dimanche 5 février 2012

2 Rois 5.9-14

Sermon du pasteur François Poillet, Eglise Luthérienne LIbre de Mulhouse

9Naamân vint avec ses chevaux et son char et s'arrêta à l'entrée de la maison d'Elisée. 10Elisée envoya un messager pour lui dire : « Va ! Lave-toi sept fois dans le Jourdain : ta chair deviendra saine et tu seras purifié. » 11Naamân s'irrita et partit en disant : « Je me disais : “Il va sûrement sortir de chez lui et, debout, il invoquera le nom du SEIGNEUR son Dieu, passera la main sur l'endroit malade et délivrera le lépreux.” 12L'Abana et le Parpar, les fleuves de Damas, ne valent-ils pas mieux que toutes les eaux d'Israël ? Ne pouvais-je pas m'y laver pour être purifié ? » Il fit donc demi-tour et s'en alla furieux. 13Ses serviteurs s'approchèrent et lui parlèrent ; ils lui dirent : « Mon père ! si le prophète t'avait dit de faire quelque chose d'extraordinaire, ne l'aurais-tu pas fait ? A plus forte raison quand il te dit : “Lave-toi et tu seras purifié.”  » 14Alors Naamân descendit au Jourdain et s'y plongea sept fois selon la parole de l'homme de Dieu. Sa chair devint comme la chair d'un petit garçon, il fut purifié.

