dimanche 3 mars 2013

Notre Père (2) - Carême 2013

Chers frères et sœurs en Christ,
chers amis,


Vous vous souvenez peut-être que lors de nos prédications de l'Avent, nous avons médité ensemble sur les paroles de Marie: « Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole ».
Vous vous demandez pourquoi je reviens à ce récit alors que nous nous approchons plutôt de Pâques. La raison est simple: nous étudions le Notre Père, et on peut dire que d'une certaine façon, Marie est la première à avoir dit « que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »
Pour continuer, je voudrais vous rappeler le récit de Matthieu où notre Seigneur fait face à sa propre mort, dans le jardin de Gethsemané.
36 Là-dessus, Jésus se rendit avec eux dans un endroit appelé Gethsémané et il dit aux disciples: «Asseyez-vous [ici] pendant que je m'éloignerai pour prier.» 37 Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée et il commença à être saisi de tristesse et d'angoisse. 38 Il leur dit alors: «Mon âme est triste à en mourir. Restez ici, éveillés avec moi.» 39 Puis il avança de quelques pas, se jeta le visage contre terre et fit cette prière: «Mon Père, si cela est possible, que cette coupe s'éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.» 40 Il revint vers les disciples, qu'il trouva endormis, et dit à Pierre: «Vous n'avez donc pas pu rester éveillés une seule heure avec moi! 41 Restez vigilants et priez pour ne pas céder à la tentation. L'esprit est bien disposé, mais par nature l'homme est faible.»
42 Il s'éloigna une deuxième fois et fit cette prière: «Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne [de moi] sans que je la boive, que ta volonté soit faite!» 43 Il revint et les trouva encore endormis, car ils avaient les paupières lourdes. 44 Il les quitta, s'éloigna de nouveau et pria pour la troisième fois, répétant les mêmes paroles.
Pour commencer cette prédication, je voudrais vous lire une citation du théologien Frederick Buechner: « Nous disons ''que ta volonté soit faite''. C'est le plus haut point de la première partie du Notre Père. Nous demandons à Dieu d'être Dieu. Nous lui demandons de faire non ce que nous voulons, mais ce qu'il veut (…) Nous disons ''que ton règne vienne''. Et qu'adviendrait-il si cela devait soudainement arriver ? »
Que ton règne vienne, ou encore que ton royaume arrive selon d'autres traductions...Et voilà que se pose déjà une question: qu'est-ce que c'est au juste que le royaume de Dieu? C'est un royaume bien sûr, mais qui n'a rien à voir, par exemple, avec celui de Sa Gracieuse Majesté Élisabeth II. Ce royaume-là n'est pas comme les royaumes de la terre. Ce ce qu'ont trop souvent oublié ceux qui rêvassent encore de rétablir la Chrétienté ou ceux qui, il n'y a pas si longtemps, voulaient apporter le Grand Soir une Bible dans une main et un Petit Livre Rouge dans l'autre!! Ce doit être bien commode de penser que ses idées politiques coïncident avec la volonté de Dieu!
Notre Église luthérienne n'a jamais rien eu à voir avec ces délires politico-religieux, parce qu'elle est une église biblique. Elle sait donc que le royaume de Dieu a été le grand thème de la prédication de Jésus. Le temps nous manquerait pour lire tous les textes, mais Jésus a souvent employé les paraboles pour nous faire comprendre ce qu'est le royaume de Dieu (ou des cieux, c'est pareil).
Le royaume de Dieu est comme...une graine minuscule qui grandit patiemment pour donner un grand arbre; un marchand qui vend tout ce qu'il a pour acheter une perle de grand prix. Le royaume de Dieu est aussi décrit comme un trésor caché dans un champ ou à un filet qui prend toutes sortes de poissons. Les exemples ne manquent pas dans les paraboles.
Ils nous font tous comprendre que le royaume de Dieu n'est pas un système juridique ou politique. Le royaume de Dieu n'est pas un territoire. Le royaume de Dieu se trouve partout où la volonté de Dieu est suivie et où ses valeurs dominent et orientent les vies. Le royaume de Dieu où la volonté de Dieu est suivie et obéie, et non pas notre volonté, celle de la société ou d'un courant de pensée.
Repensons à Marie. Pensons-nous vraiment que ça a été une joie pour elle d'apprendre qu'elle allait être enceinte, qui plus est sans avoir connu d'homme, dans une société où les « filles-mères » étaient méprisées? Et pourtant cette gamine de Galilée savait que Dieu était à l'œuvre. Elle a sur reconnaître que le royaume de Dieu était bel et bien là (on pourrait dire « en face d'elle »). Voilà pourquoi elle n'a pas pensé à la honte, aux rumeurs, aux doigts pointés vers elle. Marie a sur se soumettre à la volonté de Dieu. Et le Sauveur du monde est sorti de ses entrailles.


