samedi 19 septembre 2009

Marc 9.30-37


Mar 9:30 Ils partirent de là, et traversèrent la Galilée. Jésus ne voulait pas qu'on le sût.
Mar 9:31 Car il enseignait ses disciples, et il leur dit: Le Fils de l'homme sera livré entre les mains des hommes; ils le feront mourir, et, trois jours après qu'il aura été mis à mort, il ressuscitera.
Mar 9:32 Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, et ils craignaient de l'interroger.
Mar 9:33 Ils arrivèrent à Capernaüm. Lorsqu'il fut dans la maison, Jésus leur demanda: De quoi discutiez-vous en chemin?
Mar 9:34 Mais ils gardèrent le silence, car en chemin ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.
Mar 9:35 Alors il s'assit, appela les douze, et leur dit: Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous.
Mar 9:36 Et il prit un petit enfant, le plaça au milieu d'eux, et l'ayant pris dans ses bras, il leur dit:
Mar 9:37 Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, reçoit non pas moi, mais celui qui m'a envoyé.



Chers frères et sœurs,

La semaine dernière, nous avons entendu Jésus annoncer à ses disciples sa mort et sa résurrection "il commença alors à leur apprendre qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, els grands prêtres et les scribes, qu'il soit tué et qu'il ressuscite le troisième jour" (Marc 8.31). Nous avons entendu la réaction de Pierre qui, nous dit Marc, se mit à rabrouer le Seigneur pour avoir parlé ainsi, ce qui amène Jésus à le remettre à sa place (8.32-33).
Dans l'Evangile d'aujourd'hui, nous voyons Jésus continuer à expliquer le sens de sa mission: "le Fils de l'homme sera livré entre les mains des hommes: ils le feront mourir, et, trois jours après, il ressuscitera". (9.31). Jésus fait bien d'insister, parce que les disciples se montrent incapables de comprendre ce dont Jésus parle.

En revanche, il y a un grand sujet qui les occupe alors qu'ils font route avec Jésus: qui est le plus grand d'entre eux? Qui est le meilleur? Qui est au top? Qui est le plus spirituel? Le plus consacré à Jésus?
Et cela amène forcément la question conjointe: qui est le plus mauvais? Qui est franchement pathétique? Qui n'arrive pas à faire venir les gens dans son église pour qu'elle grandisse? Qui est incapable de remettre sa vie en ordre? Qui n'arrive pas à payer les factures?
Qui est le meilleur? Qui est le pire? Bienvenue dans le grand jeu des comparaisons et des classements.

Notre société capitaliste et marchande a réussi à imposer un véritable culte de la performance: dans les entreprises, malheur à celui qui n'arrive pas à rester au top niveau! Et cette mentalité détestable va jusqu'à imprégner notre foi: combien de temps ai-je prié (surtout, ai-je prié plus que ma sœur qui est assise à côté de moi? Combien de pages de la Bible lues cette semaine? Combien de membres ajoutés ou perdus dans la paroisse? (je ne plaisante pas: certaines églises ont même adopté des méthodes directement issues du marketing pour leur croissance numérique et la gestion de leur groupes).

Les apôtres ont commencé à entrer dans le petit jeu du classement. Le Top 12 des apôtres, du premier au dernier, avec toute la gamme entre! Qu'est-ce qui peut les pousser à agir ainsi? C'est peut-être, je crois, le fait que récemment, Pierre, qui faisait quand même un peu office de n°1 s'est fait rabrouer par le patron. Peut-être que ça a pu réveiller certains appétits, comme cela se fait dans certains partis lorsqu'un présidentiable possible chute dans les sondages et que ses petits camarades s'empressent de se mettre en avant. Surtout, je crois que le désir de se classer, ou d'être classé appartient à la nature humaine. Il y a ceux qui sont persuadés qu'ils méritent la première place et qui feront tout pour l'avoir. Il y a ceux qui sont conscients de leurs limites mais qui se consoleront largement en se disant qu'il y en a beaucoup qui sont en dessous d'eux. Car ne vous y trompez pas, frères et sœurs, quand les apôtres se demandent "qui est le plus grand?" ils disent "qui est le chef?". Ca sent la testostérone de grand mâle dominant plus que l'huile sainte cette histoire!

Jésus va ramener ces amis sur terre. Gentiment, mais fermement, parce qu'il sait qu'il est indispensable qu'ils comprennent quelque chose de fondamental. Le Seigneur ne leur fait pas de reproche sur l'indécence de leur attitude alors qu'il leur annonce sa mort. Non, il veut les faire grandir, leur faire passer un cap avec lui.
Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous.
Face à toutes les ambitions, face à tous les désirs de domination, Jésus trace une voie nouvelle: celle de l'humble service. Notre société nous demande constamment "est-ce que tu es un leader?". Jésus nous demande 'est-ce que tu es un serviteur?". Serviteur de Dieu, bien sûr, mais aussi, par là même, serviteur des autres, de tous les autres.
En fait, Jésus invite les disciples et nous-mêmes à le prendre comme exemple. Quelques années après, Paul écrira:
Phi 2:5 Ayez en vous les sentiments qui étaient en Jésus Christ,
Phi 2:6 lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu,
Phi 2:7 mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme,
Phi 2:8 il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix.

