Les notes complètes de la prédication du 9 septembre n'étant pas disponibles, nous vous présentons un sermon du pasteur Poillet (Mulhouse)
" Frères et soeurs, nous avons une dette, mais pas envers notre nature propre, pour nous conformer à ces exigences.
Si vous vivez en vous conformant à votre nature propre, dit-il, vous allez mourir, mais si par l’Esprit vous faites mourir les manières d’agir du corps, vous vivrez.
En effet, tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu…
Et vous n’avez pas reçu un esprit d’esclavage, dit Paul, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père !
L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui afin de prendre aussi part à sa gloire."
(Romains 8.12-17)
La prédication de dimanche dernier nous a entrainés à citer Paul dans sa lettre aux Galates : "Ceux qui sont à Christ ont crucifié leur nature propre avec ses passions et ses désirs" (5.25). Une image forte, brutale même ! Et qui appelle une explication : "Paul ! Aide-nous à y voir plus clair ! " Eh bien ! Ce nouveau passage, ce matin, dans sa lettre aux Romains, va nous éclairer. Un avertissement pour commencer : ne vous trompez pas de débiteurs !
" Nous avons une dette, écrit Paul, mais pas envers notre nature propre, pour nous conformer à ces exigences." Frères et soeurs, nous avons une obligation, nous sommes débiteurs, c’est Paul qui le dit. Nous ne sommes pas redevables à notre corps mortel ; non ! L’Esprit, par contre, a fait quelque chose de très grand en nous et de ce fait, nous avons contracté une dette à son égard. Notre nature humaine, soumise au péché et à la mort, ne doit plus être la puissance qui dicte notre ligne de conduite ; ce n’est pas à elle de réglementer notre vie. Nous n’avons qu’une seule obligation en ce qui la concerne, dit l’apôtre : c’est de la tuer ! C’est un crime que nous avons le droit de commettre, le seul sans doute au monde : "Ceux qui sont à Christ ont crucifié leur nature propre avec ses passions et ses désirs" (5.25). Ma vieille nature n’est pas là pour que je lui obéisse, pour que je me laisse conduire par elle : elle est là pour que je la crucifie ! Et la vie du baptisé consiste précisément en cet acte permanent : crucifier la chair, "noyer le vieil homme", comme l’écrit Paul ailleurs.
Un rappel d’autant plus important qu’à l’heure actuelle, nous vivons dans une société permissive où les gens ont de plus en plus tendance à dire que, pour s’épanouir, pour se sentir bien dans sa peau, pour être heureux, "pour se réaliser", eh bien : il faut suivre ses impulsions ! L’apôtre Paul nous enseigne une autre doctrine que celle-là : "Si vous vivez en vous conformant à votre nature propre, dit-il, vous allez mourir, mais si par l’Esprit vous faites mourir les manières d’agir du corps, vous vivrez." Voilà aussi pourquoi être chrétien consiste presque toujours à nager contre le courant. Et à mener un combat ; cela aussi, c’est un mot biblique. La vie chrétienne est une vie de combat et de lutte. Mais nous savons que sur cette vie repose de grandes promesses : c’est en demandant au Seigneur de m’aider, en m’efforçant, par amour et gratitude, de faire sa volonté que l’Esprit forgera mon caractère et que je grandirai dans la sainteté, à l’image de mon Seigneur Jésus. Cette vie, je la choisi à sa suite parce que je sais qu’il y prend plaisir, et que sa bénédiction reposera sur moi. Cette vie ne cesse pas avec la mort, au contraire : elle s’épanouira dans la résurrection et remplira mon âme et mon corps. Cette vie, déjà présente en nous qui croyons, deviendra visible dans l’éternité.
Donc, ne nous trompons pas de débiteur ; c’est un avertissement. Puis vient l’explication. Car on pourrait demander : "Comment la présence et l’activité de l’Esprit en moi sont-elles les garants de ma vie éternelle ? " Paul répond maintenant à cette question : "En effet, tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont
fils de Dieu… " Frères et soeurs, si vous êtes conduits par l’Esprit, cela prouve que vous êtes enfants de Dieu. Quand on est gouverné par l’Esprit, on est nécessairement enfant de Dieu. Or, Paul va nous le dire dans un instant, si nous sommes enfants de Dieu, nous sommes aussi héritiers de Dieu -un enfant hérite de son père- et de quoi s’agit-il d’hériter ? De la vie éternelle.