Quel est votre royaume? Qu'est-ce qui dirige votre vie? Quelles sont les valeurs par lesquelles vous vous évaluez et jugez les autres? Vers quoi ou qui vont vos efforts, votre allégeance? Votre bien-être? Votre argent? Votre famille? Votre tranquillité? Votre travail?
Ce sont là de bonnes choses, mais le risque existe toujours de voir nos petits royaumes personnels de confort entrer en conflit avec le royaume de Dieu.
Certains disent qu'il faudrait toujours se demander « que ferait Jésus à ma place ». C'est oublier que Jésus était le Fils de Dieu. En revanche, il sera certainement bon de se dire « Jésus a déjà tout fait pour que je sois entièrement pardonné de mes fautes, uni à lui et rendu capable de vivre un vie nouvelle. Dans telle ou telle situation, que ferait un disciple de Jésus?? »


Cela nous amène à la seconde moitié de ma méditation « que ta volonté soit faite ».
Dans le texte de Matthieu que nous venons de lire, Jésus prononce cette prière non pas une fois, non pas deux, mais trois fois. Trois, dans la mentalité hébraïque, c'est le nombre parfait, de la complétude. Est-ce que Jésus avait besoin d'encouragement? D'être rassuré sur le sens et la portée de ce qu'il se préparait à vivre sur la croix? Ce passage en tout cas capture à la fois l'humanité de Jésus, dans son angoisse et sa crainte et sa divinité, dans sa capacité à se soumettre à la volonté du Père.


Que ta volonté soit faite. C'est peut-être la plus difficile des prières. Elle veut dire que nous nous soumettons à Dieu. Elle implique un lâcher prise, qui n'a rien à voir avec du fatalisme, mais qui est la marque de la tranquille confiance de ceux qui savent que Dieu est leur père. Il s'agit de mettre la volonté de Dieu au dessus de notre propre volonté. Vaste projet!
Quelqu'un a dit un jour que quand nous prions le plus important n'est pas d'obtenir ce que nous désirons, mais plutôt de demander à Dieu de nous changer pour que puissions vouloir ce qu'il veut. Voilà ce que veut dire « que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
Voilà pourquoi je dis que cette prière est en fait une dynamite? Quand nous demandons à Dieu d'accomplir sa volonté, d'étendre son règne y compris dans nos propres vies, sommes -nous vraiment sérieux? Parce que cela va tellement à l'encontre de ce que le monde nous dit: que le plus important, c'est nous, nous et nos désirs, notre liberté et nos caprices. Et nous avons que bien souvent nous suivrons notre propre volonté, notre propre jugement plutôt que ceux de Dieu. Et à ce moment-là, nous pourrons retourner vers la grâce de Dieu telle qu'elle nous a été donnée en Christ, car cela a été la volonté de Dieu qu'en lui nous soyons ses enfants.
Car Dieu n'est pas un Père Fouettard. Il ne cherchera jamais à nous contraindre, même s'il le pourrait. Il y a une patience, une pédagogie de Dieu à notre égard. Il agit par son Esprit pour enlever tout ce qui dans nos cœurs fait obstacle à sa volonté, pour que nous puissions y adhérer pleinement, volontairement, dans la joie et la liberté d'hommes et de femmes libres et responsables. Alors, sa volonté sera une fête pour nous nous, et nous serons dans la joie.


Amen.

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