dimanche 23 mars 2014

JEAN 4.5-26

5 Jésus arriva dans une ville de Samarie appelée Sychar, près du champ que Jacob avait donné à son fils Joseph.
6 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, était assis au bord du puits. C'était environ midi.
7 Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit: «Donne-moi à boire.» 8 En effet, ses disciples étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. 9 La femme samaritaine lui dit: «Comment? Toi qui es juif, tu me demandes à boire, à moi qui suis une femme samaritaine?» - Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains. -
10 Jésus lui répondit: «Si tu savais quel est le cadeau de Dieu et qui est celui qui te dit: 'Donne-moi à boire', tu lui aurais toi-même demandé à boire et il t'aurait donné de l'eau vive.»
11 «Seigneur, lui dit la femme, tu n'as rien pour puiser et le puits est profond. D'où aurais-tu donc cette eau vive?
12 Es-tu, toi, plus grand que notre ancêtre Jacob qui nous a donné ce puits et qui a bu de son eau, lui-même, ses fils et ses troupeaux?»
13 Jésus lui répondit: «Toute personne qui boit de cette eau-ci aura encore soif.
14 En revanche, celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.»
15 La femme lui dit: «Seigneur, donne-moi cette eau afin que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici.»
16 «Va appeler ton mari, lui dit Jésus, et reviens ici.»
17 La femme répondit: «Je n'ai pas de mari.» Jésus lui dit: «Tu as bien fait de dire: 'Je n'ai pas de mari', 18 car tu as eu cinq maris et l'homme que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit la vérité.»
19 «Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète.
20 Nos ancêtres ont adoré sur cette montagne et vous dites, vous, que l'endroit où il faut adorer est à Jérusalem.»
21 «Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
23 Mais l'heure vient, et elle est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. En effet, ce sont là les adorateurs que recherche le Père.
24 Dieu est Esprit et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité.» 25 La femme lui dit: «Je sais que le Messie doit venir, celui que l'on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera tout.»
26 Jésus lui dit: «Je le suis, moi qui te parle.»


Chers frères et sœurs en Christ,
chers amis,

Vous connaissez peut-être le livre de Georges Orwell « La Ferme des Animaux ». L'histoire ressemble un peu à un comte de fées, mais est en fait une allusion à un certain régime politique. Dans l'histoire, tous les animaux d'un ferme chassent le fermier et sa famille et prennent possession de la ferme. Ils veulent une vie meilleure, sans exploitation par les humains et ont la grande vision que tous les animaux sont égaux et que la propriété doit être partagée entre tous. Très vite cependant, les cochons prennent le contrôle des choses et l'un d'eux, Napoléon, devient le chef de tous les animaux. C'est un tyran, et la notion d'égalité est vite oubliée tandis que les cochons commencent à dominer sur tous les autres, les utilisant à leur profit et éliminant ceux qui ne sont plus utiles.
Je pense que chacun d'entre nous a connu l'amère expérience d'être utilisé, manipulé et exploité par d'autres. Nous essayons d'être gentils, mais on est loin de nous en être reconnaissant et nous sommes jetés comme un vieux kleenex. Il est aussi reconnu que ceux qui ont connu cette expérience tendent à devenir amers et très méfiants, par peur d'être de nouveau blessés. Ils érigent des barrières autour d'eux, évitent de s'engager dans des relations par peur d'être de nouveau utilisés et bafoués.

C'est à la lumière de toutes ces choses que j'aimerai que nous considérions l'évangile de ce dimanche, et notamment cette femme qui vient au puits et la façon dont Jésus agit envers elle.

