dimanche 10 avril 2011

Carême 2011: méditations sur le Petit Catéchsime (5)

Chers frères et soeurs,
chers amis

Nous arrivons en ce dimanche à ce qui est peut-être la partie la moins connue du Petit Catéchisme: celle qui traite du ministère des clefs et de la confession. Tous les dimanches, nous confessons publiquement nos péchés. Tous les dimanches, votre pasteur vous pardonne vos péchés au nom du Seigneur Jésus-Christ.
C'est ce que l'on appelle la confession publique. Les réformateurs luthériens ont toujours insisté pour dire qu'il était aussi possible (et bénéfique) de se confesser de façon privée à son pasteur si on le souhaitait. 
 

Cette pratique, disons-le, a presque totalement disparue dans le luthéranisme actuel (à l'exception de milieux très romanisants). Mais on pourrait dire que quand, lors d'un entretien de relation d'aide, un pasteur annonce le pardon à une âme troublée et repentante, le ministère des clefs a été exercé, même si ce n'est pas en suivant une liturgie pré-établie. De toute manière, le ministère des clés n'appartient pas seulement aux pasteurs: vous pouvez dire à tous ceux qui se repentent et croient en Jésus: "tes péchés sont pardonnés!".

Nous parlons donc du ministère des clés. Qui parmi vous a des clés dans sa poche en ce moment? Qui parmi vous utilise au moins une clé chaque jour? Et oui, elles sont partout ces clés. En fait, je me souviens de quand j'ai reçu une copie des clés de la maison (et de mon premier porte-clé): c'était, mine de rien, une première étape vers l'âge adulte et une vraie autonomie!

D'ailleurs, perdre ses clefs est vraiment quelque chose de très frustrant!
Les clefs ne sont donc que de petits morceaux de métal, mais sans elles, nous sommes bien ennuyés: pas possible de démarrer la voiture ou de rentrer chez soi! C'est que nous avons besoin de la voiture (hélas) pour aller travailler ou faire les courses. Nous avons besoin de renter chez nous pour nous reposer, parce qu'on ne va quand même pas passer la nuit dehors.
Réfléchissez-y, et vous verrez que ces petits objets qui mesurent 3 cm et pèsent 10 grammes vous ouvrent bien d'autres choses que les portes de votre véhicule ou de votre demeure!

On utilise aussi le mot « clé » métaphoriquement. Quand nous pensions acheter, j'avais lu un magazine qui avait publié un dossier spécial « les clés pour emprunter ». De la même façon, on dira qu'il y a des clés pour de devenir plus performant dans notre job; ou encore on va nous donner des clés pour être de meilleurs parents. Il y a aussi des clés pour maintenir notre mariage en bonne santé ou pour garder la forme (exercice, régime).

C'est avec toutes ces idées en tête que nous abordons à présent un extrait de l'Evangile de Matthieu qui soutient, avec d'autres textes bibliques, notre doctrine du ministère des clés:

Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. Matthieu 16.19

Souvent, quand nous lisons ce passage, nous nous centrons sur le « Royaume des cieux » qui a été, il est vrai, au coeur de la prédication de Jésus. Mais aujourd'hui, c'est aux clefs que nous nous intéresserons. Les clefs. Il y en a plusieurs. Le Royaume a dons son enseignement et ses paraboles. Le Royaume a ses miracles. Le Royaume est partout où l'amour de Jésus dirige la vie d'un humain. Le Royaume a des clefs.

Quelles sont-elles?

« ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux ». Voilà les clefs du Royaume: une clef pour retenir le pardon et une clef pour accorder le pardon.
En fait, ici, Jésus utilise une expression commune en araméen (la langue la plus parlée en Palestine à l'époque). « lier sur la terre » voulait dire qu'on déclarait qu'une personne était toujours liée aux conséquences de ses fautes. « Délier sur la terre » voulait dire qu'une personne était pardonnée, libérée.

Plus largement, la phrase « lier et délier »  était utilisée par les rabbins de l'époque qui avaient, justement, le pouvoir de « lier et délier ». Lier et délier voulait dire permettre et interdire, déclarer que quelque chose était permis ou interdit.