Frères et soeurs, en ce dimanche d’automne 2011, remontons l’horloge du temps. Nous sommes 8 siècles avant Jésus-Christ, en Syrie. Naaman, le général en chef de l’armée, un héros couvert de gloire, est rongé par la lèpre. Et voici qu’il tient enfin la guérison : elle est à sa portée. Mais l’histoire retiendra qu’il faillit ne jamais guérir ! Nous verrons quel fut l’obstacle, quel fut le remède, et les applications que nous pouvons en tirer.
I
L’obstacle. L’histoire commence donc en Syrie, au nord-est d’Israël. L’Orient ancien ne manquait ni de savants ni de médecins, pourtant, aucun n’a su guérir le malheureux. Dans sa maison, voici une jeune esclave enlevée au cours d’une razzia. Elle est désormais au service de son épouse. Elle est aussi le moyen que Dieu choisit pour faire entrer le salut dans cette maison. « Si seulement mon seigneur pouvait voir le prophète qui se trouve à Samarie, il le guérirait de sa lèpre » !
On prend l’information au sérieux. Cela devient même très officiel : le roi de Syrie en personne écrit une lettre de recommandation pour le roi des Hébreux. Mais son contenu est incomplet ; elle ne mentionne pas le nom du prophète. Qu’importe après tout : un roi connaît tous ses sujets !
Le général se rend donc avec forte escorte en Israël et se présente au palais.
Consternation : Joram, monarque médiocre et infidèle, prend cette demande pour une provocation : « Suis-je Dieu pour faire mourir et pour faire vivre » ? s’écrie-t-il avec colère ! Elisée apprend la situation. Il fait dire à son roi : « Fais-le venir vers moi et il saura qu’il y a un prophète en Israël » !
Soulagement ! Il ne s’agit finalement que d’une méprise. Le Syrien se met donc en route. Mais à son arrivée, au lieu d’être accueilli avec les honneurs dus à son rang, on lui tend un message : Va te laver sept fois dans le Jourdain : ta chair deviendra saine et tu seras pur.
Stupéfaction ! Non seulement le prophète ne daigne même pas se déranger – « Voici, je me disais : il sortira bien vers moi, se présentera lui-même » …
- mais il lui prescrit aussi un remède ridicule : se laver sept fois dans le Jourdain, le fleuve d’Israël ! Cette fois, on frise l’incident diplomatique…
On peut se demander en effet pourquoi Elisée n’est pas sorti lui-même pour saluer ce curiste très spécial. Comment expliquer cet accueil pour le moins glacial ?
Naaman devait probablement comprendre que Dieu ne fait pas de favoritisme : devant lui, un général n’est pas plus qu’un 2eme classe. Si Dieu décide de bénir un homme, ce n’est pas en fonction de sa dignité ni de ses mérites. En l’occurrence, il ne va pas guérir le général à cause du nombre d’étoiles à son képi, de son cortège officiel, ni de sa lettre de recommandation, … mais par pure grâce. « Naaman, ce doit être bien clair : ta dignité personnelle et tes mérites, tu les laisses au vestiaire ».
Et puis, je pense qu’Elisée veut aussi se mettre lui-même en retrait par rapport à Dieu. Ce n’est pas le prophète qui guérit, mais le Seigneur d’Israël ! Que Naaman s’en tienne à la promesse de Dieu et qu’il accomplisse sa volonté !
Le général syrien n’est pas au bout de ses peines. Ce remède ne lui inspire pas confiance. Pourquoi ? Parce là encore, il attendait tout autre chose. Quelque chose… de plus démonstratif, de plus spectaculaire ! « Je me disais : il invoquera le nom de l’Eternel, son Dieu, il fera passer sa main sur l’endroit malade et me débarrassera de la lèpre ». Ce que le prophète lui demande paraît parfaitement ridicule : se laver dans le Jourdain ! Pourquoi sept fois ? Et pourquoi ici ? Les fleuves de Damas ne valent-ils pas mieux que toutes les eaux d’Israël ?
Dans un sens, je comprends Naaman : il est malade, il vient de loin et que reçoit-il ? L’accueil distant du roi et du guérisseur local ; et maintenant, ce stupide bain dans le Jourdain ! Cela fait beaucoup pour quelqu’un qui était habitué à tous les honneurs dans son pays. « Ca suffit, je rentre chez moi » ! Et il s’en retourna avec fureur !
« Voici, je me disais …, » marmonne-t-il dans sa barbe. C’est bien là qu’est tout le problème : « Je me disais bien»…
Quand on en appelle à Dieu, il ne s’agit pas de « se dire » ceci ou cela, ni de lui prescrire le mode opératoire. En présence de Dieu, il ne faut pas « se dire », mais écouter « ce que lui a à dire » ! Quelque soit l’obstacle pour la raison, ma difficulté à comprendre, voire le fossé entre sa réponse et mes propres plans.
Remarquez bien : Dieu ne demande pas une chose extravagante ! Après tout, sept bains dans le fleuve le plus proche, ce n’est pas la mer à boire ! Et pourtant, que c’est difficile à croire !
Ce militaire illustre bien la nature humaine en général. Chaque fois que Dieu s’approche pour la sauver et indique un moyen simple, facile et gratuit, l’homme a tendance à faire la moue, surpris que ce ne soit pas plus compliqué ! « Guéri sur parole, comme ça, simplement ? Allons donc » !
Mais la Bible cherche à nous dire qu’il existe une lèpre pire encore que celle-ci. Car elle ne ronge pas seulement le corps, mais l’âme : elle place l’homme sous la colère de Dieu et, en l’absence de guérison, le conduit à la mort éternelle.
L’homme n’a aucun moyen de s’en débarrasser lui-même : le péché ne s’opère pas et le pardon ne se mérite pas. Mais pourquoi voudriez-vous que Dieu fasse les choses compliquées quand il peut les faire simplement, lui qui est tout-puissant ?
Obstacle supplémentaire pour Naaman : le remède et la guérison sont gratuits. Or, tout ce qui est gratuit est suspect. D’habitude, personne ne vous soigne gratuitement. Les médecins vous prennent au minimum 23 €. Puis vient toute la gamme des dépassements d’honoraires, des tarifs hallucinants selon les spécialités…
Mais là, rien : Elisée ne lui demande même pas sa carte Vitale ! Apparemment, l’acte sera gratuit. Pourtant, Naaman n’était pas précisément un patient dans la misère… Ses malles contiennent même une véritable fortune : 300 kilos d’argent, 70 kg d’or ! Rien que pour le métal jaune, cela représente la somme de 3.710.000 euros ! C’est le prix estimé par cet homme pour échapper à une maladie mortelle. Pourtant, le prophète néglige tout cela. Juste une prescription insensée, une ordonnance donnée par un tiers sans même une contrepartie. « Fais cela, et tu seras pur ». Je pense que ce général s’est senti profondément offensé. Mais notez bien ceci : pour avoir voulu suivre ses idées et sa propre logique, il a bien failli passer à côté de la guérison !