La plupart du temps, nous voyons en cette femme, une femme “légère”, sans doute pas particulièrement recommandable. Une femme qui passe d'un mariage à un autre, d'un homme à un autre, qui n'est même pas mariée à l'homme avec lequel elle vit. On a beaucoup glosé sur sa morale défaillante, sur sa “vie sentimentale” plus que discutable. Cette femme, comme chacun d'entre nous, n'est sans doute pas un ange, mais je crois qu'il y a plus en elle que l'image que nous nous sommes construite.
Je pense que cette femme a été maltraitée et abaissée. Elle est donc divorcée cinq fois et vit avec un sixième homme. Mais, ce dont il faut se souvenir, c'est qu'à l'époque de Jésus, c'est l'homme qui divorce de sa femme, et pas le contraire.
Un homme pouvait divorcer au moindre prétexte: il lui suffisait d'estimer qu'il y avait quelque chose d'inconvenant en elle. Ce pouvait être ce à quoi elle ressemblait le matin au réveil, le fait qu'elle ait fait brûler le repas ou qu'elle ait répondu de façon un peu vive à une de ses remarques. La procédure de divorce était simple: l'époux n'avait qu'à appeler un témoin masculin et rédiger une note de divorce. Il n'y avait bien sûr à l'époque aucun avantage au divorce pour une femme, puisqu'elle se retrouvait seule et sans ressources. Si elle avait des enfants, elle devait les abandonner et les laisser à son mari.
Une femme divorcée perdait tout statut et considération dans la communauté. Elle devenait une exclue, souvent rejetée par sa propre famille. Personne n'allait eployer une divorcée, et les autres femmes se méfiaient des divorcées, vues comme des femmes de peu. Dans ces conditions, beaucoup de femmes divorcées n'avaient d'autre recours que de se livrer à la prostitution et de devenir la maîtresse d'un autre homme. Faisons donc attention, car nous pensons trop souvent en savoir plus sur cette femme que ce que le texte dit. Ce n'est très clairement pas une sainte, mais les choses sont sans doute plus compliquées qu'il n'y paraît.

Cette femme qui vient au puits ce jour-là n'est plus que l'ombre de ce que Dieu l'avait créée pour être. Elle a sans doute été utilisée par des hommes, et elle est de façon certaine mérpisée par les femmes. C'est certainement pour cela qu'elle vient au puits seule, au plus chaud de la journée: pour éviter les regards mauvais et les remarques blessantes.
Elle ne sait pas, cette femme, que cette corvée d'eau va ce jour là changer sa vie. Elle rencontre un homme. Un homme différent, qui ne l'évite pas, qui engage la conversation avec elle. Un homme qui ne la considère pas comme une pestiférée.
Il est facile pour nous d'oublier à quel point Jésus détruit ici les barrières et les convenances. Aucun juif normal ne serait passé par la Samarie, pays d'une ethnie métissée et détestée (détestation d'ailleurs réciproque!!). Aucun juif respectable n'aurait parlé à une femme en public. Aucun juif n'aurait demandé une coupe d'eau à une samaritaine impure.
Mais Jésus honore cette femme, en lui parlant, plutôt qu'en faisant semblant de croire qu'elle n'existe pas. C'est que Jésus a pour habitude de rendre leur dignité à ceux qui n'en ont plus. Cette femme est peut-être une moins que rien au yeux de beaucoup, mais pour Jésus, elle a du prix, de l'importance!
La femme sent la chaleur dans la voix de cet homme, et elle se sent encouragée à répondre
“excuse-moi, j'ai bien entendu? Tu es un juif et tu me demandes à boire? Tu n'as pas de coupe, est-ce que tu serais prêt à boire de la coupe d'une Samaritaine? Je ne comprends pas”
Voilà une personne qui lui parle, elle qui n'a plus de relations depuis longtemps,
La semaine dernière, nous avons entendu l'histoire de Nicodème, un Pharisien, un monsieur très bien, une homme poeux à tous égards. Nicodème vient voir Jésus de nuit et à la fin de leur échange, nous ne savons pas trop comment il répond à l'affirmation de Jésus qu'il faut “naître de nouveau” (ou “d'en haut”). Il trouve difficile de comprendre ce que Jésus dit et ce qu'il offre.
Dans notre histoire de ce dimanche, c'est tout l'inverse: la recontre se fait en plein soleil, et Jésus n'a pas en face de lui un homme respecté mais une femme très mal vue. Et vous savez quoi? Cela ne fait aucune différence pour Jésus. Il engage une conversation qui va changer la vie de cette femme.
Jésus passe de l'eau physique du puits à une autre eau, bien plus importante
«Toute personne qui boit de cette eau-ci aura encore soif.
En revanche, celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.»
C'est là le coeur de notre texte. La femme ne saisit d'abord pas pleinement le sens de ces paroles, mais je pense qu'elle comprend le coeur de l'homme qui lui parle. Cette femme rejetée sent le respect et l'amour chez celui qui lui offre ce que personne ne peut donner: la vie éternelle.

