jeudi 18 mars 2010

LUC 15.1-3,11-32

15 Tous les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient de Jésus pour l'écouter.
2 Mais les pharisiens et les spécialistes de la loi murmuraient, disant: «Cet homme accueille des pécheurs et mange avec eux.»
3 Alors il leur dit cette parabole: 4 «Si l'un de vous a 100 brebis et qu'il en perde une, ne laisse-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu'à ce qu'il la retrouve?
11 Il dit encore: «Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père: 'Mon père, donne-moi la part de l'héritage qui doit me revenir.' Le père leur partagea alors ses biens.
13 Peu de jours après, le plus jeune fils ramassa tout et partit pour un pays éloigné, où il gaspilla sa fortune en vivant dans la débauche.
14 Alors qu'il avait tout dépensé, une importante famine survint dans ce pays et il commença à se trouver dans le besoin.
15 Il alla se mettre au service d'un des habitants du pays, qui l'envoya dans ses champs garder les porcs.
16 Il aurait bien voulu se nourrir des caroubes que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait.
17 Il se mit à réfléchir et se dit: 'Combien d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance et moi, ici, je meurs de faim!
18 Je vais retourner vers mon père et je lui dirai: Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi,
19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils, traite-moi comme l'un de tes ouvriers.'
20 Il se leva et alla vers son père. Alors qu'il était encore loin, son père le vit et fut rempli de compassion, il courut se jeter à son cou et l'embrassa.
21 Le fils lui dit: 'Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.'
22 Mais le père dit à ses serviteurs: 'Apportez [vite] le plus beau vêtement et mettez-le-lui; passez-lui un anneau au doigt et mettez-lui des sandales aux pieds.
23 Amenez le veau qu'on a engraissé et tuez-le! Mangeons et réjouissons-nous,
24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.' Et ils commencèrent à faire la fête.
25 »Or le fils aîné était dans les champs. Lorsqu'il revint et approcha de la maison, il entendit la musique et les danses.
26 Il appela un des serviteurs et lui demanda ce qui se passait.
27 Le serviteur lui dit: 'Ton frère est de retour et ton père a tué le veau engraissé parce qu'il l'a retrouvé en bonne santé.'
28 Le fils aîné se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier d'entrer,
29 mais il répondit à son père: 'Voilà tant d'années que je suis à ton service sans jamais désobéir à tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis.
30 Mais quand ton fils est arrivé, celui qui a mangé tes biens avec des prostituées, pour lui tu as tué le veau engraissé!'
31 Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi et tout ce que j'ai est à toi,
32 mais il fallait bien faire la fête et nous réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.'»




Tous les fils prodigues s'approchaient de Jésus pour l'écouter. Mais les fils aînés murmuraient, disant "Cet homme accueille les pécheurs et mange avec eux".
Vous voudrez bien excuser cette fusion du début et de la fin de notre texte, mais le parallèle est clair et les Pharisiens l'avaient bien compris. Ces Pharisiens reprochent à Jésus de laisser venir à lui les pécheurs notoires, de passer du temps avec les gens de mauvaise vie, de dialoguer avec ceux que tout le monde pointe du doigt.
Alors Jésus réplique par trois paraboles. La première et la deuxième sont presque identiques: l'histoire du berger qui laisse ses 99 brebis pour retrouver la centième et celle de cette femme qui retourne sa maison pour retrouver la dixième pièce d'argent qui lui manque. Ces deux histoires sont destinées à redonner l'espoir à ceux qui se reconnaissent pécheurs et à leur montrer que non seulement Dieu les accepte, mais qu'en plus, il les cherche! Elles sont aussi destinées à agacer prodigieusement les Pharisiens, cette pure élite, en donnant à Dieu les traits d'un berger et d'une femme, les deux catégories que justement les Pharisiens considèrent comme impures et inférieures!

Et puis il y a la troisième parabole, qui est un peu différente puisque nous y trouvons "deux pour le prix d'un". Ce que je veux dire, c'est que dans cette parabole, Jésus veut nous enseigner deux choses. Nous connaissons bien l'histoire: un père, deux fils. L'histoire du cadet apporte le réconfort, l'histoire de l'aîné apporte un avertissement.

Souvent le récit des paraboles utilise des comportements étranges, on pourrait même dire aberrant. Dans notre texte, c'est le père qui est bizarre. Voilà un homme qui est humilié, bafoué de tant de façons! Et bien, ce père est l'image de Dieu qui est prêt à souffrir l'humiliation pour venir nous chercher et nous ramener à la maison.

L'humiliation elle commence quand le jeune fils choisit de partir et demande sa part d'héritage. En fait, c'était une façon de montrer à son père qu'il mettait un peu trop de temps à mourir et qu'il serait peut-être temps de la laisser vivre. Est-ce que le père remet ce blanc-bec insolent à sa place? Non. Il accepte de partager ses biens. C'est une réponse incroyable. Tout le monde dans le village a dû penser qu'il était devenu complètement fou.

