dimanche 31 juillet 2011

ESAIE 55.1-13



Vous tous qui avez soif, venez vers l'eau, même celui qui n'a pas d'argent! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du lait sans argent, sans rien payer! 2 Pourquoi dépensez-vous de l'argent pour ce qui ne nourrit pas? Pourquoi travaillez-vous pour ce qui ne rassasie pas? Ecoutez-moi vraiment et vous mangerez ce qui est bon, vous savourerez des plats succulents.
3 Tendez l'oreille et venez à moi, écoutez donc et vous vivrez! Je conclurai avec vous une alliance éternelle *pour vous assurer les grâces promises à David.
4 Je l'ai établi comme un témoin pour les peuples, comme un guide et un chef pour eux.
5 Tu appelleras des nations que tu ne connais pas, et des nations qui ne te connaissent pas accourront vers toi à cause de l'Eternel, ton Dieu, du Saint d'Israël, parce qu'il te donne sa splendeur. 6 Recherchez l'Eternel pendant qu'il se laisse trouver! Faites appel à lui tant qu'il est près!
7 Que le méchant abandonne sa voie, et l'homme injuste ses pensées! Qu'il retourne à l'Eternel: il aura compassion de lui. Qu'il retourne à notre Dieu, car il pardonne abondamment.
8 En effet, vos pensées ne sont pas mes pensées et mes voies ne sont pas vos voies, déclare l'Eternel. 9 Le ciel est bien plus haut que la terre. De même, mes voies sont bien au-dessus de vos voies, et mes pensées bien au-dessus de vos pensées.
10 La pluie et la neige descendent du ciel et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l'avoir fécondée et avoir fait germer ses plantes, sans avoir *fourni de la semence au semeur et du pain à celui qui mange.
11 Il en va de même pour ma parole, celle qui sort de ma bouche: elle ne revient pas à moi sans effet, sans avoir fait ce que je désire et rempli la mission que je lui ai confiée.
12 Oui, vous sortirez dans la joie et vous serez conduits dans la paix. Les montagnes et les collines éclateront en cris de joie devant vous et tous les arbres de la campagne battront des mains. 13 Au lieu des buissons épineux poussera le cyprès, au lieu de l'ortie poussera le myrte, et cela contribuera à la réputation de l'Eternel, ce sera un signe éternel qui ne disparaîtra jamais.

Chers frères et soeurs,

chers amis,

Est-ce que je peux vous faire une confidence? Le texte que nous venons de lire est un de mes passages favoris dans la Bible. En fait, il contient une phrase qui m'a toujours intrigué depuis que je l'ai lue pour la première fois: « les armes de la campagne battront des mains ».
Cette expression, je la trouve formidable. Bien sûr, elle nous apprend qu'il est quand même ridicule d'interpréter de façon littérale toute la Bible. Après tout, à ma connaissance, il n'y a que dans le livre de Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, qu'il existe des arbres qui ont des mains (et des pieds d'ailleurs). Ceci dit, je doute que le prophète Esaïe avait lu Le Seigneur des Anneaux, donc il faut aller chercher l'explication ailleurs.
Esaïe s'adresse à des juifs exilés (déportés) à Babylone après la défaite de leur pays. Il annonce un futur que Dieu va bâtir, un futur de joie, une joie tellement intense, tellement englobante que pour la décrire il faut imaginer que même les arbres battront des mains et que les collines pousseront des cris d'allégresse. 

 