Tout au long de l’histoire de l’Eglise, beaucoup ont essayé de faire des efforts de sainteté, en s’imposant même toutes sortes d’abstinences ou de souffrances, se flagellant par exemple jusqu’au sang ; mais cela ne peut pas marcher. La culpabilité demeure et tourmente l’âme. Et surtout : Dieu est un Dieu d’amour et de grâce. Cela se manifeste aussi dans la manière dont il aide : l’homme doit avoir confiance et laisser Dieu agir.
Voici pour les obstacles. Voyons à présent le remède et les applications que nous pouvons en tirer…
II
Le salut revient vers Naaman par le biais de ses serviteurs. Heureusement, ils s’approchent pour lui parler : « Maître, si le prophète t’avait demandé quelque chose de difficile, ne l’aurais-tu pas fait ? A plus forte raison dois-tu faire ce qu’il t’a dit : Lave-toi et sois pur » ! L’escorte est plus réfléchie que le général ! Et psychologue en plus ! Elle met le doigt sur ce qui fait problème : le moyen indiqué pour guérir est trop simple ! Comme quoi, on peut avoir besoin de plus petit que soit... Ils sont vraiment très pédagogues : « Maître, si le prophète t’avait demandé quelque chose de compliqué, de cher ou même de douloureux, tu aurais accepté sans broncher. Tu aurais peut-être dit : ‘’C’est un peu cher’’, ou ‘’c’est plutôt compliqué’’, mais en toi-même, tu aurais été satisfait, car la valeur d’un acte est une garantie de sa qualité ».
Finalement, Naaman descend dans l’eau. Sept fois, il se plonge dans le Jourdain, selon la parole du prophète. Résultat ? Sa peau redevient aussi rose que celle d’une jeune fille ! Le miracle s’est produit : la guérison est immédiate, complète et définitive. La promesse de Dieu s’est accomplie.
Saviez-vous que Dieu a l’habitude de telles pratiques et qu’il choisit avec une sorte de prédilection des moyens simples, faciles et gratuits pour aider ? Quelle est la pédagogie divine ? En agissant ainsi, il oblige la raison humaine à se taire, à s’humilier et à faire entièrement confiance à Dieu.
Dans sa grâce, le Seigneur a offert le salut. Pour cela, il a consenti lui-même à un grand sacrifice : il a envoyé son Fils dans le monde ; il est devenu homme, il s’est chargé de nos péchés, il est mort sur la croix et les a ainsi expiés. Ce pardon, Jésus nous le communique au moyen de l’Evangile. L’Evangile est l’annonce de la Bonne nouvelle du salut par la foi en Jésus.
Dans le Livre des Actes, l’apôtre Paul dit : Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé (16.31). Il suffit donc de croire en Jésus pour obtenir le pardon. Qu’est-ce que la foi ? C’est une sorte de mouvement intérieur par lequel je me tourne vers Jésus pour m’attacher à lui. Et cela suffit pour être sauvé !
Mais voyez ! La raison humaine est rétive et conteste : « Ce n’est pas possible ! Ce serait vraiment trop facile » ! De plus, c’est vexant : dire que « le juste vivra par la foi » équivaut à nier toute justice naturelle ! L’homme ne serait pas foncièrement bon ; pire : il aurait besoin d’un sauveur ! Ceci explique les réflexes de rejet qu’on n’observe souvent !
Et même des années après notre conversion, il arrive que le doute subsiste. Selon les épreuves, la façon dont la vie nous malmène, qui ne s’est jamais posé cette question : Dieu me connaît-il réellement par mon nom ? Suis-je digne de m’approcher de sa table sainte, de m’adresser à lui dans mes prières ?
Dans le récit de cette guérison, vous aurez remarqué que le Seigneur se sert de quelque chose dont nous n’avons pas encore parlé : de l’eau. Naaman a été purifié alors qu’il se soumettait à l’ordre divin : « Descends dans les eaux du Jourdain ». Le Syrien saura se souvenir de ce remède insolite, il pourra sans peine en préciser le jour et l’heure, ainsi que son effet sur sa santé !
Frères et soeurs, n’avons-nous pas tous bénéficié d’un miracle analogue ? Le Christ annonce : Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé (Marc 16.16). Dans le livre des Actes (11.16), Ananias dit à Saul, le futur apôtre Paul : Lève-toi, sois baptisé et lavé de tes péchés ! A la Pentecôte, Pierre exhorte la foule de Jérusalem en ces termes (Actes 2.38) : Repentez-vous et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés !
Qu’est-ce que le baptême ? De l’eau, mais accompagnée de ces paroles : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. A cette eau sont donc liées l’oeuvre et la personne du Dieu trinitaire : la promesse du salut, le pardon et la nouvelle naissance ! Quand on dit aux gens qu’ils peuvent être lavés de leurs péchés par le baptême, leur première réaction est souvent la même que Naaman. « Quoi ? De l’eau pour me rendre pur ? C’est ridicule » ! Le diable, par principe, cherche à diviser ce que Dieu a uni et beaucoup d’églises séparent la parole de grâce et le baptême. L’Evangile fait le contraire. Au matin de l’Ascension, Jésus les présente comme les deux moyens de faire de toutes les nations des disciples.
Peut-être vous arrive-t-il à vous – qui avez été baptisés –, de vous poser rétrospectivement ce genre de question : Comment est-il possible que cette eau ait pu me laver de mes péchés, alors que je n’étais qu’un petit enfant ? Après tout, nous venons de voir qu’un général pensa devoir un jour apporter son pesant d’or pour être purifié… Bien des siècles après, un certain Nicodème, théologien déjà âgé, se demandait comment entrer une seconde fois dans le ventre de sa mère, alors que Jésus lui parlait de la nouvelle naissance… Permettez-moi donc de vous rappeler l’explication de Luther dans le Petit Catéchisme :
« Ce n’est pas l’eau certes, qui opère ces grandes choses ; mais c’est la parole de Dieu unie à l’eau, et la foi qui se fonde sur cette parole de Dieu dans l’eau. Car sans la parole, cette eau est une eau comme les autres, mais avec la parole, c’est le baptême, c’est-à-dire une eau de grâce et de vie, le bain de la régénération dans le Saint-Esprit ».
Frères et soeurs, dans son immense amour, Dieu a fait en sorte que tout le monde puisse être facilement sauvé : il a sacrifié son Fils unique et nous communique son pardon par l’Evangile, par le baptême et par la Sainte cène. Que cette simplicité ne soit un obstacle pour aucun d’entre nous ! Ne rejetons pas les remèdes du Sauveur, mais acceptons-les au contraire avec beaucoup de joie et une grande reconnaissance ! Amen !

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