lundi 31 mars 2008

1 Pierre 1.3-9

L’apôtre Pierre écrit cette lettre près de 30 ans après la mort et la résurrection de Jésus. Il s’adresse à des chrétiens qui doivent vivre dans l’hostilité de la société envers leur foi. Pour ces croyants, la question est la même que celle que nous nous posons aujourd’hui : comment faire face aux temps difficiles dans lesquels nous vivons, et comment le faire dans la paix, la joie, et en étant « remplis du fruit de justice qui vient par Jésus-Christ à la gloire et à la louange de Dieu » (Phil. 1.11) ?

Nous avons vu, lors du dimanche des Rameaux, l’appel de Paul à avoir la même attitude que Jésus (Phil. 2.5). Et Pierre nous invite, nous aussi, à cette vie qui prend Jésus comme modèle, qui le reflète au cœur de l’existence quotidienne. Il s’agit d’aimer Dieu et notre prochain. Et, pour cela, Pierre écrit quelque chose qui peut nous donner la puissance d’aimer.
Relisons le v. 3 « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Conformément à sa grande bonté, il nous a fait naître de nouveau à travers la résurrection de Jésus Christ pour une espérance vivante ». Ce que Pierre veut donner à ses frères qui passent par les épreuves, c’est l’espérance. Si nous voulons vraiment pouvoir ressembler à Jésus, si nous voulons vraiment pouvoir aimer, il faut que nous soyons remplis d’une espérance vivante.

Mais cette espérance vivante, en quoi consiste t’elle ?

Elle n’a rien à voir avec celle dont nous parlons quand nous disons « j’espère que le taux de chômage va baisser » ou « j’espère que j’aurai mon examen ». Dans ce sens, l’espoir ou l’espérance est un désir que certaines choses se passent, mais sans garantie qu’elles se produisent vraiment. Cela n’a rien à voir avec l’espérance dont parle Pierre. Quand Pierre dit « mettez toute votre espérance dans la grâce qui vous sera apportée lorsque Jésus apparaîtra », Pierre ne dit pas que le retour de Christ arrivera peut-être, si tout se passe bien. L’apôtre dit au contraire par là que nous pouvons être absolument certains que le Seigneur revient plein de grâce pour son peuple (voir aussi Héb 6.11). L’espérance au sens biblique, c’est donc l’assurance que Dieu va nous bénir et nous garder dans le futur.
Mais remarquez que cette espérance est vivante. Vivante parce qu’elle agit, qu’elle est fertile, parce qu’elle apporte des changements dans nos vies.

Comment connaître cette espérance ?

La première partie de la réponse se trouve au v.3. Notre espérance vient de notre nouvelle naissance, et cette nouvelle naissance s’enracine en partie dans la résurrection de Jésus. La nouvelle naissance, c’est ce qui se produit quand l’Esprit Saint nous amène à recevoir par la foi le don du salut, quand nous pouvons dire « je sais que Jésus est mort pour moi ». Mais, il s’est écoulé près de 2000 ans entre ma nouvelle naissance et la résurrection de Jésus. Quel est le lien ?
Ce lien, il se trouve en 1.23-25 « En effet, vous êtes nés de nouveau, non pas d’une semence corruptible, mais d’une semence incorruptible, grâce à la parole vivante et permanente de Dieu, car toute créature est comme l’herbe, et toute sa gloire comme la fleur des champs. L’herbe sèche et la fleur tombe mais la parole du Seigneur subsiste éternellement ». C’est la Parole de Dieu qui relie la résurrection et nos propres vies, c’est elle qui nous apporte le message de l’Evangile « Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Ecritures ; il a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Ecritures » (1 Co 15.3-4). Jésus pourrait être mort et ressuscité mille fois, cela ne changerait rien pour nous si cette nouvelle ne nous était pas apportée par le témoignage des apôtres

Qu’est-ce que ça change pour moi ?

