lundi 3 décembre 2007

1er dimanche de l'Avent

Néhémie, chapitre 8 : 1-13


Frères et sœurs, le livre que nous ouvrons ce matin décrit une période extrêmement agitée. Les descendants d’Israël ont été dispersés : les uns en exil à Babylone – la capitale des Assyriens – les autres réfugiés en Egypte…
Jérusalem, la glorieuse cité de David et de Salomon, se relève péniblement de ses ruines. Le temple, sujet de toute la fierté du peuple, est resté détruit pendant cinquante ans ! Que s’est-il donc passé ? Un bref retour en arrière s’impose…
586 avant Jésus-Christ. Après deux décennies de sièges, d’invasions, d’occupations diverses, Jérusalem est finalement détruite. Nébucadnetsar, roi de Babylone, incendie le temple, les palais et déporte le reste des habitants. Bien plus : l’occupant installe dans les maisons laissées vides des familles d’origine étrangère, elles-mêmes déportées de leur propre pays. La population de Judas se trouve donc extrêmement mélangée…
Cinquante ans après, Cyrus le Perse renverse l’empire assyrien. La Bible nous dit que ce conquérant avait été l’instrument de Dieu pour délivrer son peuple. Très rapidement, il autorise les Hébreux à retourner dans leur pays d’origine et – surtout – à reconstruire le temple de Jérusalem ! Pourtant, il faudra encore attendre près d’un siècle – nous sommes à présent vers 440 – pour que Néhémie rebâtisse la muraille.
Néhémie, c’est l’homme des grands chantiers, celui qui va relever à la fois l’honneur et la ville sainte du peuple de Dieu. Il « sécurise » le périmètre de Jérusalem en reconstruisant le mur d’enceinte. Le passage d’aujourd’hui raconte la fin de ces travaux : la tâche à accomplir est encore immense mais on se sent enfin chez soi. Alors, on organise une grande fête qui commence, comme il se doit, par la lecture du livre de la loi.
Chers amis, ce récit du fond des âges nous est très proche sous certains aspects. J’en ai relevé quatre qui rappellent la situation que nous vivons aujourd’hui en France.

Premièrement : une carence de la Parole de Dieu.

L’exil et la déportation ont privé le peuple élu de ses repères pendant plusieurs dizaines d’années. Ces hommes et ces femmes n’ont plus qu’un très vague souvenir de ce que furent les valeurs de leurs pères. Leurs pratiques religieuses sont empruntes du paganisme des peuples qui les ont asservis. Ils se retrouvent sans lois définies pour organiser leur vie sociale ; sans projet d’avenir capable de provoquer une mobilisation et un élan…
Comment ne pas faire le parallèle avec le siècle qui commence, avec les fruits d’une laïcité mal comprise qui a totalement écarté le message biblique de l’enseignement et de la vie publique d’une façon générale ? L’école publique a éradiqué de son sein la transmission des valeurs chrétiennes et la voici qui s’alarme, à l’aube du 21e siècle, du manque de civisme des écoliers, de la perte du sentiment de citoyenneté, du caractère blasé d’une jeunesse qui n’a plus d’idéal ! Interrogez les adolescents : vous vous retrouvez souvent face à une population ignorante de ses racines, à qui tout un pan de notre patrimoine culturel et artistique est devenu inaccessible. Ils se retrouvent ballottés dans un monde où l’argent, les études, les loisirs, le sport sont les uniques moteurs de leurs ambitions. Remarquez que toutes ces nouvelles idoles induisent un comportement profondément égocentrique, où toute morale se résume à la quête de satisfactions personnelles. Dès lors, comment s’étonner des ravages que provoquent cette vision individualiste et matérialiste sur tous les laissés-pour-compte de la société, du refuge qu’ils trouveront dans la violence, l’alcool ou la drogue ?
La loi inspirée par Dieu plaçait au contraire, au-dessus de toute autre considération, la protection des petits, des sans défense. Aujourd’hui, les lois semblent faites par les forts pour protéger les intérêts des puissants. Aujourd’hui, le seul idéal qui nous est proposé est un paradis de consommateurs : le bonheur se limite à sentir bon, à rester jeune, à perdre ses kilos superflus avant les fêtes et à se payer un voyage sous les tropiques ! Plus de projets collectifs, disparus les rêves d’un monde différent parce que plus fraternel, où il ne serait plus nécessaire de fabriquer des armes et d’apprendre à se battre. Le déficit en idéal que nous constatons dans les pays occidentaux est bien une conséquence de la distance que nous avons prise avec la Bible.

