dimanche 10 mars 2013

Notre Père (3) - Carême 2013

Chers frères et sœurs en Christ,
chers amis,


Le Notre Père commence par des idées très élevées. On y parle de la sainteté du nom de Dieu, de sa volonté, de son royaume...Mais dans la seconde partie, la prière s'oriente vers des réalités plus pratiques qui sont pourtant loin d'être dénuées de spiritualité.
Aujourd'hui, je voudrais que nous étudiions ensemble la première de ces requêtes: « donne nous aujourd'hui notre pain de ce jour ».
Donc, Jésus, après nous avoir dit de prier pour que le nom de Dieu soit sanctifié, que son règne vienne et que sa volonté soit faite, nous dit de demander à Dieu de nous donner ce dont nous avons besoin pour notre vie physique. Cela fait écho à ces autres parole de Christ  « cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice et toutes choses vous seront données en plus » Matthieu 6.33.
Je voudrais ce matin que nous découpions cette prière pour en analyser le contenu:
« Donne »
c'est une prière de dépendance. Ultimement, tout ce que nous avons est un don de Dieu. Cette prière reconnaît l'origine de notre pain.
Dieu ne se contente pas de régner sur le domaine dit « spirituel ». Il nous a créés être physiques, dotés de corps bien charnels qui ont des besoins. Cette dimension physique n'est pas inférieure ou en opposition avec l'aspect spirituel.
Beaucoup de gens diraient que leur pain quotidien (aujourd'hui: leurs revenus) viennent de leur travail, ou de leurs investissements même parfois. Mais ce ne sont là en fait que des moyens temporaires par lesquels Dieu déverse ses bénédictions sur nous. Oui, tu travailles dur et tu gagnes un argent bien mérité. Mais qui t'a permis d'avoir un travail? D'avoir la capacité de travailler? C'est ton Dieu; et chaque cent que tu tires de ton labeur vient en fait de lui. La première clé de cette requête est donc de se souvenir de la source réelle des bénédictions matérielles que nous recevons: Dieu.

Nous disons ensuite donne-nous aujourd'hui.

Cette référence au pain de ce jour (pas celui de demain) est une allusion à la manne. Après avoir quitté l'Égypte, le peuple se retrouva dans le désert et commença à se plaindre amèrement: Dieu ne les avait-ils pas abandonnés? Alors le Seigneur commença à leur envoyer une nourriture sous forme de petites concrétions: la manne. La manne tombait chaque matin avec la rosée. Chacun en avait assez pour se nourrir au long du jour, mais il n'était pas possible de faire des provisions car la manne pourrissait en 24 heures. Dieu a ainsi appris à son peuple à lui faire confiance et à dépendre de lui chaque jour.
Là encore, cette prière fait écho à d'autres paroles de Jésus: « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain prendra soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. » (Matthieu 6.34)
Plus globalement, je crois que Dieu nous invite à ne pas tomber dans un piège trop courant: vivre dans le passé ou vivre dans le futur. Il y a des gens qui vivent dans le passé; soit parce qu'ils regrettent « le bon vieux temps » ou, plus souvent, parce qu'ils n'ont pas surmonté d'anciens échecs ou des souffrances qui leur ont été infligées il y a parfois des décennies!! Ils refusent de pardonner ou de se pardonner. Mais le passé, c'est le passé et nous ne pouvons vivre que dans le présent.
D'autres vivent dans le futur. Parfois, c'est parce qu'ils sont toujours en train de construire des projets grandioses qui n'arrivent jamais à rien. Mais beaucoup plus souvent, le futur inquiète, il effraie. De quoi demain sera t'il fait? Cette angoisse quant à l'avenir, elle est paralysante, au niveau d'un individu, d'une société ou même d'une église. Frères et sœurs, tous ces soucis sont vains. Comme nous l'a dit notre Seigneur: « Qui de vous peut, par ses inquiétudes, ajouter un instant à la durée de sa vie?» (Luc 12)

Le Notre Père nous place donc dans une perspective particulière: celle d'aujourd'hui; du maintenant où nous sommes appelés à pleinement nous engager, oubliant ce qui est passé et laissant les lendemains aux soins du Seigneur. Comme Luc le dit dans sa version du Notre Père « donne-nous jour après jour notre pain quotidien ». Jour après jour, pas à pas...Cela nous amène à une foi d'enfant, une foi qui chaque jour se renouvelle et fait confiance à son Père. Une foi qui nous permet de déposer toutes nos craintes et toutes nos inquiétudes au pied de la Croix pour en être soulagé.

