps de sa grâce? Jésus n'a pas cherché à apporter de réponses faciles aux questions compliquées que se pose l'esprit humain devant la tragédie. D'ailleurs, le propre d'une foi adulte est de reconnaître, d'accepter qu'il n'y ait pas de réponses simples aux questions compliquées. Les réponses, toutes les réponses, seul Dieu les connaît, et nous ne sommes pas Dieu.
La seule vraie question qui se pose en fait est "comment pouvons-nous nous tenir devant ce Dieu très saint?". La seule réponse est un nom, Jésus-Christ, en qui nous rencontrons un Dieu aimant, dont la présence va nous permettre de vivre notre existence sans connaître toutes les réponses, un Dieu qui donne son Fils pour nous et nous invite à revenir à lui, un Dieu qui nous libère pour l'aimer et le servir et servir aussi les autres. Alors laissons le jardinier s'occuper de nous, pour que nous puissions enfin porter du fruit.

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