Puis, pour enfoncer le clou,

Mar 9:36 Jésus prit un petit enfant, le plaça au milieu d'eux, et l'ayant pris dans ses bras, il leur dit:
Mar 9:37 Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, reçoit non pas moi, mais celui qui m'a envoyé.


Cela peut sembler choquant, mais dans la culture du temps, les enfants n'avaient que peu d'importance aux yeux des gens. C'est seulement quand ils arrivaient à l'entrée de l'âge adulte qu'on commençait à s'intéresser à eux. Cette attitude a continué longtemps, et sous d'autres cultures. Par exemple, Thomas d'Aquin, grand théologien médiéval expliquait qu'en cas d'incendie dans une maison, un homme devait d'abord sauver son père, puis sa grand-mère, puis son épouse et ensuite seulement ses enfants. Survie des plus forts, des plus capables…
Alors qu'en Jésus place ce petit enfant au milieu du groupe, quand il tient ses propos, il insulte la culture de ses amis, il insulte leurs valeurs, il remet en cause radicalement la façon dont ils voient le monde, dont ils conçoivent le pouvoir.
Matthieu, quand il raconte notre histoire, précise que Jésus a dit "si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux" (Mt 18.2).
On a donc ici un double aspect: d'un côté, en Marc, Jésus dit "celui qui reçoit un de ses petits me reçoit parce que je suis comme eux" et de l'autre, en Matthieu, le Seigneur nous invite à devenir comme ces petits enfants.
Dans les deux cas, les petits enfants sont l'image même de l'humilité, de l'ouverture, de l'absence de motifs cachés. Un petit enfant ne calcule pas quand il vous embrasse, il le fait spontanément, par affection, sans espérer rien en retour et sans rien pouvoir vous donner d'autre.

En fait, la clé de ce passage se trouve sans doute dans le contexte: alors que Jésus retourne vers Jérusalem, il annonce pour la deuxième fois sa mise à mort. On peut donc dire que l'ombre de la Croix domine déjà la leçon de Jésus, cette croix où le Fils de Dieu va mourir, va accepter l'humiliation d'être pendu au bois, puni pour nos péchés, abandonné du Père, où il va être au plus au point le serviteur souffrant dont parle le prophète Esaïe, avant de connaître la gloire de la résurrection.

C'est donc dans la même ombre de la croix que nous devons considérer la façon dont nous servons le Seigneur. Croyons-nous qu'il nous doit quelque chose, alors que notre salut vient tout entier de lui? Notre service dans la paroisse est-il mû par l'amour ou cache t'il un souci de prendre le contrôle des choses pour imposer notre point de vue? Savons-nous ne pas nous comparer à nos frères et sœurs?
Sommes-nous véritablement, comme nous le demande Jésus, "serviteur de tous?" et surtout, comment l'être?

Il nous faut en fait accepter premièrement une position de fragilité, de vulnérabilité, car elle caractérise à la fois le service et la condition du petit enfant. Cela est inconfortable bien sûr, cela peut faire peur, mais soyons assurés que le Seigneur est avec ceux qui désirent faire sa volonté. Mais nous devons avant tout laisser Jésus questionner nos modes de vie, nos valeurs, les remettre en cause au nom de l'Evangile.

Etre serviteur de tous, cela veut dire aussi sortir d'une vision trop individualiste de la foi. L'Eglise n'est pas un restaurant où l'on pourrait rentrer, s'asseoir seul à une table alors que d'autres mangent à côté, commander, déguster puis s'en aller. Ceux que nous sommes appelés à servir, ce sont d'abord les frères et les sœurs de l'église locale.
Mais pas seulement. Il y a aussi tous ceux du dehors, que nous servons dans notre vie quotidienne, dans nos engagements associatifs, dans nos amitiés…

Et c'est en pensant à eux que nous devons nous demander: ne sommes-nous pas parfois comme ses disciples qui, alors que Jésus venait de leur annoncer sa mort pour les péchés du monde étaient entrés dans un débat on ne peut plus déplacé et inutile? Quand Jésus leur demande "de quoi parliez-vous en chemin?" ils n'osent pas répondre, sans doute trop embarrassés pour avouer la vérité?
Et nous, de quoi parlons-nous en tant que communauté le long de notre chemin de foi? Ne serions-nous pas nous aussi parfois un peu embarrassés en nous rendant compte que bien des questions triviales et matérielles ont pris le pas sur le message de Jésus-Christ? Ne prenons-nous pas parfois le risque de devenir un club, une assemblée de copropriétaires centrée sur elle-même plutôt que sur sa mission d'évangélisation?
Si c'est le cas; faisons demi-tour
Si ça n'est pas le cas, rendons grâces à Dieu et faisons attention à ce que cela dure longtemps, en nous demandant ce qui pourrait nous faire dévier.

Nous devons nous souvenir du message que Paul a reçu "ma force s'accomplit dans ta faiblesse". Il vaut aussi pour nous et pour notre communauté. Celle-ci n'est pas appelée à faire des pas de géants, mais des pas d'enfants. Les enfants ont besoin d'amour. Eux seuls, et ceux qui leur ressemblent acceptent de tout apprendre de celui qui s'est fait serviteur de tous.

Aucun commentaire: