dimanche 2 janvier 2011

EPHESIENS 3.1-6


Esaïe 60.1-6; Matthieu 2.1-12


1A cause de cela, moi Paul, le prisonnier du Christ-Jésus pour vous, les païens, ... 2si du moins vous avez entendu parler de la grâce de Dieu qui m'a été accordée pour que je vous en fasse part. 3C'est par révélation que j'ai eu connaissance du mystère, comme je viens de l'écrire en quelques mots. 4En les lisant, vous pouvez comprendre l'intelligence que j'ai du mystère du Christ. 5Ce mystère n'avait pas été porté à la connaissance des fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et prophètes : 6les païens ont un même héritage, forment un même corps et participent à la même promesse en Christ-Jésus par l'Évangile


Chers frères et soeurs,
chers amis,

Nous célébrons ce dimanche la fête de l'Epiphanie (qui aura en fait lieu jeudi prochain). L'Epiphanie demeure bien discrète dans le calendrier liturgique des protestants français. Pourtant, alors que nous commençons une nouvelle année, avec ces espoirs et ses défis placés devant nous, l'Epiphanie a des choses à nous dire à la fois personnellement et collectivement en tant qu'église. Le terme « épiphanie » signifie manifestation en grec. La fête tire son origine des églises d'Orient, et il faut savoir qu'elle a pris en Occident un sens beaucoup plus limité qu'à l'Est, puisque pour nous elle n'est plus centrée que sur la visite des mages.
Mais en fait, à l'origine, l'épiphanie était la grande et unique fête de la manifestation de Christ dans le monde. Cela incluait sa naissance à Bethléem, son baptême (puisque Marc fait commencer l'histoire de Jésus par son baptême par Jean, avec manifestation par la voix du Père et la colombe de l'Esprit), la visite des mages (manifestation aux païens), le miracle de Cana (manifestation par le premier miracle).
En fait, on pourrait dire que la l'épiphanie est une fête des commencements: commencement de la vie terrestre de Christ avec sa naissance, commencement(s) de son ministère avec son baptême et son premier miracle. Alors pour nous qui commençons une nouvelle année civile, posons-nous la question: à quels commencements Dieu veut-il nous amener en 2011? Comment vivre la manifestation de Dieu dans nos vies, car elle ne s'est pas arrêtée bien sûr avec les épisodes bibliques que nous avons évoqués.

Je vous invite donc ce matin à réfléchir au message et à la signification de l'Epiphanie, surtout à partir des quelques versets du chapitre 3 de l'épître aux Ephésiens, que je vous ai lus : "Le mystère du Christ, dit Paul, Dieu vient de le révéler maintenant, par l'Esprit".

Puisque Epiphanie signifie manifestation de Dieu, l'exemple de l'apôtre Paul va justement nous montrer comment cette fête peut et doit être actualisée.
Comment Paul, en tout cas, a compris et a actualisé l'épiphanie de Dieu, la manifestation du mystère de Dieu.
Et comment nous, aujourd'hui, nous pourrions la comprendre et l'actualiser à notre tour.

Pour Paul, le choc, la révélation a lieu sur le chemin de Damas, où la lumière de Dieu éclate autour de lui et sur lui.
La conversion de l'apôtre Paul est une illustration extraordinaire de la façon dont Dieu appelle un homme, un individu, le bouscule, lui parle, l'éclaire et l'envoie.

Il est ridicule, devant des exemples pareils, de mettre en question aujourd'hui la signification de la conversion de l'individu, la prédication et la bonne nouvelle de la nouvelle naissance, la proclamation de la grâce offerte par Dieu à l'individu que je suis. A l'individu qu'est chacun de nous. Chaque homme a une valeur infinie aux yeux de Dieu. Dieu se manifeste à chacun personnellement.

