dimanche 11 septembre 2011

Matthieu 18.21-35

Autres textes: Genèse 50.15-21, Romains 14.7-9

Pierre s'approcha de Jésus et lui dit: «Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi? Est-ce que ce sera jusqu'à 7 fois?»
22 Jésus lui dit: «Je ne te dis pas jusqu'à 7 fois, mais jusqu'à 70 fois 7 fois. 23 »C'est pourquoi, le royaume des cieux ressemble à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
24 Quand il se mit à l'oeuvre, on lui en amena un qui devait 10'000 sacs d'argent.
25 Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna de le vendre, lui, sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait, afin d'être remboursé de cette dette.
26 Le serviteur se jeta par terre et se prosterna devant lui en disant: '[Seigneur,] prends patience envers moi et je te paierai tout.'
27 Rempli de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit la dette.
28 Une fois sorti, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait 100 pièces d'argent. Il l'attrapa à la gorge et se mit à l'étrangler en disant: 'Paie ce que tu me dois.'
29 Son compagnon tomba [à ses pieds] en le suppliant: 'Prends patience envers moi et je te paierai.'
30 Mais l'autre ne voulut pas et alla le faire jeter en prison jusqu'à ce qu'il ait payé ce qu'il devait. 31 A la vue de ce qui était arrivé, ses compagnons furent profondément attristés, et ils allèrent raconter à leur maître tout ce qui s'était passé. 32 Alors le maître fit appeler ce serviteur et lui dit: 'Méchant serviteur, je t'avais remis en entier ta dette parce que tu m'en avais supplié. 33 Ne devais-tu pas, toi aussi, avoir pitié de ton compagnon comme j'ai eu pitié de toi?' 34 Et son maître, irrité, le livra aux bourreaux jusqu'à ce qu'il ait payé tout ce qu'il devait. 35 C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur.»