Comment est-ce que tout cela peut me donner une espérance vivante ?
Tout d’abord, quand je sais que Jésus est bien ressuscité, je sais qu’il est vivant, je sais aussi qu’il est avec moi tous les jours, jusqu’à la fin du monde, quelques soient les circonstances de ma vie.
Et si je sais que Jésus est bien ressuscité, je sais que ce qui est dit de sa mort est vrai : Christ a donné sa vie pour ses amis (Jn 15.13), il a donné sa vie en rançon pour beaucoup (Mc 10.45). La résurrection de Jésus nous prouve que nos péchés ont bien été lavés par le sang de Jésus (1 Co 15.17), et si toutes mes fautes ont été lavées, Dieu n’est plus contre moi, mais avec moi : je n’ai plus rien à craindre !! (Ro 8.31-34)
Et c’est quand nous réalisons vraiment cela que nous naissons de nouveau, quand l’Evangile vient bouleverser notre vie et la réorienter radicalement. Alors nous sommes de nouvelles créatures, et c’est cela qui nous permet d’aimer

La puissance pour aimer

Relisons 1 Pierre 1.13-15 « C’est pourquoi, tenez votre intelligence en éveil, soyez sobres et mettez toute votre espérance dans la grâce qui vous sera apportée lorsque Jésus apparaîtra. En enfants obéissants, ne vous conformez pas aux désirs que vous aviez autrefois, quand vous étiez dans l’ignorance. Au contraire, puisque celui qui vous a appelé est saint, vous aussi soyez saint dans toute votre conduite ».
Notre conduite s’aligne sur nos désirs. A présent que nous connaissons la grâce de Dieu, notre état d’esprit change, et cela nous ouvre les portes à une vie d’amour. Comment ?
Tout d’abord, si nous avons l’espérance, si nous savons que Dieu est avec nous, nous allons être capable de faire face à la vie dans la paix, que les choses soient faciles ou non. Et, à ce moment-là, nous allons être prêts et disponibles pour aimer les autres.
Deuxièmement, nous allons naturellement, même si c’est de façon imparfaite, tendre à imiter Jésus. C’est normal, on ne peut pas imaginer que quelqu’un reçoive le grand amour que Dieu donne en Christ sans avoir aussi envie d’en témoigner auprès des autres.

Tel est le fruit d’une espérance vivante dans nos vies, frères et sœurs. Sachons la saisir et l’entretenir en nous nourrissant tous les jours de la Parole de Dieu.

dimanche 23 mars 2008


icône orthodoxe (Russie)
Pâques 2008
Jésus est réssuscité,
alleluia!!

vendredi 21 mars 2008

Culte de vendredi saint
21 mars à 20h30
au temple de Prailles
Culte du matin de Pâques
27 mars à 10h30
au temple de Prailles
Cordiale invitation à toutes et à tous.

