Si Dieu m'a Christ pour chef donné, Faut-il que je serve autre maître ? S'il m'a le pain vif ordonné, Faut-il du pain de mort repaître ?
S'il me veut sauver par sa dextre, Faut-il en mon bras me fier ? S'il est mon salut et mon être, Point n'en faut d'autre édifier.
S'il est mon seul et sûr espoir, Faut-il avoir autre espérance ? S'il est ma force et mon pouvoir Faut-il prendre ailleurs assurance ?
Et s'il est ma persévérance, Faut-il louer ma fermeté ? Et pour une belle apparence, Faut-il laisser la sûreté ?
Si ma vie est en Jésus-Christ, Faut-il la croire en cette cendre ? S'il m'a donné son saint écrit, Faut-il autre doctrine prendre ?
Si tel maître me daigne apprendre, Faut-il à autre école aller ? S'il me fait son vouloir entendre, Faut-il par crainte le celer ?
Si Dieu me nomme son enfant, Faut-il craindre à l'appeler père ? Si le monde me le défend, Faut-il qu'à son mal j'obtempère
Si son esprit en moi opère, Faut-il mon courage estimer ? Non, mais Dieu, qui partout impère*, Faut en tout voir, craindre et aimer.
Marguerite de Navarre
* impère : règne
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