Deuxième réflexion : ce passage nous rappelle que nos bibles ne sont pas des « objets
magiques ».

Je m’explique.
Le peuple déporté a non seulement été privé du culte, mais aussi privé de sa langue. Au retour de l’exil à Babylone, beaucoup ne parlaient plus l’hébreu – la langue de la Bible et de leurs pères – mais l’araméen, la langue des envahisseurs. Ils écoutent donc Néhémie – depuis l’aube jusqu’à midi – mais comment pourraient-ils comprendre ? Leur attitude est très rituelle : ils répondent « Amen ! » en levant les mains, et ils se mettent à genoux…
Mais voici que des prêtres s’emparent du micro et traduisent la Loi de Dieu, afin que chacun puissent comprendre ce qui venait d’être lu. C’est là, seulement, que le miracle se produit. Les gens fondent en larmes ! On n’arrive plus à les arrêter. Le saint Esprit provoque en eux la repentance : ils prennent conscience de leur péché et de la responsabilité de leurs ancêtres dans le désastre de leur nation.
Ainsi, frères et sœurs, la Bible n’est pas un livre magique, en ce sens qu’elle ne produit aucun résultat si elle n’est pas comprise. A l’heure où il est envisagé la réintroduction du latin dans certaines paroisses, « La foi vient de ce qu’on entend – dit Paul à l’Eglise de Rome- et ce qu’on entend vient de la parole de Christ » ! C’est elle qui provoque en nous le vouloir et le faire, le dégoût du péché et la persévérance chrétienne. La Bible est donc le premier missionnaire à condition d’utiliser des versions qui soient compréhensibles par les gens auxquels nous nous adressons. Bien plus : la lecture de la Bible ne doit jamais devenir un rituel. Savoir en réciter des versets est certainement une bonne chose, mais nous avons surtout à saisir le sens d’une Parole de Dieu pour aujourd’hui, pour notre vie, pour notre église et pour le monde. Cette parole, c’est vrai, va révéler les zones sombres de nos comportements. Toutes les œuvres des ténèbres pour lesquelles, précisément, Jésus-Christ a donné sa vie. Toutes les pensées, les paroles et les actions qui, jusque là, nous semblaient sans gravité, et dont nous réalisons – grâce à Dieu – qu’elles conduisent à la mort. Ces oeuvres inspirées par le prince de ce monde, mais réduites à néant par le Seigneur des lumières ! Cette parole met au jour nos péchés, oui, mais elle nous révèle aussi toute la perfection de notre salut ! Elle peut – dans certains cas - fonctionner comme une véritable thérapie pour reconstruire des personnalités blessées par la vie. Elle peut nous permettre de repartir sur des bases différentes, de reconstruire même sur des ruines, comme le peuple de Judas au retour de l’exil !

Troisièmement : la Bible doit être expliquée et enseignée.