dimanche 9 mars 2008

Ezéchiel 37.1-14, 5ème dimanche du carême

Mes chers amis,

Lorsque le prophète Ezechiel reçoit cette vision si puissante, Israël a atteint le point le plus bas de son histoire. Cette masse d’os disjoints, c’est le peuple de Dieu. Les Israëlites ont été écrasés par les forces de l’empire de Babylone. Ils ont perdu leur terre et ont été exilés. Le Temple a été détruit. Les sacrifices ont été abolis. Le peuple hébreu n’est plus qu’une infime partie opprimée d’un empire qui prétend à la domination universelle.
Alors, bien sûr, l’écrasement paraît total, tout idée de recours semble dérisoire. Les dieux des Babyloniens les ont aidés, Israël paraît avoir été abandonné par l’Eternel. Et le message que Dieu demande à Ezechiel de prononcer est en fait une réponse à la plainte des Israëlites : « nos os sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes anéantis » (v. 11). « Notre espérance est détruite », voilà ce que les Israëlites ressentent : il n’ y a plus de vie en eux, plus d’espoir pour eux. D’un point de vue humain, tout semble perdu. Et quand à la question du Seigneur « Fils de l’homme, ces os pourront-ils revivre », Ezechiel répond « Seigneur Eternel, c’est toi qui le sais », on peut se demander si, au-delà d’une pieuse prudence qui fait mine de tout remettre à Dieu, il n’y a pas dans l’esprit du prophète un doute plus ou moins caché sur la capacité du Seigneur à agir.
Or, Dieu va aller au cœur du drame de son peuple. IL connaît leur sort. Il voit, il sait, qu’ils n’ont plus d’espérance. Et il va agir. Il va faire souffler son Esprit sur les ossements et leur rendre chair et vie. Redonner à Israël une identité et l’espoir paraît aussi impossible que de faire revivre un squelette démembré : c’est pourtant ce que Dieu va faire.
Comment ? En faisant souffler sur eux son esprit (v. 5, 14). C’est là quelque chose d’essentiel. Dieu agit en nous par son Esprit. Nous savons, bien sûr, que c’est lui qui nous ouvre le sens de la Bible, qui nous assure de la présence de Christ dans nos vies. Mais il y a plus. L’Esprit de Dieu qui vient habiter dans le cœur des croyants leur communique les pensées de Dieu. Ce n’est plus notre esprit, mais l’Esprit du Seigneur qui forme la vision que nous avons de notre vie et de ce que nous devons faire. Ca n’est même plus nous qui le faisons, mais c’est l’Esprit qui nous y entraîne, cet Esprit qui, pour reprendre le vieux texte chrétien est « Seigneur et donne la vie ». La vie, la vraie vie, vient lorsque souffle sur nous cet Esprit Saint qui vient de Dieu par les quatre vents. Par les quatre vents, de toutes les directions, parce que le Seigneur veut nous en couvrir, nous en remplir car il sait que nous en avons besoin. Il sait que sans lui, nous ne sommes spirituellement que des squelettes et que les difficultés, les épreuves ou les désillusions ont pu saper notre espérance et nous amener, desséchés, au fons de la vallée.

Mais Dieu, pourrait-on dire, ne s’arrête pas là. Il veut redonner la vie et l’espoir à son peuple, et il le fait par l’Esprit. Mais l’Esprit est en fait ici un instrument, un serviteur. Car le second grand thème de notre passage, c’est la capacité à reconnaître la présence et l’action de Dieu. Cela se retrouve trois fois dans notre texte : « Vous reconnaîtrez alors que je suis l’Eternel » (v.6, 13, 14). Le drame le plus profond du peuple d’Israël était que Dieu semblait les avoir abandonnés, qu’il semblait s’être éloigné pour toujours, qu’il n’était peut-être pas aussi puissant que les dieux des Babyloniens. Dieu rassure son peuple : je suis là, je suis l’Eternel votre Dieu, vous êtes toujours mon peuple (v.12) et je vais me faire reconnaître par vous. Je vais manifester ma présence et ma force dans le drame de votre exil et de votre défaite, et je vais vous relever. « Vous reconnaîtrez que, moi l’Eternel, j’ai parlé et agi » (v.14), toujours cette insistance sur cette parole créatrice de Dieu qui dit : Ayez confiance en moi, retrouvez votre espérance, parce que l’espérance permet de revenir à la vie.

Quelqu’un a dit que l’espérance proclame que l’apparence actuelle des choses est fragile et trompeuse. Après tout, 50 ans après Ezechiel, l’empire de Babylone s’était déjà effondré. C’est, je crois, un des défis pour l’église aujourd’hui : ne pas être prisonnière du passé mais aussi ne pas se laisser décourager par un présent difficile. C’est vrai, l’église est en crise en Occident. C’est vrai, toutes nos communautés peinent à exprimer la foi dans le monde actuel, et surtout auprès des jeunes. C’est vrai, les paroisses rapetissent, la moyenne d’âge augmente. C’est vrai, les vocations se font rares. Et pourtant, porter le deuil sur notre aujourd’hui, c’est se fermer à nos lendemains.
Beaucoup parlent de l’avenir de l’église. On organise des rencontres, on écrit des livres (souvent en oubliant d’en consulter un, le Nouveau Testament, qui pourrait être utile), on élabore des stratégies ou on en importe. Mes amis, tout cela sera inutile et vain si notre vision et notre espoir ne viennent pas de Dieu lui-même, si nous ne laissons pas son Esprit parler à nos églises et y apporter la semence d’une vie nouvelle.

Notre paroisse va devoir, au cours de cette année 2008 prendre des décisions capitales sur son avenir. Il faut qu’elle les prenne non pas tant autour d’une table à une assemblée générale qu’à genoux dans la prière. Peut-être qu’une certaine forme de vie d’église est appelée à disparaître. Peut-être qu’on ne sera pas chrétien de la même façon dans 20 ans qu’en 1950. Peu importe. L’essentiel, c’est que Dieu nous parle, que nous entendions sa voix portée par son esprit pour nous laisser guider vers des lendemains qui seront les siens. Avons-nous faim et soif de voir Dieu se manifester dans nos vies et dans celle de l’église ? Avons-nous soif de cette espérance que Dieu veut nous donner pour nous porter ? Sommes-nous prêts à laisser l’Esprit souffler des 4 vents, quitte à ce qu’il vienne de directions inattendues ? Croyons-nous que Dieu peut faire vivre ces os ? Croyons-nous qu’il est déjà en train de le faire ?

jeudi 6 mars 2008

Sermons

MEDITATION DE CAREME

Le temps de Carême est donné à chaque chrétien pour se souvenir de l’amour dont Dieu l’a aimé. En effet, pendant le premier Carême s’est réalisé ce que Jean avait annoncé : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle. » (Jean 3 : 16).

Pour nous préparer à la Passion du Christ méditons particulièrement le verset 21 de la deuxième épitre aux Corinthiens au chapitre 5 : « Celui qui n’a point connu le péché, il l’a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu »

Jésus a vécu, faisant le bien, et puis, après trois ans d’un ministère d’amour et de compassion, il a gravi le calvaire pour y mourir afin que quiconque cherche la paix du cœur et de l’esprit puisse la trouver au pied de la croix. Tous ceux qui viennent à lui sont arrachés à la vie creuse, insipide et inutile de ce monde, pour être faits hommes et femmes responsables. Du percepteur détesté, il fait un apôtre du don de soi, de la prostituée il fait une femme dont l’existence tout entière est une preuve de la vie nouvelle inaugurée en elle quand le Christ l’a rencontrée et qu’il a fait d’elle une enfant de la grâce de Dieu.

Dans toute l’histoire humaine, Jésus est le seul « qui n’a pas connu le péché ». Sa pureté donne le vertige ; pourtant il se fait infiniment proche de chacun, de la même façon que, cloué à la croix, abandonné et insulté par la foule, il écoute le criminel crucifié à ses côtés, arrache son âme à l’enfer pour l’introduire au paradis de paix et de gloire. Personne n’a pu lui reprocher quoique ce soit ; Le Sanhédrin a dû soudoyer de faux témoins contre lui. C’était le seul moyen de pouvoir condamner Jésus à mort. Ponce Pilate, le gouverneur romain, s’est présenté à la foule, sur le balcon de son palais ; il s’est lavé les mains devant tous en affirmant : « J’ai bien examiné cet homme et n’ai rien trouvé à lui reprocher. » Tous ceux qui se sont ainsi approchés de Jésus ont été persuadés qu’il accomplissait la volonté de Dieu en parfaite obéissance à sa Loi.

Ce que Jésus a fait pour nous, nul autre ne pouvait le faire. Il nous a acquis le total pardon de Dieu. A cause de lui nous échappons à la condamnation qui nous frappait. Le salut accompli par la croix du Christ nous fait justes. Dieu nous accueille. Saint Paul dit que « nous avons été faits justice de Dieu en Christ ». Tout ce que Christ a fait est porté à notre crédit tandis que nous contemplons la croix du Christ. Quand Dieu nous regarde dans la lumière de la croix, il nous voit plus blancs que la neige. « Quand nos péchés seraient comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; quand ils seraient rouges comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la laine » (Esaïe 1 :18).

Cette rédemption de la croix nous fait justes. Elle ne signifie pas ni n’implique que nous soyons innocents ; mais plutôt que les pécheurs que nous sommes ne sont plus tenus pour responsables de leur méchanceté. Notre culpabilité ne nous est plus « imputée » parce que Jésus s’est substitué à nous. Il pouvait faire cela parce qu’il n’y avait pas de péché en lui. Aucune créature ne pouvait le faire ; seul Jésus en était capable parce qu’il était le Fils de Dieu, fait chair et pourtant impeccable.

Tandis que nous adorons la croix de Golgotha, nous sommes purifiés et restaurés dans la grâce. « Quiconque croit en lui ne périra pas, mais il aura la vie éternelle."

Méditation du Pasteur Marc Amilhat.

lundi 3 mars 2008

Jean 9, méditation du troisème dimanche de Carëme

Mes chers amis,

Nous arrivons à la moitié de notre chemin de carême. C’est, traditionnellement, une saison de l’année liturgique où les chrétiens sont invités à réfléchir sur le péché, sur sa gravité, sur sa réalité dans nos vies et dans le monde et, ultimement, à se souvenir jusqu’où Jésus a dû aller pour effacer notre péché : sur la croix. Réfléchir, dis-je, parce qu’il vaut mieux que nous restions prudents quand nous abordons cette question.


Prenez par exemple les disciples de Jésus lorsqu’ils croisent cet aveugle : qui a péché, cet homme ou ses parents pour qu’il soit né aveugle ? En posant cette question, les disciples montrent qu’ils partagent l’opinion courante à l’époque selon laquelle une épreuve (ou une maladie, ou la pauvreté) était forcément le résultat d’un péché de la personne concernée. En l’occurrence, cette attitude existe encore aujourd’hui. Laissez-moi vous donner un exemple : après les attaques du 11.09.01, certains leaders évangéliques ont affirmé que les attaques terroristes étaient une punition envoyée par Dieu sur l’Amérique pour la punir de ses péchés. De façon très commode, les péchés ainsi punis étaient ceux que ces hommes n’avaient pas arrêté de dénoncer depuis des années (homosexualité, liberté sexuelle).Le problème principal de cette méthode est que, dans la Bible, ceux qui s’y essaient échouent à chaque fois. Mais c’est tellement mieux de pouvoir pointer du doigt, de dire « il l’a quand même un peu cherché. Si ça lui arrive, c’est quand même qu’il a dû faire quelque chose de mal (et tant mieux que ce ne soit pas moi) ».
Je crois que cette attitude reflète deux problèmes fondamentaux et très graves. D’une part, une incapacité de la part des personnes qui se livrent à ce petit jeu malsain à considérer la réalité et la gravité de leurs propres péchés. D’autre part, une attitude, qu’on peut presque qualifier de blasphématoire, qui consiste à se comporter comme si l’on se trouvait dans le secret du plan de Dieu, comme si ses pensées étaient nos pensées et ses voies nos voies. C’est une façon de réduire Dieu à notre taille, de dire « si j’étais Dieu, j’agirai comme ça, et je punirai ces gens qui le méritent bien ».


Jésus, lui, balaie complètement la question de ses disciples. Il fournit une des armes les plus puissantes de la Bible contre l’idée que les malheurs correspondent forcément à des péchés précis. La cécité de cet homme peut trouver sa cause première dans le fait que toute la création est soumise à la corruption du péché, et que cela implique les maladies, mais elle n’est pas le résultat d’un péché spécifique. Il invite ses disciples à se détourner de ces questions oiseuses et à se recentrer sur la mission que le Père a confiée à Jésus. Il guérit l’homme. ET en le guérissant, il fait un peu comme ces joueurs de rugby qui, d’un coup de pied, envoient le ballon loin, très loin dans le camp de l’équipe adverse pour qu’elle courre après et se désorganise. Ici, Jésus envoie la balle dans le camp de l’équipe de la religion, qui joue sous le maillot pharisien.