Par ailleurs, nous prions donne nous ».
Encore une fois, le Notre Père détruit cet excès d'individualisme qui a fait tant de mal à nos sociétés. Il ne s'agit pas de prier en disant « Seigneur, donne moi ce dont j'ai besoin, bénis ma femme (ou mon époux), mes enfants, mon chien et mon petit mode de vie de classe moyenne française du 21ème siècle ».
Les bénédictions que nous demandons à titre individuel pour nous et pour les nôtres, nous demandons au Tout-Puissant de les étendre sur nos frères et sœurs en Christ et, plus largement, sur le monde entier.


Enfin, nous devons bien sûr parler du pain. Il y a bien sûr l'idée des choses nécessaires à la vie. Dans notre langue, « gagner son pain » et « gagner sa vie », c'est la même chose. Pour Luther, l'idée de pain quotidien dépasse de loin la nourriture et inclut « La nourriture, le vêtement, la demeure, le champ, le bétail, le gain de chaque jour, une famille pieuse, de bons maîtres et des serviteurs honnêtes, un bon gouvernement, des saisons favorables, la paix, l'ordre, la santé, l'honneur, des amis fidèles, de bons voisins, et en général toutes les choses nécessaires à l'entretien de cette vie. »

Beaucoup de choses, donc, mais des choses simples, de « première nécessité », qui permettent de vivre une vie peut-être simple, mais paisible. Nous demandons au Père de nous donner notre pain quotidien: pas du luxe, du superflu ou du bling-bling. Ici, le Notre Père nous invite à nous poser une question essentielle dans notre société de consommation: de quoi avons-nous vraiment besoin pour vivre et, surtout, pour être vraiment heureux...

Pour conclure, quelques remarques:

Cette partie du Notre Père nous fait réaliser que tout ce que nous avons vient de Dieu, et elle nous invite donc à des vies de reconnaissance. Rien n'est plus laid que l'ingratitude, et plus encore l'ingratitude envers Dieu.

Deuxièmement, cette partie du Notre Père cherche à nous enseigner le contentement. Dans notre société, trop de gens cherchent à en avoir « toujours plus ». Mais plus de quoi? De télés à écran plat ou de sens à la vie? Dans l'Ancien Testament, nous trouvons un prière d'Agur:
« Je te demande deux choses (...):éloigne de moi la fausseté et le mensonge, et ne me donne ni pauvreté ni richesse, mais accorde-moi le pain qui m'est nécessaire!» (Proverbes 30.7-9)
On pourrait reformuler ainsi: Dieu, débarrasse moi de tout ce qui est faux dans la vie, et donne-moi ce dont j'ai besoin, pas plus, pas moins parce que sinon je risque les écueils de l'orgueil ou du désespoir. Voilà je crois une perspective intéressante sur l'existence, dont nous pourrions tous nous inspirer.

Troisièmement, cette partie du Notre Père nous invite à la confiance. Elle nous invite à nous en remettre chaque jour à Dieu. Cela veut dire arrêter de penser à ce que nous allons ou devons faire pour se centrer sur ce que Dieu va faire. Et cela veut entrer dans une dimension où l'on s'attend à qu'un Dieu vivant écoute notre prière et y réponde d'un point de vue très matériel.

Enfin, cette partie du Notre Père nous invite à nous souvenir que si nous sommes bénis, c'est aussi pour bénir à notre tour. Là encore, on entre dans un aspect très pratique de notre foi (ou de notre manque de foi d'ailleurs). Il est clair que Dieu nous demande de consacrer une partie de ce qu'il nous a donné pour « le service de son Église et de nos frères ». Si nous ne le faisons pas ou si nous le faisons d'un cœur chagrin, ou si notre offrande n'est qu'une aumône, nous montrons que nous n'avons par encore compris ce que veut dire faire confiance à Dieu et obéir à sa sainte volonté. Oui, nous sommes bénis pour bénir, ne l'oublions pas. Et prenons garde à cette parole de l'apôtre: mon Dieu pourvoira à tous vos besoins conformément à sa richesse, avec gloire, en Jésus-Christ. (Philippiens 4.19)

Croyons-le, et demandons au Père de nous donner notre pain quotidien.

Amen.










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