Paul énonce ici une vérité générale : ceux qui font mourir les manières d’agir du corps, et qui sont conduits par l’Esprit prouvent ainsi qu’ils sont fils de Dieu. Ils sont nés de nouveau, ils ne vivent plus conformément à leur nature propre mais conformément à l’Esprit.
Remarquez bien cette expression particulière : "Etre conduit par l’Esprit." L’Esprit est notre guide, il est celui qui nous mène. Et je dirais : intérieurement et extérieurement ! Intérieurement parce qu’il nous donne un coeur nouveau, des pensées et une volonté nouvelle. Et extérieurement par ce que, avec ce coeur nouveau, nous allons mener une vie nouvelle. Cette soumission à l’Esprit est quelque-chose de spontané. Dieu a pu entrer dans mon coeur avec son immense amour, avec ses grâces et ses dons, il m’a libéré de la loi du péché et de la mort. Nous n’étions pas enfants de Dieu par nature, nous le sommes devenus, écrit Paul. Dieu nous a adoptés, il nous a donné le statut de fils. Nous sommes enfants de Dieu non pas en vertu de notre conduite, mais en vertu du pardon que nous a acquis le Seigneur Jésus.
On ne devient pas enfant de Dieu après avoir pratiqué un certain temps le droit et la justice : ce serait le salut par les oeuvres ! Nous sommes filles et fils de Dieu parce qu’il nous a pardonnés, et en nous pardonnant il nous a adoptés. C’est donc la justification qui fait de nous des enfants de Dieu. "Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ, écrit Paul aux Galates ; en effet, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ ! " (Ga 3.26-27). Fils de Dieu : non pas par notre sanctification, ni par notre conduite et nos oeuvres, mais par la foi en Jésus-Christ, comprise aussi dans l’eau du baptême. La filiation ou l’adoption est un don gratuit que l’on reçoit, que l’on ne peut mériter en aucune façon. Et le même Esprit-Saint, qui fait de nous des enfants de Dieu dans la conversion, fait aussi de nous des femmes et des hommes qui marchent de progrès en progrès dans la sainteté !
Après l’explication, un grand encouragement : car "vous n’avez pas reçu un esprit d’esclavage, dit Paul, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! " Abba, c’est de l’araméen et cela veut dire père. Nous sommes devenus, par la foi en Jésus-Christ, enfants de Dieu. Et cela va se traduire aussi par le comportement. Si je suis vivant de la vie que l’Esprit donne à ceux qu’il a convertis, cette vie se manifeste nécessairement.
Un petit enfant, par définition, aime son père et sa mère. Il a besoin d’eux. Il est béni par ses parents ; il leur doit beaucoup. Ses parents se consacrent à lui et lui témoigne leur amour, lui accorde protection et tout ce dont il a besoin. Et cela remplit le coeur de l’enfant de gratitude. Il est donc tout à fait normal qu’un enfant aime son père ! Malheur au fils qui n’aime pas son père : c’est un message constant dans l’Ecriture Sainte. Songez par exemple au livre des Proverbes et à tout ce qu’il nous dit sur les rapports entre parents et enfants : " Un enfant insensé fait le désespoir de son père", par exemple… Nous sommes enfants de Dieu, nous éprouvons pour Dieu ce qu’un enfant éprouve pour son père et nous allons l’appeler : "papa." Tout simplement. Ce mot veut exprimer notre affection, notre amour pour le père. Abba ! Ce qui signifie "Père !"
