Chers
frères et sœurs en Christ,
chers
amis,
Le
Notre Père commence par des idées très élevées. On y parle de la
sainteté du nom de Dieu, de sa volonté, de son royaume...Mais dans
la seconde partie, la prière s'oriente vers des réalités plus
pratiques qui sont pourtant loin d'être dénuées de spiritualité.
Aujourd'hui,
je voudrais que nous étudiions ensemble la première de ces
requêtes: « donne nous aujourd'hui notre pain de ce jour ».
Donc,
Jésus, après nous avoir dit de prier pour que le nom de Dieu soit
sanctifié, que son règne vienne et que sa volonté soit faite, nous
dit de demander à Dieu de nous donner ce dont nous avons besoin pour
notre vie physique. Cela fait écho à ces autres parole de Christ
« cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice et toutes
choses vous seront données en plus » Matthieu 6.33.
Je
voudrais ce matin que nous découpions cette prière pour en analyser
le contenu:
« Donne »
c'est
une prière de dépendance. Ultimement, tout ce que nous avons est un
don de Dieu. Cette prière reconnaît l'origine de notre pain.
Dieu
ne se contente pas de régner sur le domaine dit « spirituel ».
Il nous a créés être physiques, dotés de corps bien charnels qui
ont des besoins. Cette dimension physique n'est pas inférieure ou en
opposition avec l'aspect spirituel.
Beaucoup
de gens diraient que leur pain quotidien (aujourd'hui: leurs revenus)
viennent de leur travail, ou de leurs investissements même parfois.
Mais ce ne sont là en fait que des moyens temporaires par lesquels
Dieu déverse ses bénédictions sur nous. Oui, tu travailles dur et
tu gagnes un argent bien mérité. Mais qui t'a permis d'avoir un
travail? D'avoir la capacité de travailler? C'est ton Dieu; et
chaque cent que tu tires de ton labeur vient en fait de lui. La
première clé de cette requête est donc de se souvenir de la source
réelle des bénédictions matérielles que nous recevons: Dieu.
Nous
disons ensuite donne-nous aujourd'hui.
Cette
référence au pain de ce jour (pas celui de demain) est une allusion
à la manne. Après avoir quitté l'Égypte, le peuple se retrouva
dans le désert et commença à se plaindre amèrement: Dieu ne les
avait-ils pas abandonnés? Alors le Seigneur commença à leur
envoyer une nourriture sous forme de petites concrétions: la manne.
La manne tombait chaque matin avec la rosée. Chacun en avait assez
pour se nourrir au long du jour, mais il n'était pas possible de
faire des provisions car la manne pourrissait en 24 heures. Dieu a
ainsi appris à son peuple à lui faire confiance et à dépendre de
lui chaque jour.
Là
encore, cette prière fait écho à d'autres paroles de Jésus: « Ne
vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain prendra soin
de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. » (Matthieu 6.34)
Plus
globalement, je crois que Dieu nous invite à ne pas tomber dans un
piège trop courant: vivre dans le passé ou vivre dans le futur. Il
y a des gens qui vivent dans le passé; soit parce qu'ils regrettent
« le bon vieux temps » ou, plus souvent, parce qu'ils
n'ont pas surmonté d'anciens échecs ou des souffrances qui leur ont
été infligées il y a parfois des décennies!! Ils refusent de
pardonner ou de se pardonner. Mais le passé, c'est le passé et nous
ne pouvons vivre que dans le présent.
D'autres
vivent dans le futur. Parfois, c'est parce qu'ils sont toujours en
train de construire des projets grandioses qui n'arrivent jamais à
rien. Mais beaucoup plus souvent, le futur inquiète, il effraie. De
quoi demain sera t'il fait? Cette angoisse quant à l'avenir, elle
est paralysante, au niveau d'un individu, d'une société ou même
d'une église. Frères et sœurs, tous ces soucis sont vains. Comme
nous l'a dit notre Seigneur: « Qui de vous peut, par ses
inquiétudes, ajouter un instant à la durée de sa vie?» (Luc 12)
Le
Notre Père nous place donc dans une perspective particulière: celle
d'aujourd'hui; du maintenant où nous sommes appelés à pleinement
nous engager, oubliant ce qui est passé et laissant les lendemains
aux soins du Seigneur. Comme Luc le dit dans sa version du Notre Père
« donne-nous jour après jour notre pain quotidien ».
Jour après jour, pas à pas...Cela nous amène à une foi d'enfant,
une foi qui chaque jour se renouvelle et fait confiance à son Père.