Bien sûr, cette vision a été attaquée de toute part depuis longtemps. Nombreux sont ceux qui ont mis en question l'importance de cette relation personnelle entre Dieu et chaque homme. On a déclaré ridicule le fait de prêcher le slaut personnel, individuel, le fait de dire en chrétien « Christ est mort pour moi » comme Luther le disait si fortement. Bien sûr, il peut y avoir un côté malsain dans une spiritualité trop individualiste. Mais cela ne justifie en rien l'excès inverse, qui gomme le nécessité d'un foi personnelle! On a bien vu, même au sein des églises, le triste résultat des idéologies qui affirmaient que l'individu ne comptait pas, que c'était la lutte des classes qui dirigeait l'Histoire, que les problèmes ne seraient réglés que par une révolution globale et collective. Le résultat de ce grand rêve collectiviste avec lequel des « chrétiens » se sont compromis, cela été le goulag et les camps Khmers rouges! Et même aujourd'hui, dans notre société libérale qui prône tant l'individualisme le plus exacerbé, on voit bien qu'en fait l'individu n'est que le pion d'enjeux économiques. Entre l'égoïsme actuel qui exalte l'individu au dessus de tout et le collectivisme qui le réprime, le christianisme prône la dignité de chaque individu, sa responsabilité à répondre à l'appel de Dieu, son droit de s'inscrire dans des communautés naturelles telles que le famille, ainsi que sa liberté de penser. Il y a là un équilibre à trouver où à retrouver: laisser de la place pour un pélerinage personnel dans la foi, tout en inscrivant cette foi dans la communauté de l'Eglise locale.

Car le salut individuel dont nous avons parlé est aussi un appel au partage et à la communion. Cela aussi se voit dans la vie de Paul qui, parès sa conversion, a littéralement sacrifié sa vie pour annoncer l'Evangile. Cela ne veut pas dire que nous avons tous la même mission que Paul, mais nous reçevons tous un appel à servir. En ce début d'année, demandons-nous: comment mon service au sein de l'église locale peut-il glorifier Dieu, édifier mes frères et mes soeurs et être un témoignage pour ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ?

Dans la lettre aux Ephésiens, Paul fait allusion sans doute à sa conversion sur le chemin de Damas, lorsqu'il dit : "Par révélation, j'ai eu connaissance du mystère".

Mais ce mystère, dit Paul, que "Dieu vient de révéler maintenant par son Esprit", c'est que « les païens ont un même héritage, forment un même corps et participent à la même promesse en Christ-Jésus par l'Évangile »

Voilà la merveilleuse actualisation de l'Epiphanie de Dieu, que nous trouvons chez Paul.
Voilà la merveilleuse compréhension, nouvelle, révolutionnaire, actualisée, du mystère de l'Evangile.
Voilà sans doute la révolution qui a changé l'histoire du monde, plus que n'auraient pu le faire des révolutions politiques, des transformations de structures.

"Les païens ont un même héritage", dit Paul. Ces païens, les "nations", en grec. Les nations sont "cohéritières".

La vision est large, immense, à la dimension du monde tout entier. Jésus n'est pas venu que pour être le Messie d'un peuple. Jésus n'est pas venu que pour sauver Israël.
Il n'est pas venu que pour sauver Paul.

Paul, profondément touché, transformé, révolutionné, va faire exploser la nouvelle partout.

Il se jettera sur les chemins du monde, dans les montagnes et les défilés d'Anatolie et d'Asie, et jusqu'à Rome, capitale de l'empire, capitale du monde de son époque.

Pour Paul, l'Epiphanie de Dieu en Jésus n'est pas une petite affaire. Ce n'est pas l'affaire d'un groupuscule, d'un peuple, ni même d'une petite Eglise composée de gens de diverses nationalités.

Pour lui, l'Evangile s'adresse à tous. Jésus s'adresse à tous.

Cela lui a été révélé. Ce n'était pas évident du tout.

D'ailleurs, Paul sera abondamment critiqué par les Judéo-chrétiens, par les Juifs. Il sera même dénoncé, calomnié et persécuté.
Il avait violé les tabous. Il avait renversé les barrières. Il avait ouvert toutes grandes les portes de l'Eglise, les portes du salut. Est-ce que nous saisissons encore cette dimension radicale, révolutionnaire de l'Evangile?

"Les païens, dit-il, les nations sont cohéritiers du Christ, membres du même corps, associés à la même promesse".
Merveilleux apôtre Paul qui a compris que Jésus-Christ était venu pour tous les hommes !

Mais pour nous qui recevons son Evangile ce matin, que signifie aujourd'hui l'Epiphanie, la manifestation du mystère du Christ ?