Avant l’adoption, nous étions dans la crainte, dit Paul ; nous éprouvions les sentiments de l’esclave : l’esclave redoute le châtiment, il obéit par contrainte et non par plaisir. Il obéit parce qu’il craint le bâton ! Nous avons reçu au contraire l’Esprit d’adoption : nous ne voulons plus agir comme nous le faisions autrefois, quand nous étions dominés par notre nature et ses passions, comme sous l’emprise d’un tyran…
Mais on pourrait objecter : pourquoi, dans ces conditions, la Bible dit-elle souvent que nous devons craindre Dieu ? "La crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse", dit le psaume 111 ! Et Paul écrit à l’Eglise de Philippes : " Mettez en oeuvre votre salut avec crainte et profond respect. En effet, c’est Dieu
qui produit en vous le vouloir et le faire pour son projet bienveillant" (Ph 2.12-13). Frères et soeurs, le mot grec veut exprimer deux sortes de sentiment. C’est tout d’abord la peur du serviteur ou de l’esclave ; le chrétien n’a pas à éprouver cette peur-là. Il n’a pas de raison de la ressentir. L’apôtre Jean écrit : "Il n’y a pas de peur dans l’amour ; au contraire, l’amour parfait chasse la peur, car la peur implique une punition" (1Jn 4.18). Cette peur-là est celle de l’esclave qui craint le châtiment. Mais le Saint-Esprit n’a pas pris possession de nous pour que nous agissions de cette façon ! C’est pourquoi le mot chez Paul exprime aussi la "crainte filiale." Il s’agit d’une crainte différente de la peur de l’esclave. La crainte de Dieu, c’est le sentiment que l’on éprouve devant quelqu’un pour lequel on a, à la fois, de l’amour et un immense respect. Un fils doit craindre son père… Il ne doit pas en avoir peur, mais le craindre, ce qui est tout à fait différent. Et voyez : devant l’Eternel, nous pouvons enfin dire "Père" à un Dieu que nous ne connaissions pas -ou que nous connaissions très mal- et qui, à la limite, nous faisait trembler… Maintenant, nous lui disons : "Tu es mon père." C’est formidable, cela !
Ce mot : "Père", nous le crions avec joie et confiance "par l’Esprit", écrit Paul. Autrement dit, c’est le Saint-Esprit qui nous fait prier ! Il n’y a pas de prière chrétienne possible sans le Saint-Esprit. Cette déclaration de l’apôtre bat en brèche ce qui est enseigné dans certains milieux, des exhortations du genre : "Il faut que tu pries, et pries, et pries, jusqu’à ce que le Saint-Esprit entre en toi ! " Mais c’est -passez-moi l’expression- complètement idiot ! Je ne peux pas prier pour que l’Esprit entre en moi puisque je ne peux prier qu’à partir du moment où l’Esprit est en moi ! La prière que Dieu écoute est impossible si le coeur n’a pas été régénéré, si l’homme n’est pas enfant de Dieu… L’homme naturel peut réciter de belles formules, c’est certain, mais il ne peut pas prier Dieu, parce qu’il ne peut le connaître, il ne peut avoir confiance en lui, il ne peut croire en lui ni le craindre. "Je crois que je ne peux, par ma raison et mes propres forces, croire en Jésus-Christ, mon Seigneur, ni aller à lui. Mais c’est le Saint-Esprit qui m’a appelé par l’Évangile", écrit Luther dans l’explication du troisième article du Credo. La prière chrétienne est une prière qui nous est, en quelque sorte, dictée par le Saint-Esprit. Dans la prière, c’est par lui que nous crions au Père tous les sentiments de notre âme, dans la joie ou la détresse…
Après l’explication et l’encouragement : une garantie. Paul ajoute : "l’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu." Si le Seigneur a su déposer dans mon coeur la certitude que je suis enfant de Dieu, c’est parce que son Esprit me l’affirme noir sur blanc dans sa parole et que sa parole est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit ! Il est évident que le témoignage du Saint-Esprit a lieu par l’Évangile : c’est par lui que Dieu nous rend certains de notre adoption. Donc, si nous nous posons des questions sur notre statut d’enfant de Dieu, sur notre avenir, sur l’éternité ou sur notre élection -parce qu’elle fait partie de notre certitude chrétienne- nous ne devons pas sonder notre nature propre -notre intelligence, notre sagesse humaine- mais nous attacher au témoignage que le Saint-Esprit nous donne dans la Bible ; car la Bible nous ouvre le coeur de Dieu.