Une foi qui nous permet de déposer toutes nos craintes et toutes nos
inquiétudes au pied de la Croix pour en être soulagé.
Par
ailleurs, nous prions donne nous ».
Encore
une fois, le Notre Père détruit cet excès d'individualisme qui a
fait tant de mal à nos sociétés. Il ne s'agit pas de prier en
disant « Seigneur, donne moi ce dont j'ai besoin, bénis ma
femme (ou mon époux), mes enfants, mon chien et mon petit mode de
vie de classe moyenne française du 21ème siècle ».
Les
bénédictions que nous demandons à titre individuel pour nous et
pour les nôtres, nous demandons au Tout-Puissant de les étendre sur
nos frères et sœurs en Christ et, plus largement, sur le monde
entier.
Enfin,
nous devons bien sûr parler du pain. Il y a bien sûr l'idée des
choses nécessaires à la vie. Dans notre langue, « gagner son
pain » et « gagner sa vie », c'est la même chose.
Pour Luther, l'idée de pain quotidien dépasse de loin la nourriture
et inclut « La nourriture, le vêtement, la demeure, le champ,
le bétail, le gain de chaque jour, une famille pieuse, de bons
maîtres et des serviteurs honnêtes, un bon gouvernement, des
saisons favorables, la paix, l'ordre, la santé, l'honneur, des amis
fidèles, de bons voisins, et en général toutes les choses
nécessaires à l'entretien de cette vie. »
Beaucoup
de choses, donc, mais des choses simples, de « première
nécessité », qui permettent de vivre une vie peut-être
simple, mais paisible. Nous demandons au Père de nous donner notre
pain quotidien: pas du luxe, du superflu ou du bling-bling. Ici, le
Notre Père nous invite à nous poser une question essentielle dans
notre société de consommation: de quoi avons-nous vraiment besoin
pour vivre et, surtout, pour être vraiment heureux...
Pour
conclure, quelques remarques:
Cette
partie du Notre Père nous fait réaliser que tout ce que nous avons
vient de Dieu, et elle nous invite donc à des vies de
reconnaissance. Rien n'est plus laid que l'ingratitude, et plus
encore l'ingratitude envers Dieu.
Deuxièmement,
cette partie du Notre Père cherche à nous enseigner le
contentement. Dans notre société, trop de gens cherchent à en
avoir « toujours plus ». Mais plus de quoi? De télés à
écran plat ou de sens à la vie? Dans l'Ancien Testament, nous
trouvons un prière d'Agur:
« Je
te demande deux choses (...):éloigne de moi la fausseté et le
mensonge, et ne me donne ni pauvreté ni richesse, mais accorde-moi
le pain qui m'est nécessaire!» (Proverbes 30.7-9)
On
pourrait reformuler ainsi: Dieu, débarrasse moi de tout ce qui est
faux dans la vie, et donne-moi ce dont j'ai besoin, pas plus, pas
moins parce que sinon je risque les écueils de l'orgueil ou du
désespoir. Voilà je crois une perspective intéressante sur
l'existence, dont nous pourrions tous nous inspirer.
Troisièmement,
cette partie du Notre Père nous invite à la confiance. Elle nous
invite à nous en remettre chaque jour à Dieu. Cela veut dire
arrêter de penser à ce que nous allons ou devons faire pour se
centrer sur ce que Dieu va faire. Et cela veut entrer dans une
dimension où l'on s'attend à qu'un Dieu vivant écoute notre prière
et y réponde d'un point de vue très matériel.
Enfin,
cette partie du Notre Père nous invite à nous souvenir que si nous
sommes bénis, c'est aussi pour bénir à notre tour. Là encore, on
entre dans un aspect très pratique de notre foi (ou de notre manque
de foi d'ailleurs). Il est clair que Dieu nous demande de consacrer
une partie de ce qu'il nous a donné pour « le service de son
Église et de nos frères ». Si nous ne le faisons pas ou si
nous le faisons d'un cœur chagrin, ou si notre offrande n'est qu'une
aumône, nous montrons que nous n'avons par encore compris ce que
veut dire faire confiance à Dieu et obéir à sa sainte volonté.
Oui, nous sommes bénis pour bénir, ne l'oublions pas. Et prenons
garde à cette parole de l'apôtre: mon
Dieu pourvoira à tous vos besoins conformément à sa richesse, avec
gloire, en Jésus-Christ. (Philippiens
4.19)
Croyons-le,
et demandons au Père de nous donner notre pain quotidien.
Amen.
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