C’est là que commence une procédure d’interrogatoires menés par les Pharisiens. On peut dire que la scène est parfois un peu comique, avec de l’ironie, des allées et venues, bref, on serait tenté de ne voir là qu’une version antique du théâtre de boulevard. Et pourtant, il s’agit de choses sérieuses. Parce que, ce que les Pharisiens veulent faire, c’est trouver contre Jésus un nouvel angle d’attaque. Cela est révélateur de l’état d’esprit pharisien, et plus largement d’une certaine mentalité religieuse :
-au lieu de se réjouir qu’un homme ait retrouvé la vue, les Pharisiens commencent une véritable enquête. Cela montre leur manque de cœur et de compassion.
-au lieu de rendre gloire à Dieu, ils vont tout faire pour nier que Jésus est bien l’envoyé du Seigneur. Il ne peut pas, il ne doit pas l’être, parce qu’il va à l’encontre des règles des Pharisiens. C’est un pécheur ! Il a rompu le Sabbat ! Voilà qui est typique de la religiosité : enfermer Dieu dans une boîte, le domestiquer, lui interdire, de façon pratique, d’agir selon son plan souverain.
Les Pharisiens font tout pour retomber sur leurs pieds. Certains d’entre eux reconnaissent même qu’il est difficile, devant un tel miracle, de nier que Jésus vienne de Dieu (v.16). Alors, on va chercher à démonter l’histoire. Est-on sûr que l’homme soit bien né aveugle ? Ses parents, bien qu’effrayés, ne peuvent nier la vérité : oui, leur fils est né aveugle (v.18-23). Raté. Alors, on revient au début : Jésus est un pécheur, donc il ne peut pas avoir accompli un tel miracle. Et c’est l’ex-aveugle lui-même qui doit pointer du doigt à quel point les Pharisiens s’enfoncent « Jamais on a entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle-né. Si cet homme ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire » (v.32-34). C’est le dernier clou sur le cercueil de la pitoyable tentative des Pharisiens de nier l’évidence qui se présent clairement à eux.
Alors, frustrés, aigris, ils chassent l’homme, l’homme qui après tout n’est qu’un « pécheur », comme Jésus, parce que, bien sûr, les Pharisiens, eux, ne le sont pas.


A présent, mettons-nous pour l’instant à la place de cet homme. Sa vie vient de changer de façon dramatique lorsque Jésus lui a permis de voir. Et la première chose qui lui arrive dans cette nouvelle vie, c’est d’être chassé de la synagogue, excommunié, condamné à une mort sociale peut-être encore pire que la cécité, alors même qu’il n’est pas un disciple de ce Jésus qu’il n’ a jamais vu. Il n’a fait que dire la vérité sur ce qui s’est passé. Nous-même, en tant que témoins du Christ, nous pouvons parfois nous attendre à nous retrouver en porte-à-faux parce que nous allons contre certaines traditions, certains conformismes religieux.

C’est à ce moment-là que Jésus vient « terminer » le travail dans l’existence de cet homme. En fait, la partie la plus important du travail reste à faire. Quand il croise l’ancien aveugle, Jésus ne prend pas de nouvelles de sa santé. Il ne lui demande pas comment il se sent après s’être fait expulser de la synagogue. Sa question est « crois-tu au Fils de Dieu ? » (v.35). Voyez-vous, même si l’homme a reconnu en Jésus un prophète venu de Dieu, cette découverte doit s’enraciner dans la réalité complète de qui Jésus est véritablement. Il est le Fils de l’Homme, la Lumière du Monde. L’homme en doit pas simplement savoir que le Fils de Dieu existe : il doit mettre sa foi en lui. Et si l’homme se prosterne pour adorer Jésus, c’est parce qu’il a compris qu’il a en face de lui beaucoup plus qu’un prophète : son Sauveur. Jésus n’a pas seulement donné à l’homme la vue physique, il lui a aussi donné la vue spirituelle. Ironiquement, l’ex-aveugle « voit »mieux la réalité que les Pharisiens qui se croient capables de percer les réalités de l’âme.

C’est ainsi que Jésus se révèle dans ce texte : comme celui qui est envoyé par Dieu pour donner la lumière, pour vaincre notre cécité, nous faire prendre conscience de notre état naturel et pour nous faire saisir l’immensité de l’amour de Dieu pour nous.
C’est lui, et lui seul, qui peut nous ramener à ce qui est central : travailler au plan de Dieu et faire sa volonté. Alors, nous pourrons recevoir ces choses nouvelles que le Seigneur accomplit en nous et pour nous.