C'est sans doute pour cela qu'elle ne se réfugie pas dans ses retranchements quand Jésus lui montre qu'il connaît les aspects les moins clairs de sa vie. Elle était venue puiser de l'eau, tout simplement, et elle recontre l'amour de Dieu qui lui donne (à elle, la rejetée, la moins que rien aux yeux des autres et sans doute même à ses yeux) l'eau vive de la vie éternelle.

Par son passage en Samarie et par cette rencontre, Jésus enseigne aussi une leçon à ses disciples. Il leur montre que les Samaritains aussi peuvent être sauvés. Et si les Samaritains peuvent être sauvés, cela veut dire que les Romains, les Grecs, les prostituées, les gens de mauvaise vie peuvent l'être aussi. Personne n'est hors d'atteinte de la grâce de Dieu. Jésus est venu pour tous les hommes et pour toutes les femmes, quelques soient leur statut social, leur ethnie, le regard que les autres jettent sur eux.

Pouvons-nous voir ce qui arrive dans ce récit? Jésus savait tout de cette femme: sa vision de la religion, sa nationalité, l'histoire de ses mariages; sa vie avec un autre homme, son exclusion. Il savait tout cela et il parle à cette femme comme à une personne digne de respect, d'affection. Une personne appelée à recevoir le plus grand don de Dieu: la vie éternelle!
Quand la culpabilité nous atteint parce que nous cédons encore et toujours aux mêmes tentations
quand nous faisons des choix qui s'avèrent mauvais
quand nos relations avec les autres se dissolvent
quand nous en avons assez de la façon dont les autres nous traitent
quand nous sommes frustrés et découragés de ne rien voir qui nous semble positif en nous et dans nos vies
quand notre foi est en crise parce que nous avons l'impression qu'elle ne sert à rien
quand nous nous reprochons notre tièdeur à servir Jésus
quand nous sentons que les choses nous échappent

n'est-il pas bon et réconfortant de lire l'histoire de cette Samaritaine qui rencontre son Seigneur et qui trouve en lui quelqu'un qui l'aime et qui l'accepte.
Nous pouvons nous déprécier, mais pour Jésus, nous sommes infiniment précieux. Nous pouvons n'avoir personne vers qui nous tourner, mais soyez certains que Jésus est là pour nous ouvrir les bras, nous accueillir et nous recceuillir. La Bonne Nouvelle, c'est que c'est lui qui fait le premier pas; c'est lui qui, comme avec la Samaritaine, engage la conversation. Il vient à nous pour que nous puissions venir à lui.

Nous pouvons aller plus loin, et penser à tous ces “Samaritains” qui vivent à côté de nous, dans nos villes et nos villages. Tous ces gens pour lesquels l'église doit largement ouvrir ses portes et qu'elle doit surtout aller chercher “au bord des puits”: c'est à dire là où ils vivent, avec leurs vrais problèmes, tels qu'ils sont. Christ est mort pour eux et il leur offre l'eau de la vie éternelle.
Le drame est qu'il ne le savent pas et trop souvent les chrétiens ont été plus prompts à juger qu'à laisser la grâce de Dieu ouvrir nos yeux et nous coeurs devant les autres.
C'est vrai: Jésus vient à nous pour que nous puissions venir à lui. Mais ce n'est pas tout: Jésus vient à nous pour que nous puissions aller vers les autres.



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