Chers frères et soeurs en Christ,
chers amis,


Notre évangile de ce dimanche nous apprend quelque chose de fondamental: le pardon, ça ne compte pas. Attention! Je ne suis pas en train de dire par là que le pardon est quelque chose de négligeable. Au contraire, sans pardon, vous et moi serions perdus. Ce que je veux dire, c'est que, comme Jésus nous l'enseigne aujourd'hui, le pardon ne tient pas de comptabilité, qu'il n'est pas toujours en train de regarder dans ses livres combien de fois il a pardonné ou la quantité de péchés qu'il a dû absoudre.
C'est ainsi que Dieu agit envers nous, et c'est ainsi que les chrétiens sont appelés à agir les une envers les autres. Dieu nous pardonne, totalement et gratuitement; et nous devons nous aussi nous pardonner gratuitrement et totalement, sans garder la petite comptabilité de notre pardon. C'est le line que Jésus fait dans la parabole du serviteur infidèle.
C'est une question de Pierre qui pousse Jésus à raconter cette parabole. Le Seigneur vient de commencer à parler de la vie commune dans l'Eglise qu'il va bientôt fonder; comment nous devons agir envers un frère qui pèche contre nous, comment nous devons chercher à la ramener à une conduite chrétienne. Ayant entendu cela, Pierre demande: « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi? Est-ce que ce sera jusqu'à 7 fois?»
Pierre essaie de quantifier le pardon. Il veut garder des traces. En fait, il veut sans doute jouer au spirituel, en prenant un chiffre symboliquement fort « regarde Jésus, je suis prêt à pardonner jusqu'à 7 fois!! C'est bien; hein? »
Mais Jésus prend Pierre à son propre jeu: «  Je ne te dis pas jusqu'à 7 fois, mais jusqu'à 70 fois 7 fois ». 70x7=490!! C'est beaucoup, beaucoup plus que 7. Il va falloir que je m'achète un gros carnet pour noter tous mes pardons. Mais bon, si je note bien tout, je ne vais pas louper le gars à la 491eme fois. Croyez-moi, ça va tomber!! Mais ça n'est pas ça que Jésus veut dire. Ca n'est pas 488: pardon, 489: pardon, 490: pardon, 491: VENGEANCE!!!
En fait, dans l'Ancien Testament, Dieu s'était montré patient envers le peuple d'Israël pour 70 années de Sabbat. Comme ces années revenaient tous les 7 ans, cela fait 70x7= 490. Pendant tout ce temps, Dieu a pardonné à son peuple ses mauvaise voies et a cherché à la ramener à lui, vana t de permettre l'invasion du pays par les Babyloniens. Et même alors, le Père a protégé son peuple dans son exil, au lieu de les détruire, comme ils le méritaient. En fait, ils les a même ramenés dans le Pays Promis...après 70 ans! Voilà comment est la pardon de Dieu, et je crois que Jésus voulait rappeler à Pierre que le pardon de Dieu envers Israël s'était étendu sur 490 ans et bien au-delà en fait!!
Pierre, ne compte pas, pardonne, que ce soit la 492ème fois ou la première. Et pour être encore plus précis, Jésus raconte une parabole. Je vous la réusme: un serviteur doit une somme énorme à son roi, une somme qui se compterait aujourd'hui en dizaine de millions, une dette qui nécessiterait un énorme plan de rigueur pour être honoré. Dans les temps bibliques, de sérieuses conséquances attendaient celui qui ne pouvait rembourser ses dettes. Son créancier pouvait l'obliger; lui et sa famille, à travailler jusqu'au remboursement du dernier sou. Il pouvait aussi le faire jeter en prison ou le vendre comme esclave, avec tous les siens, pour se rembourser. En cas d'incapacité totale à rembourser, le débiteur restait en prison à vie.
Pourtant, le roi ne fait rien de cela, même si le droit aurait été pour lui. Non, il prend pitié de lui, lui remet son énorme dette et le laisse partir libre. Voilà un serviteur qui vient d'apprendre une bonne et saine leçon sur le pardon et la graçe...Mais en fait, il n'a rien appris du tout.
En effet, la première chose qu'il fait une fois libre est d'aller un autre serviteur qui se trouve lui devoir de l'argent; une somme qui serait aujourd'hui l'équivalente de 2500 euros peut-être. L'autre ne peut pas le payer. Et le premier serviteur, auquel on a tant remis, se montre être un créancier impitoyable. Il saisit l'autre homme à la gorge, exige d'être payé et l'envoie en prison.
Le serviteur n'a manifestement pas appris compris comment le pardon fonctionne dans ce royaume. Il montre clirement qu'il refuse de fonctionner sur la base de la grâce mais qu'il veut agir sur celle de la comptabilité, de la garde minitieuse des dettes. Il refuse de suivre la voie du roi.
Le roi l'apprend et dit: « elle n'est pas bien ma façon de faire? Très bien; on va faire selon la tienne alors. Enlevez-le moi de la vue et mettez-le au trou ».
Et Jésus de bien enfoncer le clou, pour qu'aucun de nous ne se méprenne: « C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur. »