Donc, l'expression « lier et délier » doit être interprétée de manière figurative, pour ce qu'elle était: une façon araméenne de prononcer le pardon ou de le retenir.

Nous nous souvenons ici des mots similaires de Jésus en Jean 20.22-23:
Recevez l'Esprit saint. 23A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus.

Le Petit Catéchisme explique que le ministère des clés est: « le pouvoir particulier que Jésus-Christ a donné à son Église sur la terre, de remettre les péchés aux pécheurs pénitents, et de retenir les péchés aux impénitents aussi longtemps qu'ils ne s'en repentent pas. »
Quand, après la confession, le pasteur déclare (par exemple) « Le Dieu tout-puissant dans sa miséricorde a livré son Fils à la mort pour vous. En son nom, il vous pardonne tous vos péchés. En tant que serviteur appelé et ordonné du Christ, je vous pardonne vos péchés, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Liturgies et Cantiques Luthériens, Eglise Luthérienne du Canada), c'est le ministère des clefs.

Qu'est-ce que ça veut dire pour nos vies de tous les jours? Retenir le pardon, prononcer le pardon.

Retenir le pardon. Car cela peut arriver. Il y a des cas où le pardon doit être retenu, où il ne peut pas être prononcé, tout simplement parce qu'il ne peut pas l'être. La Bible lie le pardon à la repentance. Certains actes, certaines attitudes sont tout simplement contraires à la volonté de Dieu et il faut avoir le courage de le dire. C'est compliqué, parce que nous vivons dans une société où les gens veulent avoir la liberté sans la responsabilité et sans assumer les conséquences de leurs actes.
Cela peut arriver. Cela arrive; et il est important que lorsque cela se produit tous comprennent bien que, malgré les apparences parfois, ce sont l'amour et la grâce qui sont au coeur de cette démarche très grave. Ce que nous devons chercher, c'est l'intérêt spirituel de la personne concernée, c'est sa restauration que nous vison quand nous sommes amenés à dire « attention, là, tu vas trop loin!! Fais demi-tour! Reviens vite »
« ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux »

Prononcer le pardon. Vos péchés sont pardonnés au nom de Dieu. Je trouve très révélateur que ce soit le mot « délier » qui soit utilisé ici. 
Car le pardon que nous recevons est libération: libération de notre culpabilité, libération de notre remords, libération aussi de notre incapacité à réparer le mal que nous avons pu faire. Le pardon reçu est donc libération parce que nous recevons mais aussi parce qu'il nous permet de donner. Il y a là comme un double mouvement: l'inspiration, c'est quand nous recvons le pardon; l'expiration, c'est quand nous nous savons pardonnés et que nous pouvons donc pardonner aux autres aussi.

C'est que la capacité à pardonner aux autres est nécessaire dans un monde où ne vivent que des être imparfaits comme votre conjoints, vos enfants, vos collègues et vous-même. Dans ce cas, la capacité à pardonner est aussi prise de conscience que nous vivons dans un monde imparfait.

Le pardon est nécessaire pour continuer à vivre ensemble (notamment dans les couples!) mais il est aussi nécessaire pour continuer à simplement vivre. Si nous ne pardonnons pas, nous nous condamnons à être rongés par la rancune et l'amertume, qui peuvent nous détruire.
Fondamentalement, ce n'est pas tant pour le prochain que nous devons pardonner (il y a d'ailleurs des conditions au pardon!!) que pour nous-mêmes, afin de ne pas continuer à être victime de l'offense qui nous a été faite. Comptez sur Jésus pour vous donner la force de pardonner et pour vous libérer du mal qui vous a été fait.

Les clefs. J'utilise presque chaque jour la clef de ma maison et celle de ma voiture. La clef de ma maison ne démarrera jamais mon véhicule. Ma clef de voiture n'ouvrira jamais la porte de mon domicile. Ce sont deux clefs différentes qui doivent être utilisées pour des occasions différentes.

Dans le royaume de Dieu, il y a deux clefs. La clef qui accorde le pardon. La clef qui retient le pardon. Ces clefs ne sont pas les mêmes, mais Jésus les a confiées à son église, et nous devons savoir les utiliser.

Amen.

Aucun commentaire: