dimanche 9 mars 2008

Ezéchiel 37.1-14, 5ème dimanche du carême

Mes chers amis,

Lorsque le prophète Ezechiel reçoit cette vision si puissante, Israël a atteint le point le plus bas de son histoire. Cette masse d’os disjoints, c’est le peuple de Dieu. Les Israëlites ont été écrasés par les forces de l’empire de Babylone. Ils ont perdu leur terre et ont été exilés. Le Temple a été détruit. Les sacrifices ont été abolis. Le peuple hébreu n’est plus qu’une infime partie opprimée d’un empire qui prétend à la domination universelle.
Alors, bien sûr, l’écrasement paraît total, tout idée de recours semble dérisoire. Les dieux des Babyloniens les ont aidés, Israël paraît avoir été abandonné par l’Eternel. Et le message que Dieu demande à Ezechiel de prononcer est en fait une réponse à la plainte des Israëlites : « nos os sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes anéantis » (v. 11). « Notre espérance est détruite », voilà ce que les Israëlites ressentent : il n’ y a plus de vie en eux, plus d’espoir pour eux. D’un point de vue humain, tout semble perdu. Et quand à la question du Seigneur « Fils de l’homme, ces os pourront-ils revivre », Ezechiel répond « Seigneur Eternel, c’est toi qui le sais », on peut se demander si, au-delà d’une pieuse prudence qui fait mine de tout remettre à Dieu, il n’y a pas dans l’esprit du prophète un doute plus ou moins caché sur la capacité du Seigneur à agir.
Or, Dieu va aller au cœur du drame de son peuple. IL connaît leur sort. Il voit, il sait, qu’ils n’ont plus d’espérance. Et il va agir. Il va faire souffler son Esprit sur les ossements et leur rendre chair et vie. Redonner à Israël une identité et l’espoir paraît aussi impossible que de faire revivre un squelette démembré : c’est pourtant ce que Dieu va faire.
Comment ? En faisant souffler sur eux son esprit (v. 5, 14). C’est là quelque chose d’essentiel. Dieu agit en nous par son Esprit. Nous savons, bien sûr, que c’est lui qui nous ouvre le sens de la Bible, qui nous assure de la présence de Christ dans nos vies. Mais il y a plus. L’Esprit de Dieu qui vient habiter dans le cœur des croyants leur communique les pensées de Dieu. Ce n’est plus notre esprit, mais l’Esprit du Seigneur qui forme la vision que nous avons de notre vie et de ce que nous devons faire. Ca n’est même plus nous qui le faisons, mais c’est l’Esprit qui nous y entraîne, cet Esprit qui, pour reprendre le vieux texte chrétien est « Seigneur et donne la vie ». La vie, la vraie vie, vient lorsque souffle sur nous cet Esprit Saint qui vient de Dieu par les quatre vents. Par les quatre vents, de toutes les directions, parce que le Seigneur veut nous en couvrir, nous en remplir car il sait que nous en avons besoin. Il sait que sans lui, nous ne sommes spirituellement que des squelettes et que les difficultés, les épreuves ou les désillusions ont pu saper notre espérance et nous amener, desséchés, au fons de la vallée.

Mais Dieu, pourrait-on dire, ne s’arrête pas là. Il veut redonner la vie et l’espoir à son peuple, et il le fait par l’Esprit. Mais l’Esprit est en fait ici un instrument, un serviteur. Car le second grand thème de notre passage, c’est la capacité à reconnaître la présence et l’action de Dieu. Cela se retrouve trois fois dans notre texte : « Vous reconnaîtrez alors que je suis l’Eternel » (v.6, 13, 14). Le drame le plus profond du peuple d’Israël était que Dieu semblait les avoir abandonnés, qu’il semblait s’être éloigné pour toujours, qu’il n’était peut-être pas aussi puissant que les dieux des Babyloniens. Dieu rassure son peuple : je suis là, je suis l’Eternel votre Dieu, vous êtes toujours mon peuple (v.12) et je vais me faire reconnaître par vous. Je vais manifester ma présence et ma force dans le drame de votre exil et de votre défaite, et je vais vous relever. « Vous reconnaîtrez que, moi l’Eternel, j’ai parlé et agi » (v.14), toujours cette insistance sur cette parole créatrice de Dieu qui dit : Ayez confiance en moi, retrouvez votre espérance, parce que l’espérance permet de revenir à la vie.

Quelqu’un a dit que l’espérance proclame que l’apparence actuelle des choses est fragile et trompeuse. Après tout, 50 ans après Ezechiel, l’empire de Babylone s’était déjà effondré. C’est, je crois, un des défis pour l’église aujourd’hui : ne pas être prisonnière du passé mais aussi ne pas se laisser décourager par un présent difficile. C’est vrai, l’église est en crise en Occident. C’est vrai, toutes nos communautés peinent à exprimer la foi dans le monde actuel, et surtout auprès des jeunes. C’est vrai, les paroisses rapetissent, la moyenne d’âge augmente. C’est vrai, les vocations se font rares. Et pourtant, porter le deuil sur notre aujourd’hui, c’est se fermer à nos lendemains.
Beaucoup parlent de l’avenir de l’église. On organise des rencontres, on écrit des livres (souvent en oubliant d’en consulter un, le Nouveau Testament, qui pourrait être utile), on élabore des stratégies ou on en importe. Mes amis, tout cela sera inutile et vain si notre vision et notre espoir ne viennent pas de Dieu lui-même, si nous ne laissons pas son Esprit parler à nos églises et y apporter la semence d’une vie nouvelle.

Notre paroisse va devoir, au cours de cette année 2008 prendre des décisions capitales sur son avenir. Il faut qu’elle les prenne non pas tant autour d’une table à une assemblée générale qu’à genoux dans la prière. Peut-être qu’une certaine forme de vie d’église est appelée à disparaître. Peut-être qu’on ne sera pas chrétien de la même façon dans 20 ans qu’en 1950. Peu importe. L’essentiel, c’est que Dieu nous parle, que nous entendions sa voix portée par son esprit pour nous laisser guider vers des lendemains qui seront les siens. Avons-nous faim et soif de voir Dieu se manifester dans nos vies et dans celle de l’église ? Avons-nous soif de cette espérance que Dieu veut nous donner pour nous porter ? Sommes-nous prêts à laisser l’Esprit souffler des 4 vents, quitte à ce qu’il vienne de directions inattendues ? Croyons-nous que Dieu peut faire vivre ces os ? Croyons-nous qu’il est déjà en train de le faire ?

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