Comment actualiserons-nous l'Evangile à notre tour ?
Certains disent que nous vivons après l'ère des idéologies qui ont dominé le 20 ème siècle (fascisme, communisme). Mais nous vivons toujours sous la coupe d'une idéologie! Celle du consumérisme, celle du marché, celle du relativisme moral érigé en dogme. Le Politiquement Correct a son inquisition!!Et comme le christianisme ne peut entrer dans ce moule, comme il propose un autre modèle, une autre vision du monde, il est naturellement vilipendé et tourné en ridicule. Et pourtant, pourtant, ils sont nombreux, auprès de nous, ceux qui voien que l'homme ne vit pas que de pain seulement, ceux qui ont soif de quelque chose de plus: coment allons-nous être témoins auprès d'eux?

Je sais que nos églises doivent absolument redevenir missionnaires et évangélisatrices. Je ne sais pas comment elles le redeviendront. Je doute en vérité qu'il y ait un modèle unique. Certains misent sur la puissance des moyens de communications modernes, comme Internet. Pourquoi pas? Mais faisons attention à ne pas nous fonder sur une puissance humaine, technique qui risquerait de nous couper de la seule vraie puissance: celle de l'Esprit Saint! En fait, je crois que l'enjeu est surtout de ne pas confondre les moyens (quelqu'ils soient) et la fin (l'annonce de l'Evangile).

En effet, la grande révolution sera sans doute moins dans les moyens utilisés pour l'évangélisation, que dans cette vision, cette révélation que Paul avait reçue, ce mystère du Christ qui avait été dévoilé à ses yeux par l'Esprit, à savoir que les païens sont appelés à devenir peuple de Dieu ?

Est-ce que cette vision est bien celle de notre communauté? Est-ce que c'est bien elle qui nous guide? Il est facile, à l'époque où nous vivons, de sombrer dans le défaitisme chrétien. Il est facile (et risqué!) de confondre fidélité et immobilisme! Alors, sommes-nous vraiment à l'écoute de l'Esprit Saint, qui a révélé à Paul ce grand mystère de l'amour de Dieu et qui aujourd'hui encore agit dans l'Eglise pour lui montrer le chemin? Car faisons bien attention, frères et soeurs: Dieu est encore à l'oeuvre!

Au début du livre des Actes, Luc dit « Théophile, j'ai parlé, dans mon premier livre, de tout ce que Jésus a commencé de faire et d'enseigner ». Jésus a commencé à agir et à enseigner durant son ministère terrestre et l'implication de Luc est qu'il a continué, dans la première église décrite en Actes et depuis dans une communauté comme la nôtre. Nous avons lu récemment l'Evangile de Matthieu où Jésus est décrit comme l'Emmanuel: Dieu avec nous. Et bien, commençons cette année avec la certitude que Jésus est avec chacun de nous, que Jésus est avec notre communauté.

Dans le texte d'Esaïe lu ce matin, nous avons entendu le prophète dire à Jérusalem: Lève-toi, brille, car ta lumière arrive et la gloire de l'Eternel se lève sur toi.
Comme Noël, l'épiphanie est aussi une fête de la lumière. La lumière de la présence de Dieu dans nos vies. La lumière de sa grâce, qui est offerte à tous. La lumière de son amour, qui nous guide dans l'obscurité du monde.

Dans sa première lettre, Pierre dit aux chrétiens « vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d'annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ».

Avons-nous conscience de cela? Réalisons-nous que nous pouvons vivre dans l'admirable lumière de Dieu? Et cela est possible parce que Dieu s'est manifesté en Jésus-Christ. Nous n'avons plus à errer dans l'incertitude, nous n'avons plus à chercher un sens à notre vie: la grande lumière de Dieu s'est levée sur nous.

Cela ne fait pas de nous des illuminés, mais des gens éclairés. Des gens qui sauront discerner les signes du Royaume dans le quotidien de leurs vies. Des gens qui après avoir reçu le salut par l'Evangile trouveront dans l'Evangile leur nourriture quotidienne et la force qui les fait avancer.

Les paroles de salutation qui seront échangées ce matin dans bon nombre d'églises orientales: je vous les adresse, moi aussi, avec joie :
— "Christ est né et s'est manifesté...
— Pour vous, pour nous, grande nouvelle !".

Et que la lumière du Seigneur Jésus vous guide et vous garde dans cette nouvelle année.

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