Et voici maintenant la conclusion de l’apôtre : "Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui afin de prendre aussi part à sa gloire." Frères et soeurs, vous vous souvenez de l’image choc de Paul aux Galates : "Ceux qui sont à Christ ont crucifié leur nature propre avec ses passions et ses désirs" ; c’est de cette souffrance dont il s’agit ici. C’est aussi le fardeau que nous portons comme chrétien, au sein d’un couple, d’une famille, et plus généralement d’un monde hostile à la foi chrétienne. "Si le monde vous déteste, sachez qu’il m’a détesté avant vous", dit Jésus à ses disciples (Jn 15.18). Nous suivons donc le chemin de Jésus. Avant de monter, il faut savoir descendre… Cette souffrance, vécue à des degrés divers par chacun d’entre nous, atteste que nous sommes conduits par son Esprit.
Or, être enfant, nous dit Paul, c’est aussi être héritier -l’enfant est par définition héritier. Il en va des enfants de Dieu comme des enfants d’hommes : un enfant hérite toujours, et quand ce ne serait que d’une centaine d’euros sur un Livret A… Mais ce que ses parents ont pu accumuler dans leur vie, que ce soit
beaucoup ou peu, ils le lèguent automatiquement à leurs enfants. Bon je sais, il peut y avoir des exceptions, mais j’énonce ici une vérité générale. Ceci veut dire aussi qu’un héritage, cela ne se mérite pas : il y a des gens qui ont hérité des fortunes sans y avoir été pour rien ; ils ont simplement eu la chance d’être enfants de parents riches et n’ont rien fait pour mériter les millions qui leur ont été légués. Un héritage est un don qui est fait automatiquement aux enfants ; il en va de même de l’héritage céleste.
Cela mérite d’être souligné ! Si la vie éternelle est appelée "un héritage", cela prouve en soi, déjà, que la vie éternelle est un cadeau.
Et Paul fait encore ressortir la grandeur de cet héritage en précisant : nous sommes héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ. Nous appartenons à Dieu en tant qu’héritiers, et nous appartenons au Christ en tant que cohéritiers ! Dieu nous a adoptés, et il l’a fait en Christ. Jésus est l’héritier par excellence ; selon sa nature humaine, il a hérité de la gloire éternelle, d’un trône, d’un règne impérissable. Et le bonheur suprême de Jésus consiste à partager, à distribuer cet héritage si douloureusement acquis. Il nous associe à cet héritage, nous son Eglise, nous ses soeurs et ses frères, nous ses disciples. Et l’Esprit en est le témoin, car c’est lui qui nous unit à Jésus-Christ.
Nous sommes déjà héritiers. Nous sommes des princes ! Des rois ! Or, quand nous marchons dans la rue, les gens ne le voient pas. Et quand vous sortirez de ce temple et que vous rentrerez chez vous tout à l’heure, les gens que vous croiserez ne le verront pas non plus. Nous ne portons pas d’auréole, de sceptre ni de couronne, et pourtant nous sommes héritiers. Mais notre condition présente ne le manifeste pas encore.
L’homme qui se dit chrétien et dont le christianisme est invisible, qui se conforme à ce monde, qui nage avec le courant, qui fait comme si rien ne s’était passé dans sa vie n’est certainement pas un héritier de Dieu et un cohéritier de Christ… Il vit encore en réalité sous son ancien maître ; il se trompe de débiteur. Ce magnifique héritage doit nous inciter à vivre selon l’Esprit et non selon notre nature propre. Nous sommes gratifiés du pardon de nos péchés, notre nom est inscrit dans le livre de la vie, notre place est réservée dans la maison du Père : tout cela ne peut qu’avoir des répercussions sensationnelles sur notre existence ! Je ne peux pas être un élu, un saint, un enfant de Dieu, un héritier de la vie éternelle et glorieuse sans que cela change quelque chose dans ma vie ; sans que cela change tout dans ma vie ! Quand on porte une telle espérance dans le coeur, cela se traduit nécessairement par une vie appropriée.
Au bout du chemin, la gloire qui nous sera offerte dans le ciel sera la gloire du Christ : c’est dire combien cette gloire sera grande ; Dieu ne fait pas les choses à moitié ! Corps et âme, nous ressusciterons pour la vie éternelle, pour être couvert de la gloire qui est en Christ ! Amen.
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