Cette action du père est d'autant plus extraordinaire que les deux fils font preuve d'un cœur mauvais. Bien sûr, on parle souvent du plus jeune qui ne se soucie que de quitter son vieux père et sa terre pour aller faire les 400 coups. Mais le fils aîné aussi a accepté le partage des biens après tout. Et, quand on y pense, c'est lui qui a reçu double part et qui est devenu le maître de la maison. Ce que le jeune frère demande, ce que l'aîné accepte, montre en fait à quel point ils sont tous deux éloignés de leur père.

Pourtant, c'est bien ainsi que Dieu fonctionne. Comme l'a dit Jésus "il fait se lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait pleuvoir sur les justes et les injustes". Dieu étend une forme de sa grâce sur tous les habitants de la Terre, ne serait-ce qu'en leur permettant de vivre. Et notre belle France, qui s'est tellement éloignée de Dieu n'en demeure pas moins un des pays les plus riches au monde.

La deuxième humiliation se produit quand le cadet revient à la maison et que son père se met à courir vers lui. C'est la violation d'un tabou social: un homme de cet âge et de ce rang ne court pas dans la Palestine du temps de Jésus: c'est presque indécent!! Et au lieu de garder sa sombre réserve, le père se précipite vers son fils, l'embrasse, remplace ses haillons par des vêtements luxueux, lui met au doigt l'anneau des maîtres et invite le ban et l'arrière-ban pour une grande fête.
De plus, le père a vu son fils arriver de loin. Cela montre qu'il l'attendait, le guettait. Avant même que le fils ne décide de revenir chez lui, le père espérait son retour. A travers le père, Jésus décrit la grâce complète et totale de Dieu, son amour inconditionnel envers nous.

Le prophète Esaïe a dit "nous sommes devenus comme des objets impurs et toute notre justice est comme un habit taché de sang, nous sommes tous aussi fanés qu'une feuille et nos fautes nous emportent comme le vent" (Es 64.5). Et malgré cela, comme le père de la parabole, Dieu est prêt à s'humilier pour nous ramener à la maison. Il nous purifie dans le baptême et nous revêt de la justice que Christ nous a acquise à la croix. Il s'abaisse vers nous pour nous inviter à devenir ses enfants. Il nous invite à sa table pour nourrir notre foi avec le pain et le vin de l'eucharistie. Nous devenons ses héritiers dans la nouvelle alliance de la grâce qui surpasse l'ancienne alliance de la Loi.

L'humiliation finale pour le père est amenée par la réaction du fils aîné, par sa colère, par son refus de se joindre à la fête. Le père insiste, plaise pour s'entendre répondre qu'il traite son aîné injustement. Alors qu'il est tout à la joie d'avoir retrouvé un fils, le père se voit rejeté par un autre, qui, il faut le noter, ne l'appelle pas "père" et qui se réfère à son frère en disant "ton fils".

Et pourtant, pourtant, une nouvelle fois, sans se lasser, le père renouvelle son invitation. Son fils est furieux envers lui mais il reste son enfant. Il est toujours bienvenu à la fête. Là encore, le père est l'image d'une grâce et d'un amour incroyables.

Jésus ne nous a pas dit ce qui est arrivé au fils aîné. C'est très approprié, parce que les Pharisiens et les scribes allaient se reconnaître en lui. Ils devaient se rendre compte que l'histoire n'était pas encore finie pour eux, que Dieu les invitait encore et toujours à la fête. Allaient-ils réaliser qu'eux aussi pouvaient s'y joindre? Quelle fin allaient-ils donner à l'histoire? Pour nous en tout cas, prenons bien garde de ne pas être des fils aînés, des Pharisiens, des religieux tellement préoccupés par leur religion qu'ils en oublient la foi et qu'ils restent à la porte de la maison de fête, et veulent empêcher les autres d'y entrer.

Notre Dieu est un Dieu de grâce, qui nous aime tellement qu'il a sacrifié son Fils unique. Jésus s'est humilié lui-même, en faisant preuve d'obéissance jusqu'à la mort, même la mort sur la croix (Phil 2.8). Cette histoire, la merveilleuse histoire du salut et de la libération que Dieu nous donne, beaucoup de ceux qui vivent autour de nous ne l'ont jamais entendue, ou jamais acceptée. C'est à nous de la leur dire, avec douceur et persuasion. C'est à nous de les inviter au repas de fête que donne le Père pour tous ces enfants qui reviennent à lui. Quant à nous, que ce carême soit le temps où nous allons revenir auprès du Père, que nous ayons été des fils aînés ou des cadets



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