Et cela me fait réfléchir sur le rôle de la joie dans notre foi. Il y a quelques semaines, lors de notre cercle biblique à Melle, nous avons étudié le récit du jour de la Pentecôte. Vous vous souvenez sans doute qu'à un moment, Pierre assure aux gens que les disciples, qui viennent de recevoir l'esprit saint, ne sont pas saouls, car il n'est que 9 heures du matin. Et je dois bien vous dire que cette remarque de l'apôtre nous a fait bien rire, tant elle semble décalée par rapport à l'évènement. Un certain christianisme a toujours eu un problème avec le rire, avec la joie. Dans le film Le Nom de la Rose, le bibliothécaire du monastère fustige ses moines qui ont été pris d'une crise de rire:
« un moine ne doit pas rire car seul rit le crétin...le rire est un souffle diabolique qui déforme les traits et fait ressembler l'homme au singe.
-les singes ne rient pas. Le rire est le propre de l'homme répond le franciscain Guillaume de Baskerville
-comme le péché rétorque l'abbé, le Christ n'a jamais ri »
-est-ce une certitude?
-rien dans les Ecritures n'établit qu'il ait ri
-rien dans les Ecritures n'établit qu'il n'ait pas ri! »

En l'occurence, il me semble difficile de lire les Evangiles et de concevoir un Jésus qui n'ait pas ri. Méfiez-vous de ceux qui ne croient pas en un Christ riant...

Hélas, il est vrai que trop de chrétiens ont cru que le sentiment de joie et une foi sérieuse étaient incompatibles. C'est déjà une erreur, et elle est en plus presque toujours accompagnée d'un esprit légaliste, un esprit de jugement.

Cette image de sévère austérité reste collée à l'Eglise. Quand on demande aux gens de décrire les chrétiens, le premier adjectif qui leur vient en tête est « judgemental »: « celui qui juge les autres ».
Cela est sans doute en partie injuste. Cela est aussi sans doute mérité, nous devons l'admettre. Le drame du christianisme est d'être devenu une religion, alors qu'il était à l'origine une relation avec Dieu. Or, le propre de la religion, c'est de préférer connaître ce qui est bien et ce qui est mal plutôt que de connaître Dieu.

Cela, le théologien Dietrich Bonhoeffer l'avait bien compris. Dans un de ces livres, il suggère que le péché originel a été de préférer la connaissance du bien et du mal à la connaissance de Dieu. Vous voyez, il y avait deux arbres très important dans le jardin d'Eden: le serpent a dit à Adam et Eve de goûter au fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal pour devenir comme Dieu. Mais il y avait un autre arbre. L'arbre de vie. Et pourtant, nous avons choisi d'abandonner la connaissance de Dieu pour la connaissance du bien et du mal. C'est ce que Boenhoffer appelle la « chute ascendante ».

Nous avons choisi de nous éloigner de Dieu, de ne plus le mettre au centre, mais de nous y placer nous-mêmes. Car à partir du moment où l'humain connaît le bien et le mal, il n'a plus d'excuses, il se retrouve condamné, parce qu'il sait ce qui est bien et il fait ce qui est mal. Et je pense que c'est cette conscience de la faute qui a créé cette religiosité du jugement. Parce que, soyons honnêtes, il est quand même plus facile de juger les péchés des autres que de nous repentir des nôtres. Et pourtant, qu'ils sont difficiles à supporter tous ceux qui voit la paille dans l'oeil de leur voisin sans prendre garde à la poutre qu'ils ont dans leur oeil!
Cet esprit de jugement, nous tendons même à l'attribuer à Dieu. Combien de gens n'ont-ils pas été élevés dans l'idée d'un Dieu qui ne serait qu'un terrible Père Fouettard cosmique? Combien sont-ils à avoir quitté l'Eglise à cause de cette horrible et fausse idole?
Cette idée, elle peut même influencer la façon dont nous lisons la Bible. Pensez par exemple à la parabole du semeur, qui a été lue dans nos cultes il y a quelques semaines seulement. Il est facile de la lire comme la parabole des terrains. Selon ce que le terrain produit, nous sommes portés au jugement. Mais l'idée maîtresse de cette parabole n'en reste pas moins que Dieu sème sa parole d'amour et de réconciliation à pleines brassées, sans limitations. Lire la parabole ainsi, c'est faire le choix d'une lecture de la joie.