Avez-vous remarqué l’information dans ce passage ? « Les lévites lisaient dans la Loi de Dieu et expliquaient au fur et à mesure, de façon posée et distincte, afin que chacun puisse comprendre ce qu’ils avaient lu » (verset 8).
Les pasteurs d’Israël ne se contentent pas de traduire la Bible en araméen, la langue du peuple. Ils lui donnent aussi les clefs pour comprendre ! C’est le principe même de nos études et de nos sermons : une lecture commentée de la Bible, une mise en perspective des textes, la proposition d’une lecture cohérente de l’Ecriture. Le peuple de Juda réalise alors le lien entre sa situation actuelle et la volonté de Dieu. Son histoire prend du sens à travers l’explication des lévites. Et tout devient clair : l’alliance offerte par Dieu à Abraham, sa promesse d’une descendance « aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel» retrouvent sa place comme fondement de leur identité. L’engagement du Seigneur à préserver un « petit reste » de ce peuple rebelle lui donne la mesure de sa fidélité. Les prophéties annonçant la venue d’un enfant roi - dont la souveraineté donnera la paix et durera toujours- orientent le regard de tout un peuple vers l’horizon de son salut !
Pour beaucoup de gens qui sont aujourd’hui coupés de toute église, et qui n’ont jamais reçu d’enseignement, la Bible reste mystérieuse et pleine de contradictions. Mais aujourd’hui comme hier, Dieu sait créer des circonstances particulières pour les mettre en présence de sa Parole. Alors, le rôle des pasteurs et des diacres, qu’ils soient prédicateurs ou enseignants, n’est pas tant de faire de l’explication de textes, que d’accompagner les lecteurs de la Bible pour montrer sa cohérence, l’unité de son message, par-delà les différences formelles d’un livre à l’autre. Il s’agit de donner à comprendre le projet de Dieu qui se dégage à travers l’Ancien et le Nouveau Testament, d’amener les lecteurs à réaliser comment leur histoire personnelle s’inscrit dans ce grand projet de Dieu que la Bible dévoile.
A nous de les saisir !
Souvenez-vous de l’exemple de Zachée (Luc 19). Toute la ville était en effervescence. Tout ce qu’elle comptait d’honnêtes gens était venu accueillir Jésus, et cela criait peut-être déjà : « Béni soit le roi qui vient de la part du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire à Dieu ! » Ce jour-là, Zachée aurait dû rester chez lui. Cela faisait un bout de temps qu’on ne le voyait plus à la synagogue. Compter l’argent des autres lui avait fait perdre de vue la vraie richesse : celle qui a les promesses de la vie éternelle. Mais le petit homme est sorti de chez lui ! Bien sûr, l’idée de croiser l’un ou l’autre ne l’enchantait pas vraiment mais quelque-chose en lui disait que c’était le moment : Jésus n’avait jamais été aussi proche… Il était temps ! Le Seigneur l’interpelle et lui demande l’hospitalité. Murmure d’indignation dans l’assemblée, preuve que les plus fidèles ne sont pas toujours les plus aimants. L’histoire nous dit que Zachée reçut Jésus avec joie. C’est aussi ce que dit Esdras au peuple dans notre passage : « Ne vous affligez donc pas, car la joie que donne l’Eternel est votre force » !

Enfin, dernier point de comparaison, la parole de Dieu produit des résultats visibles.

Après les larmes de la repentance, il nous est dit : « tous allèrent manger et boire, faire porter des parts aux pauvres et organiser de grandes réjouissances. Car ils avaient bien compris les paroles qu’on leur avait enseignées »…
Ne croyez pas que cela a été facile ! Néhémie et les prêtres durent beaucoup insister pour les arracher à cet abattement provoqué par le dégoût du péché. Mais lorsque vous entendez que Dieu fait grâce, lorsque l’Esprit se sert de la Parole pour vous donner la certitude que vous êtes aimés, beaucoup aimés, passionnément aimés, cela vous change un homme !
Une telle transformation nous rappelle, bien sûr, les premières pages de l’Eglise chrétienne ; « le peuple s’attachait à écouter l’enseignement des apôtres ; Ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leurs repas dans la joie, avec simplicité de cœur » (Actes 2, 46).
On parle ici d’une convivialité nouvelle. Les gens se mettent à partager la nourriture. Comment exprimer plus clairement la révolution qui est en train de se produire ! Ces rescapés, uniquement préoccupés par leur survie, font preuve de générosité, parce qu’ils se découvrent un avenir commun. L’Eglise prend ainsi tout son sens quand on décide de bâtir avec Dieu un monde différent, où la loi n’est pas celle du plus fort, où les exclus sont réintégrés, où les étrangers sont considérés comme une chance et non comme une gêne, où chacun a droit au travail, où les anciens méritent le respect… La Parole enseignée par Néhémie a suscité non seulement un nouvel espoir en l’avenir, mais très concrètement, elle a rapproché les gens et leur a donné envie de marcher ensemble vers cet avenir.

Que ce temps de l’Avent qui commence soit pour chacun d’entre-nous le temps privilégié de l’écoute, de la compréhension et du partage ! Que l’Esprit renouvelle nos pensées et nous fasse rechercher son enseignement, pour notre salut et celui de nos proches ! Amen !

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