Frères et soeurs en Christ, le sens de cette parabole est claire: le pardon est le principe selon lequel le royaume de Dieu fonctionne, et nous devons le savoir si nous prétendons être les sujets de ce royaume. Si vous voulez agir selon un autre principe, sur la vengeance, sur le « je te revaudrai ça »,vous vous exposez à des problèmes.
Ce n'est pas ainsi que Dieu vous a traités, alors pourquoi traiter ainsi votre frère dans la foi? Dieu l'a paronné, comme il vous a pardonné. Pourquoi alors agir comme si vous étiez plus grand que Dieu, car c'est biende cela qu'il s'agit! Oui, refuser le pardon au pécheur repentant, c'est tomber dans l'idôlatrie, car c'est refuser les voies de Dieu.
Cette importance du pardon, Jésus y revient encore et toujours dans les Evangiles. Et je crois que si le Seigneur a tant insisté, c'est parce qu'il savait que nous avons naturellement du mal avec ce thème.
La grace envers les pécheurs, l'amour les uns envers les autres; ce sont des idées centrales dans l'enseignement de Jésus. Jésus a même placé toute une théologie du pardon dans le Notre Père, la prière des chrétiens. « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Comme le dit Luther « Nous prions notre Père céleste qu'il ne regarde point nos péchés, et qu'il ne repousse pas nos demandes à cause d'eux; car nous sommes indignes de ses bienfaits et ne pouvons les mériter; mais nous le supplions de nous les accorder par grâce, puisque nous péchons tous les jours et ne méritons que des châtiments. C'est pourquoi, à notre tour, nous pardonnerons de tout notre coeur et nous ferons du bien à ceux qui nous offensent. »
Et, dans le Symbole des Apôtres, nous disons « je crois en la rémission des péchés ». Est-ce vrai? Est-ce que nous croyons vraiment que Dieu nous a pardonnés? Et, par conséquent, que nous pouvons pardonner aux autres et à nous-mêmes par la même occasion?
Je crois que si Jésus a parlé à ses disciples de l'importance du pardon dans l'Eglise, c'est parce qu'il savait que là où il existe une communauté humaine des conflits et des offenses peuvent apparaître. C'est vrai au travail, dans les familles. Mais si l'Eglise est humaine, elle est aussi divine, et elle suit donc les lois du royaume de Dieu. Le pardon, au sein de la communauté chrétienne, c'est un peu comme l'huile de moteur. Vous savez que, sans huile, votre moteru va chauffer et se gripper. Ou bien, c'est comme le cartilage des genoux. C'est très important le cartilage, et on s'en rend compte quand on n'en a plus, parce que dans ce cas, les os sont directement en frottement, et que cela fait mal.


Frères et soeurs, nous pourrions continuer longtemps sur ce thème du pardon, sur toutes ses ramifications dans nos existences? Je pourrai vous dire qu'il faut se méfier d'une fausse vision du pardon qui consiste à trop facilement « passer l'éponge » alors qu'il n'y pas de trace de repentir de la part de l'offenseur. Il faut ici distinguer la disposition à pardonner (qui sera libération pour nous) à la capacité à pouvoir prononcer le pardon. Car; comme le dit Roger Vercellino-Aris « Pardonner sans contrepartie risque d’être perçu comme l’amorce d’une tendance à cautionner le mal. L’offenseur peut penser que son acte n’est pas grave. L’objectivité de la faute est alors atténuée ou éliminée, et le pardon devient synonyme de faiblesse.Si pardonner signifie admettre une situation d’iniquité, d’inégalité et de tolérance laxiste, alors bien sûr il n’y a respect ni de l’autre ni de soi »
Le risque aussi que nous courons est tomber dans l'exhortation morale quand nous parlons du pardon chrétien. Or, plus encore que dans les autres domaines, cet aspect de notre foi nous incite à ne pas regarder à nos propres forces ou en nous-mêmes (où nous ne trouverons souvent qu'un « après ce qu'il m'a fait, je n'arrive pas à lui pardonner »).
Encore une fois, c'est vers la croix de Christ que nous sommes amenés à porter nos regards. A la croix nous comprenons ce que c'est que le pardon de Dieu nous saisisson l'étendue de la dette qui nous a été remise par notre roi. Elle valait plusieurs dizaines de sacs d'argent. Allons-nous refuser de pardonner au frère ou à la soeur qui nous doit quelques piècettes?
Dans notre première lecture de ce dimanche, nous avons un magnifique exempel d'action de l'Esprit Saint dans la vie de Joseph. Les frères de Joseph avaient espéré que l'esclavage tuerait leur frère, mais le Seigneur l'avait protégé et lui avait permis d'accèder aux plus hautes fonctions d'Egypte. Et Joseph, comme tout croyant (même dans l'ancienne alliance) a regardé à son Seigneur, il a cru que son Dieu allait envoyer un jour un sauveur qui apporterait le pardon. Il n'a pas voulu se mettre à place de Dieu.


Le pardon ne compte pas, il ne se retient pas, il ne se lasse pas. Il n'est pas affaire de crédit qui s'épuiserait, car Dieu est une source inépuisable de pardon, et c'est en lui que nous trouverons la force de pardonner aux autres. Il a créé en l'Eglise une famille, au sein de laquelle le pardon est plus qu'une façon de faire: un mode de vie...


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