Frères et soeurs, notre vie est trop courte, trop sacrée, trop cruelle parfois aussi pour que nous nous permettions de faire l'impasse sur la joie. Dans les ateliers de relation d'aide, on pousse les gens à se découvrir eux-mêmes, et une question qui est souvent posée est « est-ce que vous préférez être heureux ou avoir toujours raison? »
Parfois, nous voulons tellement avoir raison que nous en oublions la joie. C'est typique de tous ces chrétiens qui ont la certitude d'être toujours dans le vrai, que ce soit les fondamentalistes du Sud des USA ou des libéraux progressistes arrogants, peu importe: ces gens se prennent tellement au sérieux qu'ils n'ont plus le temps de s'ouvrir à la joie. Je ne suis pas en train de vous dire que la vérité et la joie sont deux choses incompatibles. Mais il faut aussi se rappeler que seuls Dieu et sa Parole ont toujours raison. Que cela nous laisse de temps pour être joyeux.

En parlant d'avoir raison: vous savez; parfois, les traducteurs de nos Bibles sont amenés à faire des choix. C'est ainis qu'au verset 11, Dieu évoque sa parole qui « ne revient pas à moi sans effet, sans avoir fait ce que je désire »
En fait, le mot hébreu qui est traduit par « ce que je désire » (mon plan) peut être rendu d'une autre façon, comme le fait la Bible Darby: « elle ne reviendra pas à moi sans effet, mais fera ce qui est mon plaisir ».
Mon plaisir, ce qui fait mes délices...ma joie!
Et je pense que compte-tenu de l'éclat général de ce passage, de son foisonnement, cette traduction doit être préférée, car elle cadre mieux. Dieu assure qu'il va mener son projet à terme, malgré l'exil, malgré la défaite, il va quand même, au moment voulu, envoyer le Sauveur qu'il a promis: Jésus-Christ. Jésus, qui comme va venir nous libérer comme Dieu va libérer les exilés de Babylone. Jésus qui va venir nous nourrir de son corps et de son sang, comme Dieu promet aux exilés des plats succulents. Et il va le faire, pas seulement parce que c'est ce qu'il a décidé, mais parce que cette oeuvre lui apporte de la joie.

Et bien sûr, une question se pose: comment les exilés à Babylone ont-ils pu comprendre cette parole qui leur était adressée? N'oublions pas que c'était des gens qui avaient tout perdu, leur pays, leurs biens, et qui avaient l'impression que Dieu les avait totalement abandonnés à leur sort.
Très honnêtement, est-ce qu'il n'y a pas un décalage indécent entre leur réalité et le message du prophète? Est-ce que l'annonce de ces versets ne peut pas être comparée à l'envoi d'une troupe de clowns à Buchenwald en 1943? Mais le problème d'Esaïe n'était pas qu'il était un fanatique exalté sans lien avec la réalité ou un être incapable d'analyse.
Esaïe était un prophète, qui avait été envoyé vers un peuple et le travail du prophète c'est de voir plus loin, plus haut. C'est d'ouvrir les esprits et les coeurs de ceux vers lesquels il est envoyé à une autre dimension, à donner une dimension sacrée à leur imagination. A rappeler, comme le fait Esaïe ici, que Dieu prend plaisir en nous, que le fait de nous ramener à lui lui donne de la joie. Est-ce que vous vous souvenez de Proverbes 8.31? La Sagesse de Dieu (Sophia) s'y décrit comme « jouant avec le monde, avec la terre, et trouvant mes délices parmi les humains. »

Oui, je crois que le défi que ce texte nous lance ce matin, c'est d'arriver à nous représenter un Dieu joyeux qui veut nous donner la joie. Comme la sagesse de Dieu, puissions-nous trouver nos délices parmi nos frères humains, parce que nous saurons voir dans leurs visages celui de notre Père.
Puissions-nous être auprès d'eux les témoins de ce Dieu que nous connaissons, un Dieu qui veut bannir en nous tout esprit de jugement parce que lui seul est parfaitement juste. Un Dieu dont la Parole agit, aujourd'hui encore, dans vos vies, dans le monde, dans l'univers entier et accomplit ce qui fait sa joie: faire de nous le peuple des arbres qui battent des mains et des collines qui poussent des cris de joie.

Béni soit le Dieu de la joie.


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